Ils sont dans la rue depuis leur tendre enfance. Drogue, banditisme et violences devenaient leur lot quotidien. Ces enfants n’ont pas la chance comme ceux de leur âge d’emprunter les chemins de l’école pour se donner une petite chance de sortir de cette déchéance programmée. Mais, au moment où tous pensaient qu’ils sont perdus à jamais, une initiative de l’association culturelle Acte Sept est en passe de les sortir de cet environnement apocalyptique.
Il fut une période où les enfants en Afrique étaient choyés et grandissaient dans un cocon familial. Aujourd’hui, tel n’est plus le cas. Depuis les fameux programmes d’ajustement structurel, avec leurs lots de travailleurs déflatés, la plupart des Etats africains vivent un phénomène nouveau : celui des enfants de la rue. Au Mali et ailleurs, en Afrique, des initiatives sont déployées pour minimiser les effets pervers de la rue sur les enfants en situation difficile. Mais, de toutes les initiatives déployées au Mali, celle qui consiste à utiliser l’art et la culture pour sortir les enfants des griffes de la rue semble très pertinente. L’Association culturelle Acte sept s’est dit que leur initiation aux techniques de fabrication et d’apprentissage des instruments traditionnels de musique pouvait les aider à remonter la pente.
Effectivement, ils avaient bien vu. Depuis bientôt cinq, l’expérience d’initiation des enfants de la rue aux techniques de fabrication et d’apprentissage des instruments traditionnels de musique est en passe de révolutionner leur encadrement. Sur initiative de l’association culturelle Acte Sept et avec le soutien financier de l’ONG belge d’éducation pour le développement dénommée « Quinoa », la culture est mise à contribution pour tirer des enfants des griffes de la rue. Adama Traoré, Président de l’Association Acte Sept, initiatrice de l’expérience, a indiqué que le Mali fait aujourd’hui face à un certain nombre d’instruments en voie de disparition. « Nous avons estimé qu’il faut qu’on arrive à les sauvegarder dans leur forme traditionnelle, mais aussi de réfléchir à leur évolution et adaptation », a-t-il déclaré.
En plus de l’importance de l’art dans la formation du citoyen et son rôle dans la création de richesse, Adama Traoré a indiqué qu’il est un domaine par excellence de promotion de l’emploi. « Des instrumentistes sont aujourd’hui recherchés sur le marché et au regard de l’aura de Toumani Diabaté et Bassékou Kouyaté, l’on comprendra aisément notre démarche », a-t-il indiqué. Et partant du principe que la musique adoucit les mœurs, il a estimé qu’on ne pouvait rien trouver de mieux pour tirer les enfants des griffes de la rue. Le projet d’initiation artistique des enfants en situation difficile, selon Allaye Guindo de Acte Sept, est composé de deux phases. Une première qui vise à apprendre aux enfants comment fabriquer des instruments traditionnels de musique, notamment le balafon, le N’goni, le Sokou et le Bolon.
La deuxième phase vise, à travers des maîtres, à leur apprendre à jouer ces instruments dans des ateliers. Pour cette année, les 12 enfants en situation difficile relevant de l’action d’aide à l’enfance en milieu ouvert (AEMO) de la mairie du District de Bamako ont été repartis en quatre ateliers. Dans une application exceptionnelle, pour une formation démarrée le 5 juillet 2010, certains enfants surprennent déjà par les sonorités qu’ils arrivent à arracher aux instruments. Appuyés par sept jeunes belges de l’ONG Quinoa, les maîtres instrumentistes, dans une patience de pédagogues, amènent les jeunes en situation difficile à découvrir l’univers des instruments de leur choix.
Ousmane Amadou Cissé, éducateur social à l’AEMO, à propos du bilan des quatre premières sessions de formation, dira que sans devenir de grands professionnels, tous les enfants au niveau de l’AEMO qui ont déjà bénéficié de cette formation sont devenus des fabricants d’instruments et jouent parfaitement d’un instrument. « Cela leur donne la chance d’une meilleure réinsertion sociale. Grâce à sa maîtrise d’un instrument qu’il joue à merveille, le jeune Dao a réintégré sa famille », a-t-il déclaré. Avant d’inviter les autorités du pays à accompagner le processus, pour que l’art et la culture occupent leur place dans le développement du pays. « Nos enfants ne manquent pas de talent, mais nous manquons de moyens », a-t-il conclu.
Assane Koné