Issiaka Ba dit Amkoullel : « Le Rap est un Art »

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Rappeur engagé, animateur de télévision, ses  textes défendent  bec et ongle l’image de l’Afrique en générale et du Mali en particulier, Amkoullel est aussi un entrepreneur culturel et social.

 

Amkoullel
Amkoullel

Il s’est imposé comme l’un des rappeurs les plus doués de sa génération en positivant l’image de l’Afrique à travers la culture. En plus de son fort engagement social, il tire son originalité du fait qu’il a créé son propre style de hip hop en live, mélangeant divers instruments traditionnels aux sonorités urbaines et actuelles. Amkoullel, depuis New York, a accepté de répondre à nos questions.

 

 26 Mars : Qui est Amkoullel ? D’où vient t- il? Et comment est- il venu à la musique ?

 Je suis un jeune malien, amoureux de mon Afrique et de mon pays le Mali. Je suis Peulh et originaire du nord du Mali du côté de mon père (Les familles Ba, avec ou sans H ou chapeau, Dicko, Diallo et Cissé, de Bandiagara à Douentza). Grace à ma mère, je suis également Senoufo (un Senoufo Malinké) et originaire du Sud du Mali, plus précisément du village de Karamoguobougou (Les familles Koné et Sanogo) située à l’entrée de la 3ème région, Sikasso.

Ma rencontre avec la musique s’est faite en famille. Chaque dimanche, toute la famille se retrouvait avec les tontons, les tantes ainsi que les voisins. Pendant que les adultes discutaient, nous les tous petits, avec les cousins, cousines et amis, jouions et courrions un peu partout dans la maison. La maison était toujours tres vivante les dimanches. Le dimanche était le jour des retrouvailles, le jour du bon Zamet (riz-au-gras) et le tout accompagné par de la bonne musique. La musique était, soit celle diffusée par la radio Mali de l’époque soit par la tourne disque familiale. La collection de disque familiale nous abreuvait de douces mélopées d’Afrique et d’ailleurs. Ma rencontre avec le rap s’est faite grâce à mon grand frère qui écoutait du public Ennemy (un groupe de rap Américain), le titre de la chanson était 911. Même si à l’époque je ne comprenais rien à la langue de Shakespeare, je n’ai pu échapper à  l’envoutement et à l’énergie de cet étrange genre musical.  Après différentes étapes et beaucoup de sueur, j’ai finalement enregistré mon tout premier album en 2002 en France. Le titre de l’album est « In faculté ou Mali Kalan Ko ». C’est triste de voir que 12 ans plus tard, le problème de l’éducation au Mali est hélas toujours d’actualité.

 

26 Mars : Pourquoi avoir choisi le RAP comme style musical et comme moyens d’expression ?

 En plus d’être un genre musical qui correspond à ma génération, le rap est un art fait pour les personnes qui se sentent concernées par le devenir de leur communauté et de la société au sens large du terme. Dans la culture hip-hop, le message est plus qu’important, il est à l’origine même de l’existence de la musique rap. Ces éléments sont les raisons pour lesquelles je continue à faire du rap, mais pourquoi j’ai commencé…je suis juste tombé amoureux du rap, et il m’est très difficile de vous dire pourquoi ou comment cela est arrivé…je suis juste tombé…

 

26Mars : Combien d’albums avez vous sur le marché et de quoi parlez-  vous dans vos chansons ?

J’ai 5 albums sur le marché et plus d’une vingtaine de compilations ou Mix tapes auxquelles j’ai participé.

Je suis actuellement à New York pour l’enregistrement de mon nouvel album.

Mes œuvres parlent principalement d’Education, de Démocratie, d’Unité Africaine, de Justice, de Respect et de Détermination à faire changer positivement les choses au Mali et en Afrique.

 

26 Mars : De façon générale, que pensez- vous de l’évolution du rap malien ?

Je suis très heureux de voir l’évolution du rap malien, le talent, la créativité et le niveau d’inspiration des petits frères. Aussi bien au niveau des textes, des flow, des beats ou des vidéos, les résultats sont plus que réconfortants et cela confirme la confiance  que j’ai toujours eue en l’avenir du rap malien et de sa jeunesse. Nous avons tout le talent qu’il faut au Mali pour transformer positivement le pays. Malheureusement, en plus de ne recevoir aucun soutient du Ministère de la Culture, certains ont longtemps fait semblant d’ignorer l’existence du mouvement hip-hop malien. Aujourd’hui, ils n’ont plus le choix, avec ou sans eux, la jeunesse malienne continuera d’avancer.

