Il a marqué l'histoire culturelle de la Guinée : Djely Sory Kandia Kouyaté la voix d'or du Mandé

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Il était auteur, compositeur, joueur de ngoni et imminent soliste vocal surnommé "la voix d’or du Mandé", Kouyaté Sory Kandia laisse derrière lui un large répertoire inspiré des grands airs du Mandingue. Il disparaît le 25 décembre 1977, l’année même où il reçoit le prix de l’Académie Charles Cros. Pour connaître le parcours de ce grand Monsieur de la culture mandingue, nous avons rencontré Justin Morel Junior, communicateur professionnel, et grand connaisseur de la musique en Guinée. JMJ comme l’appellent ses intimes, était ministre de la Communication dans le gouvernement de Dadis Camara, mais suite aux événements du 28 septembre 2009, il avait démissionné.  

 

Justin Morel Junior est, avant tout, journaliste-réalisateur. Il a réalisé bon nombre de clips d’artistes africains, dont beaucoup de Maliens et Guinéens. C’est pourquoi, il est très connu dans le monde des artistes. Avec lui, il est difficile de parler de son passage dans le gouvernement de Dadis, heureusement nous n’étions pas partis le rencontrer pour discuter de politique, mais de culture, surtout du parcours de Djely Sory Kandia Kouyaté.

 

Parlant de Sory Kandia Kouyaté, notre Jatigui du jour avait les larmes aux yeux. Et c’est presque sous l’étreinte qu’il lâche ces mots : " La vie est décidément faite de paradoxes. C’est le dimanche, 25 décembre 1977, tandis que le monde fête la naissance de Jésus Christ, la mort frappe terriblement un grand fils du peuple de Guinée, alors que notre Peuple goûtait encore au triomphe du Hafia Football Club, triple champion d’Afrique.

 

Comment oublier l’atroce association ?  Les heures de bonheur englouties précipitamment par les pleurs des horreurs de la mort, cette épée de Damoclès, la mort, ce sort qui, souvent à tort, frappe ici et là des innocents ; n’importe quand, n’importe où, n’importe qui. C’est elle qui, subitement et violemment, nous retire le célèbre Artiste du Peuple Sory Kandia Kouyaté. ".

 

C’est une crise cardiaque  qui a terrassé le géant de la chanson africaine, rentré à peine de Coyah, à 50 km de Conakry, où en ce 25 décembre, l’ensemble instrumental et choral de " La Voix de la Révolution "  dont il était le directeur général. JMJ n’oublie pas ce jour, tant il est resté gravé dans sa mémoire. Raison pour laquelle, il le décrit avec une exactitude mêlée à un brin de tristesse. En effet, précise-t-il, c’est à l’hôpital de Donka (principal hôpital de la capitale), Conakry, qu’il rend l’âme à 4h 05 GMT " devant ses camarades artistes de l’ensemble, stupéfiés et rendus incrédules par la fulgurance du malheur".  " Kandia mort ! Ils ne pouvaient pas le croire, ils ne voulaient pas le croire, eux qui, il y a seulement 2 heures, le voyaient faire frémir la foule de mélomanes, chantant avec une sublime majesté l’épopée mandingue. C’était hélas, le chant du cygne du grand héraut. Le Peuple de Guinée est réveillé par la tragique nouvelle en cette journée de Noël.

 

 Le père de la Nation, le président Ahmed Sékou Touré, en personne, informe son Peuple, l’Afrique et le Monde.  Il a déclaré  que le 25 décembre sera un jour de deuil national avec le drapeau en berne. Le monde entier est informé, attristé, bouleversé. Un géant vient de tomber. L’humanité entière s’incline devant Kandia.

 

En Guinée des funérailles nationales sont organisées. Dans le monde, toutes les stations de Radiotélévision consacrent des émissions spéciales à Kouyaté Sory Kandia. L’hommage est universel. Qui mieux que JMJ peut se souvenir autant de ce musicien qui a marqué l’histoire culturelle de la Guinée ? " Je le revois, ce musicien au doigté sensible et aux notes profondes et directes qui, de sa voix et de ses doigts, transpercerait le cœur de ce public cosmopolite. Véritable ascète, Kandia est ce vaste miroir où se reflètent, avec réalité, ces héroïques chevauchées des grands combattants médiévaux, ces tumultueuses et sanglantes batailles des guerriers de la résistance à la pénétration coloniale, cette hargne des soldats de la liberté qui, dans le maquis, armes en mains, mettent le feu aux derniers bastions coloniaux ". Ambassadeur de la culture de notre continent, il a, plié dans sa valise artistique, les messages d’amitié et de solidarité des peuples d’Afrique aux autres peuples du monde.

 

Après Lagos, Kandia et l’Ensemble sont partis, au mois de Mai 77, en Haute-Volta. La dernière sortie continentale. Kandia meurt à 44 ans, au printemps même de sa vie. A 44 ans, " comme l’histoire de ce quidam justicier qu’il chante dans Kedo " (dixit JMJ). Médaillé d’honneur du Travail, Commandeur de l’ordre National à titre posthume, toute sa vie, Kandia a été un artiste de combat: " Le combat du bien contre le mal, de la vérité contre le mensonge, de la liberté contre l’esclavage ". Un clin d’œil sur notre siècle et nous voyons que son combat est loin de finir. Kandia ne meurt pas, il demeure le symbole de cette lutte. " Séchons nos larmes, prenons les armes. Continuons le combat ! Son combat! Notre combat " a conclu  Justin Morel Junior.

 

Signalons enfin, que Djely Sory Kandia Kouyaté, originaire de Siguiri, est né en 1933 à Dalaba dans le Fouta, en Guinée. Ce sont ses arrières grands parents, qui faisaient office de médiateurs entre le roi du Fouta Alpha Yaya Diallo et Samory Touré. C’est ainsi que Kouyaté Sory Kandia est né dans le Fouta. Cette médiation des griots s’inscrivait dans la cadre du respect du   pacte de non agression entre Samory Touré et Alpha Yaya Diallo. 

 

     Kassim TRAORE

  Depuis Conakry

 

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