Entretien avec Bassékou Kouyaté, le virtuose du N’goni : «J’envisage de créer un centre de formation de n’goni afin de préserver l’héritage»

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Ce virtuose du N’Goni n’est plus à présenter sur le plan international. Il joue une musique, très proche du blues, qui enthousiasme avec des rythmes qui ensorcellent. Après une année d’absence du Mali pour une tournée internationale, Bassékou Kouyaté est de retour. Après son spectacle du vendredi dernier au CCF, l’artiste nous accordé une interview exclusive où il parle de sa tournée et son prochain album qui sera très prometteur selon lui.

 Bamako Hebdo : Vous venez d’effectuer une tournée internationale, pouvez-vous nous parler de cette tournée?

Bassékou Kouyaté : Avant tout je salue tous les Maliens. Effectivement je viens d’une tournée internationale qui m’a conduit presque dans tous les pays d’Europe, où j’ai fait plus de 70 concerts avec mes musiciens. Dieu merci, la tournée s’est très bien passée et elle a été très bien appréciée.

Cette tournée rentrait dans quel cadre?

Elle rentrait dans le cadre de la promotion de mon premier album ‘’Ségou Blues’’.

L’album s’est très bien comporté sur le marché?

Il s’est très bien comporté sur le marché, je ne sais pas actuellement je suis à combien de disques vendus mais en deux mois, il était à plus de 20 000 exemplaires vendus en Europe.

Sur le plan international, vous avez réussi à vous creuser votre propre sillon. Cependant, en Afrique plus particulièrement au Mali, vous avez dû mal à vous imposer. Comment pouvez-vous nous expliquer ce contraste ?

J’avoue que c’est très difficile de se faire un nom en Afrique. Au Mali, on apprécie beaucoup ma musique. Pour apprécier une musique, il faut d’abord la connaître. Le problème, en Afrique, c’est que la plupart des gens ne connaissent pas la valeur de nos instruments musicaux. C’est dû au fait aussi que je n’ai pas essayé véritablement à chercher un public en Afrique. Ce qui m’intéresse, c’est de construire d’abord ma carrière internationale.

Comment  le public européen a-t-il jugé?
Je dis tout simplement positif car partout où on a joué, le public a répondu massivement et aussi la presse européenne. Après chaque spectacle, le groupe recevait les félicitations de partout.

Qu’est ce qui a émerveillé le public européen?
La qualité et l’originalité de mon travail. Le fait que j’ai constitué un orchestre à base de n’gonis et accompagné par la calebasse, le tamani et le yabara. Des instruments traditionnels qui jouent sur la même sonorité que les instruments modernes.  Pour certains, cela a été une première fois de découvrir le n’goni, un instrument de musique qui date des environs du VIIIe siècle. Beaucoup ont compris aussi qu’il existe d’énormes instruments de musique à part le djembé, le balafon et autres qui peuvent faire tout genre de musique.

N’est-ce pas ce qui explique la ruée des Américains musiciens notamment les Noirs sur Ségou pour se ressourcer ?
C’est cela en fait ! Tout le monde connaît déjà le blues. A Ségou, ce sont les griots qui ont inventé le “Korossé Koro”. Mais, ils n’ont jamais essayé de le valoriser. Si vous demandez à un vieux à Ségou depuis quand on joue cette musique, il vous dira qu’on joue cette musique depuis le règne de Biton Mamaré Coulibaly, l’empereur de Ségou, mort au 17ième siècle. Nos parents n’ont jamais pensé valoriser cette musique hors des frontières de Ségou. Par exemple, mon père n’a jamais accepté de venir jouer à la télévision nationale ou à la radio. Par contre, mon grand-père (Ba Soumana Sissoko, très connu au Mali) a une fois voyagé sur Paris. Quand vous écoutez sa musique et celle de John Hoocker, vous allez en déduire que c’est la même musique.

Quelle a été votre grande satisfaction durant toute la tournée?
Ma plus grande satisfaction est que mon style de musique c’est-à-dire le blues traditionnel a plu à des milliers de personnes. Car, j’ai obtenu deux grands Awards, le trophée du meilleur album monde et du meilleur artiste africain de Grammy BBC Awards. Cela sera très important pour moi et ma carrière. Car je me suis dit qu’avec les instruments de chez nous, j’ai été récompensé par le public anglais voire européen. En plus de cela je suis aussi nominé pour les Koras 2008. Je vois que l’album a eu du succès.

