Le Domingo de la musique malienne, Salif Kéïta, face à la presseOn m'a chassé du salon d'honneur de l'aéroport de Sénou comme un malpropre""

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"J’ai été déçu lorsqu’on m’a chassé du salon d’honneur de l’aéroport avec mon épouse. J’ai été humilié par des Maliens, au milieu de gens qui venaient  me demander des autographes. Je suis sorti les larmes aux yeux. Tout de suite après, j’ai appelé le Président de la République, Amadou Toumani Touré, pour lui expliquer ce qui s’était passé. Il m’a dit qu’il allait prendre des dispositions. J’ai ensuite appelé le ministre de la Culture, Cheick Oumar Sissoko. Il m’a dit : Ah bon ? Nous allons demander des explications. Jusqu’à aujourd’hui". Ces propos sont de l’artiste musicien, Salif Kéïta au cours de sa conférence annuelle qu’il a tenu la semaine dernière au Moffou. Cette rencontre a permis aux journalistes de connaître le programme d’activité de l’artiste, son contrat avec Orange et son avis sur l’immigration.

lls étaient très nombreux, le jeudi 12 octobre 2006 au complexe Moffou, à suivre la conférence de presse de l’artiste musicien, Salif Kéïta, après une année de tournées à travers le monde, notamment dans de nombreuses salles de spectacles comme "le Zénith" ou "l’Olympia" à Paris. La rencontre a permis aux journalistes présents d’échanger avec lui sur son programme d’activités, son contrat avec la société de téléphonie mobile Ikatel, qui deviendra très bientôt "Orange", son entrée dans le petit "Larousse" ainsi que son dernier album, "M’Bemba" . L’occasion était bonne d’évoquer certaines difficultés rencontrées par l’artiste, de parler de la fondation qui porte son nom et de l’immigration vers l’Europe.

Meilleur  artiste de la Francophonie

Sorti le 10 octobre 2005, le dernier album de Salif, "M’Bemba", a connu un franc succès tant sur le plan national qu’à l’international. Selon Mamoutou Kéîta, administrateur de Wanda records, "la cassette M’Bemba a dépassé toutes les attentes, puisque plus de 100 000 exemplaires ont été vendus au Mali, 70 000 en Côte d’Ivoire et 102 000 en Guinée Conakry. Sans compter le nombre de cassettes vendues dans les autres pays". Cet opus a permis au Domingo de la musique malienne d’être sacré meilleur artiste de la Francophonie de l’année.

La plus grande fierté de Salif aujourd’hui est d’avoir été immortalisé par des gens que lui-même ne connaît pas. Il s’agit de l’entrée de son nom dans le dictionnaire Larousse. "Tout n’est pas disque d’or. Tout n’est pas profil musical. Il y a des gens, qui sont dans l’ombre, qui remarquent les artistes. C’est à cause de cela que j’ai été immortalisé. Peut-être se sont-ils renseignés sur moi, sur ce qu’on me fait subir au Mali. Ils ont compris que ce n’est pas bien de me traiter comme ça. Heureusement qu’il y a des gens comme ça dans la vie" a déclaré Salif Kéïta. 

Pour la fin de l’année, Salif a un programme d’activités très riche, qui commence le 24 décembre 2006 par un concert à l’hôtel Salam. Ensuite viendra le grand concert gratuit de la société de téléphonie mobile Ikatel, qui va changer son nom pour devenir "Orange", le 29 décembre au Stade Omnisport Modibo Kéïta. Salif y sera en compagnie d’autres artistes, de grosses pointures, comme Fantani Touré. "Vous savez, la société Ikatel changera de nom très bientôt. Elle portera désormais celui d’Orange. C’est dans ce cadre que je vais animer un concert gratuit pour le lancement. J’ai signé un contrat avec Orange pour une série de concerts. Ce que les gens oublient, c’est que Malitel et Ikatel sont deux sociétés qui veulent le développement du Mali. Hier, j’ai chanté pour Malitel, aujourd’hui je suis avec Ikatel (Orange). Pour moi, il n’y a pas de différence entre ces sociétés"  a déclaré avec force Salif. Pour terminer l’année 2006 en beauté, Salif invité les mélomanes de la capitale à une soirée qu’il organise le 31 décembre au complexe "Moffou".

