Inna Modja, artiste-musicienne, mannequin et actrice malienne : «Notre génération doit partager l’immense richesse culturelle de notre pays avec le monde»

Inna Modja, de son vrai nom Inna Bocoum, est chanteuse, mannequin et actrice malienne, née le 19 mai 1984 à Bamako, au Mali. Elle est d'une famille Peul de sept enfants dont elle est la sixième. Inna Bocoum doit son nom d'artiste au surnom d'Inna Modja (Inna Moƴƴa) que lui donne sa mère, ce qui signifie «Inna est mauvaise ou Inna n'est pas bien» en peul. En marge de la biennale de la photo, elle a pris part au lancement de Bamako Festival Jazz, participé au projet Wings for freedom, des ailes de la liberté dans les rues de Bamako. Inna Modja est aussi l’une des ambassadrices du projet Fashion For Earth ou mode pour la terre de l’association Routes du Sud, que dirige la styliste Awa Meïté. C’est au restaurant Santoro que nous avons réalisé cette interview avec Inna Modja, à l’avant-veille de son départ pour Paris.

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Comment êtes-vous venue dans la musique ?

J’ai commencé très jeune. J’ai commencé à l’âge de 14 ans à écrire des chansons. Après, au fil des rencontres et des activités, j’ai rencontré Salif Keïta, Habib, quelques membres du Rail Band. C’est comme ça que j’ai appris avec les aînés. Après, quand je suis partie en France, après le Bac, pour faire mes études, j’ai continué à écrire. J’ai écrit pour d’autres artistes jusqu’à ce que je travaille sur mon propre projet. J’ai fait un premier album et mon troisième vient de sortir : «Motel Bamako».

Motel Bamako parle de quoi et pourquoi ce titre ?

Motel Bamako, c’est pour affirmer mon identité malienne, rester soi-même tout en s’ouvrant au reste du monde. C’est la conquête d’un nouveau  public plus pointu. Artistiquement, malgré quelques faux pas, le pari est plutôt tenu. L’album a été enregistré en grande partie à Bamako et plusieurs morceaux introduisent une atmosphère sonore malienne, de la kora, ou un jeu de guitare mandingue. Je rappe et chante, en anglais et en bambara, un mélange de traditions : l’électro du pop.

Quel genre de musique faites-vous ?

C’est la rencontre entre la musique malienne et la musique malienne moderne, avec de l’électro et du hip-hop. J’ai un public malien d’une génération particulière, qui est connectée, qui est sur les réseaux sociaux, qui regarde les chaînes de clips, etc. Comme tout artiste, le public grandit avec le nombre des albums. On verra avec ce troisième album, comment il va être accueilli par le public bamakois et mes fans.

Vous êtes installée à Bamako, ou faites-vous la navette entre Bamako et Paris ?

Je fais la navette entre Paris et Bamako. Mais ça fait longtemps que je suis installée à Paris.

Parlez-nous un peu de vos albums ?

Mon premier album est “Everyday is a New World” produit en 2009. Il  parlait de ce qui me tenait à cœur. Il y a des gens que j’aimais qui avaient des histoires inspirantes. Le deuxième, qui m’a fait connaître du grand public, est «Love Révolution». Il est sorti en 2011, et le troisième «Motel Bamako» vient de sortir.

Est-ce que la chronologie des albums va avec le succès ?

Ah oui, forcément. Vu que je suis auteur-compositeur, forcément, mon évolution personnelle est en synergie avec mon évolution musicale. Je n’avais pas le même âge quand j’ai commencé. Donc, forcément les choses évoluent.

Est-ce que vous avez rencontré des difficultés ?

Rien n’est facile dans le milieu de l’art, il faut s’accrocher. Il faut travailler dur. Il faut croire en son talent et dans le message qu’on a envie de partager avec les gens. Quand on trouve son public, c’est une grande chance. Mais force reste au travail.

Vous êtes à Bamako dans quel cadre, parce qu’on vous a vue au lancement du Festival jazz Bamako, vous avez fait aussi des dessins de papillons partout, il y a aussi la rencontre de la photo ?

