La rubrique hebdomadaire « Janjo » renaît pour sa passion de célébrer le mérite, du vivant de ceux et celles qu”elle a l”honneur de désigner. A l”affiche aujourd”hui : le Bembeya Jazz National. Et ça tombe bien ! Le groupe mythique des progressistes africains est dans nos murs pour la deuxième fois en six ans, et cette fois-ci pour signer toute sa complicité avec le Club Ahmed Sékou Touré. Le nom est lâché.
Un nom de guerre, diront certains, contre le mépris, l”arrogance et le fait accompli. Une amère désillusion, rétorqueront d”autres au vu des cadavres tombés du placard révolutionnaire. Le propos ici, il s”entend, n”est pas de s”attarder sur les verrues et les grains de beauté de l”homme du « non » au général de Gaulle. Ce sera à l”Histoire, et encore ce ne sera simple, de dire si « Manjou » n”a eu ses canines que contre la veine jugulaire des vrais espoirs de la patrie, ou si son drame, de complot en complot, fut d”être réduit à organiser sa seule survie personnelle au détriment du projet national. Le Bembeya Jazz National de Guinée est un fruit de cette époque exaltante où la Guinée, amenée par le postier autodidacte dont les départements de philo du continent étudiaient la redoutable dialectique ne laissait personne indifférent.
L”art musical du groupe était incontestablement achevé. Et ceux qui s”en souviennent encore, peuvent attester de la fascination exercée par cet anonyme orchestre de la région forestière de Beyla sur les grands professionnels de l”Orchestra Aragon. Car les Hamidou Diaouné, Camara Aboubacar Demba, Salif Kaba, Gros Bois, Kaba Mohamed Ashkène, Sékou Dioubaté Bembeya, n”étaient autre que de la graine de champion, qui de tube en tube, ont colonisé les hit parades du continent, et même d”un célèbre Georges Collinet…
Une maestria sur laquelle le temps ne semble pas avoir eu de prise, et nous nous en sommes rendu compte il y a seulement quarante heures au Centre International de Conférence de Bamako. Mais, au-delà de la magie de celui qu”on a surnommé à juste raison Diamond Finger, et des classiques impérissables que demeurent les Allaké, Beni Bara, et autres Ballaké, c”est l”engagement patriotique d”hommes exceptionnels qu”il faut saluer ici. Leur musique fut une puissante tribune pour l”Afrique du refus.
On peut même dire qu”elle fut le principal avocat de la cause guinéenne et des combattants de l”ordre juste. De ce point de vue, si l”Amérique latine a donné au monde la théologie de la libération, on peut dire que le Bembeya Jazz, lui, a inventé la mélodie de la libération. C”est à notre avis, pourquoi, les hommes qui l”animent, sont autant de soldats aguerris. Qui méritent une clairière à part entière pour voir et entendre danser Janjo. Pour eux et rien que pour eux aujourd”hui. rn
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