Autres informations, la fondation Salif Kéîta, qui existe depuis déjà un certain temps, est toujours aux côtés des albinos et des enfants de parents démunis. Et l’Association Art et Culture collabore étroitement avec la Mairie de Kalanba Coro, principalement à travers des dons de matériel. 

"J’ai un  dossier à la police française pour avoir défendu les immigrés  maliens"

La lutte contre la pauvreté et le problème de l’immigration demeurent des préoccupations majeures pour Salif. "Je sais qu’il y a des milliards de FCFA qui ont été donnés pour lutter contre la pauvreté. Je suis sûr que ce montant n’ira pas dans la lutte contre ce fléau. Ce n’est que 10% qui seront utilisés. Ces jeunes gens qui passent leur temps à étudier, issus de familles pauvres. Ils ont leurs diplômes, mais ils ne savent que faire, parce que personne ne se penche sur leur sort. Vous conviendrez avec moi que la lutte contre la pauvreté n’est qu’une vitrine, que rien n’a jamais été fait. Nous avons voté pour des gens, pour que Dieu puisse être un jour clément envers nous. Et la plupart de ces gens ne pensent qu’à leurs poches. Plus grave, tout le monde se tait. Parlons de l’immigration.

C’est vrai que cela coûte beaucoup à l’économie malienne. Si je n’ai pas reçu beaucoup de trophées dans la musique, c’est aussi parce que je me suis comporté souvent d’une façon très fâcheuse par rapport aux immigrés maliens. Si j’avais su les risques que je courais en faisant ça, je ne l’aurais peut-être pas fait. Un jour, ils ont amené un Malien dans l’avion, menotté. J’étais avec Fantani Touré. Il avait même pissé dans son pantalon. Il était accompagné par un Inspecteur de Police. Quand je l’ai vu, j’ai dit : Monsieur l’Inspecteur, cet homme n’est plus en France, est-ce que vous pouvez le démenotter pour qu’il rentre dignement chez lui ? Il m’a répondu : qui tu es. Toi, tu es qui ?. Je ne répéterais pas que ce je lui ai dit. Mais, ce n’était pas très poli. C’est ainsi que je me suis énervé. J’ai dit au pilote : si vous montez, nous, nous allons descendre. Ou vous le démenottez ou vous le sortez. C’est pour cela que j’ai un dossier sale en France, à la police. S’il faut choisir entre ce dossier sale et un rapatriement, je choisirai toujours la lutte pour les immigrés. Je suis toujours à la disposition des Maliens pour lutter dans ce domaine"  a déclaré Salif.

Ce qui a le plus touché Salif Kéïta au Mali, c’est ce jour où il a été chassé du salon d’honneur de l’aéroport de Sénou avec son épouse. "J’ai été déçu lorsqu’on m’a chassé du salon d’honneur avec mon épouse. J’ai été humilié par les Maliens au milieu de gens qui venaient me demander des autographes. Je suis sorti avec les larmes aux yeux. Tout de suite après, j’ai appelé le Président de la République, Amadou Toumani Touré pour lui expliquer ce qui s’était passé. Il m’a dit qu’il allait prendre des dispositions. J’ai ensuite appelé le ministre de la Culture, Cheick Oumar Sissoko. Il m’a dit : Ah bon ? Nous allons demander des explications.Jusqu’à aujourd’hui, on en est là. Je veux tout simplement dire que les gens qui ont donné l’ordre de me chasser du salon sont des gens dont le pays a payé les études. Ils doivent de l’argent au Mali.

Moi, je ne dois pas aucun argent au Mali. Je dois au Mali un support moral et beaucoup de promotion. Si des choses comme ça se répètent, ce n’est pas bien. Les musiciens ont beaucoup de choses à dire, mais on se modère parce que nous ne voulons pas mettre le feu au pays. Moi, je ne vois aucun ministre qui vaille mieux que moi dans ce pays. S’ils continuent comme ça, à cause de l’ignorance des artistes maliens, à les humilier malgré tout ce qu’ils font pour ce pays, ça va être très difficile" a-t-il martelé.

 En tout cas, Salif Kéïta n’est pas prêt, pour le moment, à faire de la politique politicienne au Mali.

Alou B HAIDARA

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