On a en fait un projet qui s’appelle Wings for freedom qui veut dire des ailes pour la liberté. On a fait la première à Bamako qui s’appelle Wings for Bamako, ou des ailes pour Bamako. L’idée vient de mon partenaire, qui réalisateur mais aussi artiste-peintre. Il a dessiné des ailes très grandes qu’on a mises un peu partout dans la ville et les gens se mettaient au milieu. Si on prend la photo, on dirait qu’ils ont des ailes. L’idée, c’est de partager un message positif et d’espoir et que l’art s’invite dans la rue. On a décidé de le faire pendant la biennale de la photographie, les rencontres de Bamako. Ça permet aux gens de pouvoir avoir accès à l’art. Marco est l’artiste qui a dessiné tout à la main.

Quel est le but recherché à travers Wings for freedom ?

Le but, que les communautés se rencontrent, que des gens de quartiers différents puissent se retrouver devant ces ailes-là, et puissent partager quelque chose. On a fait des ailes pour les enfants aussi. On a vu qu’ils jouaient beaucoup ; les jeunes du quartier étaient contents. Il  y avait même des vieux qui venaient faire des photos. C’est un peu pour que les gens se retrouvent, parlent de l’art. On avait envie d’amener l’art pendant les rencontres dans la rue, à la rencontre de la population. C’est un projet qu’on espère faire voyager dans plusieurs pays.

Vous êtes artiste invitée à la première édition du Festival jazz Bamako. Quel sera votre degré de participation ?

Ça sera une pleine participation. Quand je m’engage à faire quelque chose, je le fais à 100%. C’est pour ça que je suis là en amont de la préparation de Bamako Jazz festival. Puis, je serai là pour faire un concert. J’en parlerai aussi pour que les gens sachent ce qui se passe à Bamako. L’idée, c’est vraiment de montrer notre visage positif. Avec la crise qu’on a eue malheureusement, ça a empiété sur toutes les autres choses qu’on avait à partager avec les gens et le monde. On a une culture tellement riche musicalement, que c’est important de pouvoir le montrer. Il n’y a pas que la musique : il y a l’art,  les danses, le théâtre, la photo, comme on le voit ici dans l’hommage à Malick Sidibé, à Sakaly. Il y a pas mal de photographes qu’on découvre, qui travaillent depuis plus de 50 ans. L’idée, c’est de partager avec le monde l’immense richesse culturelle de notre pays.

Et cette rencontre avec Awa Meïté, ce sont des projets en perspective ou dans l’immédiat ?

Ce sont des projets en perspective, parce que recycler nos matières premières, en plus travailler avec des communautés de femmes pour qu’elles puissent subvenir à leurs besoins, ce sont des choses qui me touchent personnellement. Awa Meïté, j’aime bien son travail. Ma sœur est également créatrice. Elles vont faire des choses qui permettent de partager le textile malien, donner une autre vision de la mode africaine. J’essaye de leur donner mon soutien, les aider à développer ce qu’elles veulent faire.

Concrètement, ça va se faire comment avec Awa Meïté ?

Alors, c’est un projet qui s’appelle Fashion For Earth. L’idée, c’est de donner des tissus qui ont été fabriqués à partir des plastics recyclés de coton du Mali à plusieurs créateurs qui créeront chacun des pièces uniques en série limitée, pour créer un événement écologique et ponctuel qui va faire parler.

Donc ça va s’inscrire dans la durée ?

Je l’espère. Ce n’est pas un projet que je porte, mais que je soutiens. Je le soutiens dans ce qu’il existera avec grand plaisir.

Ça va se dérouler où ?

Je pense que ça va se dérouler en France pour un grand moment de retrouvailles autour de l’écologie, à la COP 21. Awa est mieux placée que moi pour plus de précisions sur ces aspects.

Vous avez suivi la crise qu’a traversée notre pays. Quel  message pour la jeunesse après cette crise ?

Que la jeunesse continue à être créative. Surtout continue à rêver, à faire en sorte que notre travail nous aide à réaliser nos rêves. Aujourd’hui, on participe tous à ce que les gens reviennent au Mali. C’est pour ça qu’on partage autant de messages d’espoir à Bamako pour montrer aux gens que malgré la crise, on a plein d’autres choses et que nos portes leur sont ouvertes.

Avez-vous des mots pour conclure cette interview ?

Je suis très fière de participer à Fashion For Earth, Bamako Jazz Festival ou la Biennale de la Photo. Tout ça, c’est la culture malienne. Je suis vraiment ravie de pouvoir participer à tout ça en tant que Malienne. J’en suis très fière.

Kassim TRAORE

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1 commentaire

  1. Courage Inna ! Je te souhaite bonne chance mais j’avoue que j’ai pas encore entendu une de tes chansons en Bambara ou dans une autre langue Malienne.

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