Disparu de la scène musicale depuis 2012, le groupe légendaire du rap malien, Tata Pound (composé de Ramses, Djo Dama et Dixon) signe son retour au-devant de la scène, le 21 Septembre prochain, pour la célébration de ses 20 ans de carrière. Un concert géant qui réunira une vingtaine d’artistes maliens autour du groupe. Pour en savoir plus sur cet évènement et ce retour sur scène de Tata Pound, nous avons rencontré Djo Dama qui a bien voulu répondre à nos questions.
Aujourd’hui-Mali : Après votre album “Révolution”, vous avez disparu des radars musicaux. Alors, comment expliquez-vous cette absence subite du groupe Tata Pound ?
Djo Dama : Avant notre dernier album sorti en 2012, il faut rappeler que chacun de nous menait déjà une carrière solo. Cela n’avait rien à avoir avec le groupe. Chacun de nous avait une destinée également en dehors du rap. Mais il fait préciser que cette pause était une pause naturelle. Il n’y a pas eu de problème au sein du groupe. Nous avions fait cette pause tout simplement parce qu’on devrait tracer chacun notre chemin dans la vie.
Moi dans l’agrobusiness, Dixon vers la religion et Ramses continuait dans le domaine artistique. Tata Pound a toujours été là, même si on n’était pas forcément sur la scène. Le groupe vit toujours et ne compte pas disparaitre aussitôt.
Tata Pound signe son retour sur scène le 21 septembre prochain avec un concert inédit. Pouvez-vous nous en parler ?
Effectivement, nous préparons un concert qui se tiendra le 21 septembre prochain au palais des sports de Bamako. Un concert qui consacre la célébration des 20 ans de carrière du groupe et aussi des 60 ans d’Independence du Mali.
Tata Pound est un groupe qui n’a pas rompu définitivement avec la scène musicale. Dixon et moi vaquions certes à nos occupations, mais Rames lui n’a pas quitté la scène. Ce concert est un grand évènement à travers lequel nous voulons dire aux Maliens qu’on est toujours là et que nous ne cesserons jamais, par notre art, de contribuer à l’édification de notre pays.
A l’occasion de ce concert, nous avons prévu de chanter 20 chansons qui sont du groupe Tata Pound. Nous avons fait une compilation de nos chansons produites depuis le début de notre carrière. Il y aura de nouvelles chansons.
Pour ce faire, nous avons invité 20 artistes rappeurs maliens. Chacun de ses jeunes va remplacer Dixon sur une chanson car Dixon ne sera pas de la partie parce qu’il est actuellement en mission religieuse aux Etats Unis. Parmi ces 20 rappeurs, nous pouvons citer, entre autres, King Massassy, Master Soumy, Mylmo, Iba One, Dr Keb, Young Po, Gaspi, Calibre 27, Balémé, Nigga Fama. Il y aura aussi des artistes comédiens comme Kanté, Petit Guimba et Claba. Ces jeunes ont accepté notre invitation et nous promettons que le public aura un bon moment avec les artistes.
L’organisation d’un tel évènement demande des efforts financiers conséquents. Avez-vous des partenaires qui vous accompagnent pour sa réussite?
L’organisation d’un concert est toujours assurée par les partenaires. Un artiste ne peut pas, lui seul, organiser son concert digne de ce nom. Le principal organisateur du concert est l’agence de communication Comaf d’Idrissa Maïga (IDI). Il y a beaucoup d’autres personnes qui sont associées à l’organisation de l’évènement. Cependant, la porte reste ouverte à d’autres partenaires désireux de se joindre à l’évènement.
Vingt (20) ans de carrière du groupe, quel bilan ?
Aujourd’hui, je peux dire que le groupe Tata Pound a contribué à l’éveil des consciences au Mali à travers le rap. Notre musique n’a d’autres objectifs que de dénoncer les tares de la société, surtout la mauvaise gouvernance. Au-delà de la classe politique, nous dénonçons les mauvais comportements de la société.
Des messages que nous avons fait passer et continueront de le faire. Je peux dire aujourd’hui que notre lutte n’a pas été vaine car nous avons pu apporter notre contribution, même s’il faut reconnaitre que les Maliens ne nous avaient pas compris au départ, mais après ils ont adhéré à notre cause. Aujourd’hui, Tata Pound est écouté et respecté au Mali. Je crois que c’est une des récompenses de notre combat. Nous sommes fiers de fêter les 20 ans de carrière de notre groupe.
Après ce concert, quels projets pour Tata Pound ? Allez-vous continuer le rap ?
Après le concert, on verra si on doit continuer la musique. Mais le projet qui nous tient vraiment à cœur, dans l’immédiat, c’est la création d’une association pour faire véhiculer les valeurs du groupe Tata Pound. On aura des représentations dans toutes les régions du pays afin que les valeurs du groupe puissent être inculquées à la nouvelle génération. Quand on parle de valeurs de Tata Pound, il s’agit des valeurs humaines, citoyennes et patriotiques qui ont été prônées par des modèles comme Thomas Sankara, Modibo Kéïta, Mouammar Kadhafi, entre autres. Ces valeurs concernent la souveraineté du peuple, elles veulent des citoyens modèles. Elles combattent la mauvaise gouvernance et la corruption, elles encouragent la transparence dans la gestion de l’Etat. Elles réunissent les fils du pays autour de la construction d’un Mali fort et prospère.
Comment jugez-vous le rap malien aujourd’hui ?
Je crois que le rap malien évolue, mais le constat est qu’il y a aujourd’hui beaucoup de jeunes rappeurs qui ne suivent le chemin de Tata Pound. Il est vrai que l’artiste peut s’ouvrir à d’autres styles musicaux, mais le rap est un genre qui consiste à dénoncer, à éduquer et à conscientiser. Cependant, il y en a qui font du rap engagé comme Tata Pound. Ce que je déplore, le plus, c’est le rap qui encourage la délinquance au lieu de la dénoncer. Il y a des jeunes rappeurs font la promotion de l’alcool et la drogue. Je pense que ces jeunes doivent revoir leur style car l’objectif du rap n’est pas la culture du mauvais comportement, mais plutôt l’inverse.
Quel message avez-vous à l’endroit des jeunes artistes maliens, notamment les rappeurs ?
J’invite les jeunes à apporter leur pierre à l’édifice national. Nous sommes tous des acteurs ce pays. Chacun doit contribuer à sa manière. Aux jeunes rappeurs, j’exhorte à la conscientisation et non à encourager les mauvais comportements. Le rap est fort et il peut faire passer des messages forts à l’endroit de la population et de la classe dirigeante.
Réalisé par Youssouf KONE