 

26Mars : Est ce que le Rap est une musique qui nourrit son homme au Mali ?

 Oui, aujourd’hui le rap peut nourrir son homme au Mali. Mais, il me faut préciser que la liste des rappeurs ayant cette chance est très courte et que cette situation de confort est généralement très éphémère. La situation est la même pour tous les artistes musiciens du Mali, rappeurs ou pas. La seule sécurité, garantie et retraite de l’artiste est l’argent qu’il devrait normalement percevoir tous les 3 mois grâce a ses droits d’auteur. Ce sont ces mêmes droits d’auteurs qui lui permettront d’avoir une retraite et ne pas laisser sa famille mourir de faim plus tard. Ce sont ces mêmes droit d’auteur qui permettent à tous les artistes dans le monde entier d’avoir une sécurité; Céline Dion, Stevie Wonder, Lady Gaga ou Rihanna, tous sans exception sont soumis à la même règle. Au Mali, les droits d’auteur sont gérés par le BUMDA (Le Bureau Malien des Droits d’auteur) qui à son tour relève du Ministère de la Culture. Comment pouvez-vous comprendre, qu’un artiste malien ne puisse vivre de son art que s’il devient international ? Pourtant la musique malienne s’exporte très bien et jouit d’une reconnaissance mondiale ! Certains artistes reçoivent moins de 10.000 FCFA comme droit d’auteur tous les 3 mois. Vous vous imaginez ? Comment peut on vivre avec une somme si misérable ? Que ce soit Salif Keita, Oumou Sangaré, Toumani Diabaté, Bassekou Kouyaté, Habib koite, ou ma modeste personne, nous n’avons d’autre choix que d’être membres de société de droits d’auteur à l’étranger pour enfin pouvoir percevoir des droits d’auteur dignes de ce nom. Il faut impérativement que cette situation change, car elle est loin d’être normale. Au Mali, nous disposons de tout ce qu’il faut, et même plus, afin de permettre aux musiciens de vivre dignement.

 

26 Mars : Que pensez-vous des querelles entre les artistes maliens et surtout entre les rappeurs ?

Je pense que certains veulent juste devenir célèbres, et qu’ils n’ont pas de réel respect pour la musique ou le Mali. Devenir une star grâce à son travail demande beaucoup de temps, de sacrifice et du talent. Certains optent pour la solution de facilité en passant par la provocation ou par les scandales pour se faire un nom. Mais, ils se leurrent, car, seuls, les fruits nés dans la sueur sont éternels.

 

26 Mars : Que pensez-vous  du processus de réconciliation qui est actuellement en cours dans notre pays et quelle est la part de responsabilité des rappeurs dans ce processus ?

 Réconciliation de qui et qui ? Pour qu’il y ait réconciliation, il faudrait déjà qu’il y ait eu dispute ou rupture. Si vous parlez du Nord et du Sud du Mali, je vous répondrais que cette histoire de réconciliation est un cheval à 3 pattes. Autrement dit,  un produit de l’imagination qui ne pourrait que difficilement tenir debout dans l’hypothèse d’une plus qu’improbable matérialisation. Il n’y jamais eu de guerre ou de problème entre les maliens du Nord du Mali et les maliens du Sud. Le Mali et les maliens ont été attaqués, agressés et violés par des criminels. La prochaine étape est de traduire ces criminels devant les tribunaux compétents afin qu’ils répondent de leurs actes. Le devoir des rappeurs est de contribuer à recentrer le débat et de continuer à représenter la voix du peuple. Faire entendre ce que le peuple réclame ! Aujourd’hui, ce que j’entends le plus souvent de la part de mes frères et sœurs maliens c’est : Justice, Sécurité physique et économique !

 

26 Mars : Quels conseils avez-vous à donner à vos jeunes frères qui font la musique rap ?

 Travail, intégrité et ténacité !

Propos recueillis par Rokya Berthé

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