Dj Sénateur, le concepteur du ‘’balani show’’ : « C’est le Mali qui m’a rendu célèbre… »

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‘’Pour l’instant, je ne peux m’appeler artiste comme Salif Kéita, Habib Koité, Oumou Sangaré… Mais, avec le temps et le soutien de mes fans, je pense devenir comme eux, sinon les dépasser. Aujourd’hui, je suis un faiseur d’ambiance. Car l’ambiance est mon univers. Mais, le souhait de tout artiste est de devenir une star ou la star des stars’’.

Connu sur les planches abidjanaises, le jeune artiste malien de retour au bercail fait actuellement vibrer la jeunesse malienne à la cadence du  ‘’Balani show’’. Ambitieux et soucieux de valoriser sa culture, DJ sénateur veut faire sortir cet instrument célèbre de son contexte traditionnel pour le moderniser de sorte qu’il soit dansé en ville aussi bien que dans la campagne.

C’est dans les locaux du restaurant ‘’Albarka’’ à Sogoniko que nous avons retrouvé le faiseur d’ambiance, un non moins féministe qui aime tant rendre hommage aux femmes. Entretien exclusif

Qui est Dj Sénateur ?

Je me nomme Daouda Maïga. Né  et grandi à Abidjan au quartier Williams ville. Mon père y réside toujours, de même que ma mère qui fait le commerce entre le Niger et la Côte d’Ivoire.

Comment êtes- vous arrivé dans la musique ?

Chanter n’était pas mon affaire. J’ambitionnais d’être un grand animateur comme Francis  Aka, Ive Zogbo Jjunior.

Comme j’avais quelques  moyens, j’ai décidé de monter une sonorisation, construire une petite cabane de discothèque là où je vendais des cassettes et des C.D. Je mettais ma sonorisation en location pour animer les anniversaires, les cérémonies de mariages, de baptêmes etc.  Petit à petit, la musique m’a dominé. C’est fait à un moment – en 2001- où le « coupé décalé » avait pris de l’ampleur et je prenais le micro pour créer la joie, et à en mettre dans le cœur des gens, les récréer. Je savais faire le ‘’ Atalakou ‘’ qui est intimement lié au « coupé décalé ». Le ‘’ Atalakou ‘’, c’est faire des commentaires sur les gens en évoquant leurs qualités. Leurs louanges, quoi !

Quand j’ai décidé de faire de la musique, ma mère était totalement contre. Aussi, n’ai –je pas voulu lui désobéir et perdre ses bénédictions. Mon début a donc connu un petit arrêt, un retard. C’est plus tard, lors du mariage d’une de ses amies à une grande personnalité du gouvernement ivoirien, que j’ai fait mes preuves. C’était une grande soirée qui devait être animée par l’un des meilleurs DJ, Jacob. Après la prestation de tous les DJ présents, le tour était à moi de faire la mienne au nom de mon quartier.

Ma mère qui ne m’avait jamais vu sur scène n’en revenait pas quand j’ai convaincu le public par mes talents. Tout comme elle, la mariée aussi n’en revenait pas et qui, d’ailleurs, a ‘’travaillement ‘’ sur  moi. C’est-à-dire qu’elle m’a distribué de l’argent. A peu près 100 000 F CFA. C’était l’euphorie chez ma mère qui m’a demandé si réellement je tiens à chanter. J’ai répondu ‘’oui’’. Elle donna son accord à condition que je retourne chez moi au Mali en faisant un album. « Si ça marche, tu continues et au cas contraire, tu arrêtes », a-t-elle ajouté. 

Alors, le retour au bercail n’est pas motivé par la crise ivoirienne ?

Non, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent.

Comment est venue l’appellation DJ sénateur ?

