Jazz & Blues – Dee Dee s''en va t''au Mali – La chanteuse afro-américaine de Paris propose un disque de blues malien.

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Dee Dee ici, Dee Dee là. Dee Dee qui? Bridgewater. Ici parce qu”elle fait la une de l”avant dernier Jazz Magazine; là parce qu”elle orne la couverture de JazzMan. Pourquoi ce battage, d”ailleurs fondé? Parce que la belle de Memphis, Tennessee, vient de publier un album de… blues malien. De jazz du Mali.

Bon. Il y a un an, l”Américaine de Paris avait réalisé un disque fait de chansons chères à la môme Piaf, Édith de son prénom. Les arrangements, les orchestrations, étaient si riches — riches à l”image de Versailles et non de la densité –, que le tout avait fini en eau de boudin. On exagère, c”était loin d”être insignifiant. Mais ce n”était pas propre à susciter une écoute constante ou régulière du tout.

Aujourd”hui, elle renoue avec ce qui a fait sa renommée. Cette fois, elle a pris le chemin du Mali. Elle a poursuivi une route analogue à celles empruntées antérieurement par Randy Weston, l”Art Ensemble of Chicago, Archie Shepp, Chico Freeman et le regretté Julius Hemphill. Une route faite de spiritualité, d”antiques légendes africaines, de sensualité et de chaleur extrême.

Dans un entretien accordé à Jazz Magazine, elle confie ceci: «Je suis née à Memphis. Ma mère m”a dit que, quand j”étais bébé, j”adorais enlever mes vêtements et me rouler dans la terre rouge, qu”il y a aussi là-bas. Je me frottais le corps, les cheveux… et encore aujourd”hui, quand je vois la terre rouge du Mali, j”ai envie d”y plonger mes mains, et de faire comme ça. Quand je suis arrivée, le premier matin j”ai ouvert les rideaux et j”ai vu cette terre rouge. J”ai compris. Compris aussi que tous les Noirs sont un peu africains, et même les Blancs. C”est le berceau de l”humanité.»

Bien. Sur pratiquement toutes les pièces elle chante en duo. Dee Dee en anglais, son complice en malien. Sur tous les morceaux, il y a abondance de percussions, évidemment, et de cordes. Les instruments? Djembé, cora, calebasse, balafon et autres objets fabriqués avec des bouts de bois, des bouts de ficelle, le tout accompagné de la contrebasse, tenue ici par l”excellent Ira Coleman, et du piano entre les mains d”Edsel Gamea. Aux connaisseurs des choses africaines, mentionnons que Tamani Diabaté est de la partie.

Bon. Très bien produit, fort bien enregistré, cet album intitulé Red Earth A Malian Journey et publié par Emarcy/Universal devrait séduire tous ceux et celles qui avaient été séduits par l”aventure cubaine de Ry Cooder et son Buena Vista Social Club, par les aventures d”Ali Farka Touré et de Taj Mahal. C”est beaucoup.

Bien, non pas bien. Monsieur le producteur, on veut bien comprendre l”obligation qui vous est faite de réaliser des économies d”échelle en cette époque de baisse tendancielle du taux de profit augmentée de la trappe des liquidités. Mais de là à pousser l”avarice jusqu”à réduire la grosseur des lettres, des mots, à une allégorie du microscope… C”est très impoli!

Serge Truffaut (ledevoir.com, 16 juin 2007)

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