Actuellement, partout dans le monde, je dirais que je ne passe pas inaperçu. Presque tous les grands promoteurs de la musique me contactent pour travailler avec moi et aussi les organisateurs de spectacles qui me sollicitent tout le temps pour les festivals, concerts et bien d’autres. Dans mon programme actuellement, je dois faire  plus de 150 concerts de 2009 à 2010. Tout est déjà programmé.

A propos de ces Awards comment avez-vous connu Lucy Duran qui est à la fois spécialiste de la musique africaine et journaliste radio à la BBC et qui a, d’ailleurs, produit, votre premier album ?
Je la connais depuis plus d’une dizaine d’années. C’est elle qui a produit Toumani Diabaté par exemple. Elle a collaboré avec de nombreux musiciens maliens. On a un rapport de confiance. D’ailleurs, c’est elle qui doit produire mon second album avec la participation de la maison de production de “Out Here”.

Toute la tournée s’est faite accompagnée de votre épouse?

Oui, j’ai fait toute la tournée avec ma femme que je salue au passage. C’est une femme brave que Dieu m’a donnée. Dès que j’ai essayé de travailler avec elle, automatiquement elle m’a compris. Elle a laissé sa carrière pour sauver la mienne. Une de plus je lui dis merci pour son soutien.

Mais, comment vous avez fait avec les enfants?
Ce n’est pas facile, Dieu merci les parents s’occupent d’eux. Imaginez-vous durant toute l’année, moi et ma femme, nous n’avons pas une semaine à Bamako aux spectacles. Dès notre arrivée, les enfants disaient que cette fois-ci ils partiront avec nous à cause notre absence.

Les projets de Bassékou?
C’est la finition de mon deuxième album dont la sorite est prévue dans six mois. Ce sera un album avec plein de surprises peut-être mieux que le précédent. Car ma structure de production a beaucoup investi dans cet album. Elle a fait déplacer des matos de Londres à Bamako qui coûtent environ un million de dollars, pour la réalisation de cette œuvre. Elle accorde beaucoup d’importance à cet album. La réalisation de l’œuvre doit faire 200 000 euros. Ensuite j’envisage de créer un centre de formation de n’goni afin de préserver l’héritage légué par mes parents et partager toutes ces expériences vécues. Pour ne pas dire demain que Bassékou a refusé de partager son savoir.  Moi, j’ai appris à côté de mes parents, il faut que je transmette en retour ces connaissances aux générations futures afin de sauvegarder l’un des héritages culturels de notre pays.

Votre premier album “Ségou Blue” sorti en 2007 vous a propulsé sur le plan international. Peut-on l’espérer davantage de votre second album qui devra, certainement, confirmer tous vos talents de musicien ?
J’ai bien peur que le succès de mon second album ne dépasse de loin celui du premier album. Avec mon premier, je n’étais pas assez bien connu et c’était un peu difficile.

Aujourd’hui, j’ai acquis une grosse expérience en voyageant et en côtoyant de grands professionnels de la musique. Mon groupe, aussi, a acquis  de la maturité. Rien que pour cette année-ci, on a fait, à présent, plus de 60 concerts, à travers le monde.

On a vu aussi vos propres enfants se produire lors de votre concert du vendredi 19 décembre au CCF. Veulent-ils suivre les traces de papa et maman?

Oui, comme je l’ai dis je veux sauvegarder l’héritage de nos parents. Même s’ils vont à l’école, il faudra qu’ils suivent un jour les traces de leurs parents. C’est un souhait pour moi de les voir évoluer sur le même chemin.

Quel message Bassékou lance aux Maliens?
Avant toute chose, je dis merci à ma mère, à mon défunt père qui m’a enseigné le n’goni, à ma famille, à tous les Maliens et à tous ceux qui m’ont soutenu. Je souhaite également bonne et heureuse année à tous les Maliens et à mes fans des quatre coins du monde. Par ailleurs, je lance un appel à tous les artistes maliens surtout les jeunes de mettre notre culture en valeur. Car c’est le seul moyen de la préserver.

Tout le monde le sait actuellement la musique malienne est l’une des meilleures au monde. Nous avons chez nous pratiquement tous les grands Awards, et cela c’est grâce à nos instruments traditionnels. Il n’y a aucun Grammy dans de nombreux pays tels que la France, mais au Mali nous avons au moins quatre Grammy. Donc l’important pour nous c’est de travailler avec nos instruments, seul le travail paye.

Bandiougou DIABATE

bandjoul@hotmail.com

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