En fin 2003, début 2004, il y a eu l’organisation d’une grande compétition entre une vingtaine de DJ. On devrait sélectionner les meilleurs avec des critères très serrés devant une foule massive sur un terrain de football. Il fallait remplir deux critères à la fois : être DJ technicien et DJ ‘’ Atalakou’’. Ce jour-là, j’ai fait mon ‘’Atalakou’’ en 4 langues différentes (Lingala, Sonrhaï, Bambara et Français). Les autres n’ayant pas dépassé trois.

Après ma prestation qui a émerveillé le public, les gens m’ont appelé le président. C’était trop dit, car c’est Douk Saga qui était le président. Dans la masse, une fille a dit :’’le sénateur David’’.

Le Jury m’a classé 3è après DJ Jacob qui a été le 1er et le 2è, DJ Kaloudji. Ce résultat a été contesté par le public qui estimait que le sénateur David était le 1er. Et, depuis, je m’appelle ‘’Sénateur’’.

 

Etes-vous un artiste confirmé ?

Pour l’instant, je ne peux m’appeler artiste comme Salif Kéita, Habib Koité, Oumou Sangaré… Mais, avec le temps et le soutien de mes fans, je pense devenir comme eux, sinon les dépasser. Aujourd’hui, je suis un faiseur d’ambiance. Car l’ambiance est mon univers. Mais, le souhait de tout artiste est de devenir une star ou la star des stars. En dehors de la musique, j’ai fait des animations spectaculaires lors des manifestations.

 

Pourquoi le ‘’balani  show’’  surtout pour un Maïga?

Le balani est un style très dansant. Du plus petit au plus vieux, chacun trouve son goût. Mon objectif est de faire sortir le balani de son contexte traditionnel parce que beaucoup de gens pensent qu’il est uniquement fait  pour les villageois. C’est  ce qui est faux. Il est dansant à tous les niveaux, tant rural qu’urbain. Bref, c’est la promotion du balani quoi. Et éviter qu’on se campe uniquement sur la musique de l’extérieur.

Dans le balani show, y’a-t-il le ‘’ coupé décalé ‘’ ?

Non. Pour preuve, personne ne m’a vu danser le ‘’ coupé décalé ‘’ dans ‘’balani’’ show. C’est une musique qui est à la vogue, raison pour laquelle on a tendance à confondre le tout à elle.».

C’est quoi le « coupé décalé » selon vous?

D’abord sa source est au Mali. Car son concepteur est un jeune Malien, le regretté Stéphane Doucouré, alias Douk Saga. C’est un mélange du Roumba  zaïrois et de danse ivoirienne.

Vous avez créé le ‘’ balani show’’ pour promouvoir notre culture, disiez-vous tantôt. Or, c’est justement lors des soirées appelées curieusement ‘’balani’’ que les jeunes font montre des comportements obscènes. Cela ne vous gène-t-il pas ?

Bien sûr que oui. Mais que faire ? Chacun a sa façon de comprendre. Ce qui est clair, DJ Sénateur est venu chez lui pour créer la joie au cœur des gens, leur faire oublier les soucis. Et non pas pour qu’il y ait des comportements obscènes qui déshonorent notre culture.       

Parlez-nous de votre 1er album 

C’est un album de six titres plus un remix. Dans cet album, je parle un peu de tout. Je me base surtout sur la femme, car je suis très sentimental, sensible et émotif. Je demande aux hommes de ne pas faire souffrir les femmes, elles représentent tout pour nous. Ce que la femme veut, Dieu le veut, dit-on. Il est en quelque sorte un hommage à la femme. Je rends aussi hommage au célèbre couple non voyant du Mali, Amadou et Mariam, qui font beaucoup pour la promotion de la culture malienne, africaine en général. Cette admiration pour ce couple a commencé depuis mon enfance.

A quand le prochain album ?

