Ce n’était pas un vendredi comme les autres, le vendredi dernier au « Diplomate », ce must de la capitale qui a fait déjà oublier le «Hogon» et où Toumani Diabaté attire ses fans de plus en plus nombreux et de plus en plus cosmopolites. Ce vendredi était le premier où la virtuose planétaire, sans aucun doute et de très loin le meilleur koriste au monde, jouait depuis le décès brutal de Mangala Camara, il y a deux semaines.
Entre l’instrumentiste surdoué et le prodigieux vocaliste disparu, il s’était installé une entente complice, une tradition d’improvisation et d’anticipation que seul permet le génie et s’il est vrai que le duo ne se produisait plus depuis un moment ensemble, les inconditionnels que nous sommes n’oublient pas les nuits enchanteresses qu’ils nous ont fait vivre.
Et dont un petit échantillon nous est donné dans Mali Sadio, le titre fétiche de l’album « Boulevard de l’Indépendance ». Justement c’est de ce morceau qu’il est question ici et qui nous vaut de tresser encore Janjon pour Toumani et d’y associer cette autre tête d’affiche mondiale, compositeur rarement en panne d’inspiration et guitariste hors pair. J’ai nommé Habib Koité.
Ce gardien scrupuleux du folklore Khasso a fait le déplacement ce vendredi pour chanter Mali Sadio à la gloire de Mangala Camara, en hommage au géant trop tôt tombé, entre les larmes de certains et l’émotion du petit monde qui était ce jour au « Diplomate ». Comme quand, l’enfant de Kénieba était là. Avec cette petite différence : Diabaté et Koité ont solfié, ce soir là, ni plus ni moins que le sanglot. Ni plus ni moins que la chaîne que nous devons déployer contre l’oubli. La mort est toujours plus forte, c’est vrai.
Et la preuve ce soir là était que nous ne pouvions pas faire chanter Mangala. Mais l’initiative de Toumani Diabaté et Habib Koité console quelque peu. Surtout, qu’après leur avoir renouvelé un Janjon venant du fond du coeur, nous leur disons ce qu’ils ruminent sans doute déjà : leur prestation de l’autre soir impose désormais une soirée de mémoire, une veillée de cordes pour le défunt qui était, quoiqu’on dise de lui, un gardien du temple. Et qui doit être remémoré comme tel.
Adam Thiam