Dans les mois à venir. Je suis actuellement en plein préparatif. J’attends que mes fans finissent de déguster le 1er. Selon les remarques, ils n’ont pas fini de le déguster. En fait, je reçois des coups de fil de partout : Koutiala, Burkina, Dakar, Abidjan. Que c’est épatant ! Souvent, j’assiste à des soirées dansantes dans les quartiers de Bamako sans me faire connaître. Les gens réclament, à plusieurs reprises, DJ Sénateur. C’est émouvant et envoûtant !

Envisagez-vous, DJ Sénateur, de créer un autre pas de danse pour faire vibrer la jeunesse malienne et, pourquoi pas, africaine?

Bien sûr. Après ‘’balani’’ show qui a plu aux gens, je remercie Dieu pour cela, je vais créer bientôt un autre pas de danse. D’ailleurs, dans ‘’balani’’ show, je fais beaucoup de pas de danse, sauf le ‘’ coupé décalé ‘’. Ça se comprend, car je faisais le Rap, la danse zaïroise, ivoirienne. C’est après que l’animation a commencé.

Quelles  sont vos relations avec les artistes maliennes ?

De très bonnes relations en si peu de temps. Car je n’avais jamais visité le Mali, mais je me suis battu pour intégrer le show malien et ça m’a réussi.

Et, avec le concepteur de ‘’ Griffe Mania ‘’, Don Vetio ?

Il est comme mon frère. On se connaît depuis Abidjan où nous avons fait beaucoup de choses ensemble en dehors de la musique. Il a foulé le sol malien avant moi en créant la ‘’ Griffe mania ‘’ et la ‘’Star mania’’, et j’ai créé le ‘’balani’’ show. Nous avons des relations amicales et fraternelles qui se resserrent de plus en plus. Et chacun, à travers son style, galvanise la jeunesse.

 

Que pensez-vous de l’émission ‘’ Top Etoiles ‘’ ?

Elle fait beaucoup pour les artistes maliens et, à travers nous, pour la musique malienne. Si elle n’existait pas, il allait être très difficile pour nous d’être connus. Je me demande même si la musique malienne existerait si jamais ‘’ Top Etoiles ‘’ n’existait pas. Chaque vendredi, tout Abidjan la suit. Les Maliens et les Ivoiriens (Bété, Agni, Baoulé, entre autres) me téléphonent pour me dire que j’occupe tel ou tel rang dans le classement de cette émission.

 

Quid de la musique malienne ?

C’est une grande musique qui est connue partout dans le monde. Beaucoup de gens à l’étranger connaissent plus Salif Kéita et son pays qu’ils ne connaissent réellement Son Excellence Amadou Toumani Touré ou Alpha Oumar Konaré.

 

Quels sont vos rapports avec M’Baye Boubacar Diarra, le réalisateur de ‘’Top Etoiles’’?

Il représente un père pour moi, d’ailleurs pour tous les jeunes artistes maliens. C’est un homme polyvalent comme je l’ai dit dans ma chanson ‘’ maestro international toujours Nikolo’’.

Il se sacrifie pour aider les artistes, les faire découvrir au monde entier. En fait, les mots me manquent pour qualifier M’Baye qui m’a motivé à faire ‘’balani’’ show.

 Qui fait vos compositions, arrangements et production ?

Je fais moi même mes compositions. L’arrangement de ce 1er album a été  fait par Abrass Sidibé, le très fort ‘’ doigtier magique’’. Et, quant à la production, elle a été faite par Agna production, une nouvelle maison de production.

Avez-vous été victime de la piraterie ?

Oui, tous les artistes pleurent à cause d’elle. On interpelle les autorités pour qu’elles fassent encore des efforts.

Avez-vous fait des featuring?

Oui, avec DJ Jacob dans son ‘’ Atalakou mega ‘’,  DJ Jeff ou le chasseur des primes de Bonga, et  le Molare.

Il y a aussi DJ Kaloudji, le créateur de ‘’ sentiment Mogo’’ et Douk Saga avec qui, j’ai fais beaucoup de tournées. Sans oublier le grand frère, Frédéric Meiway qui m’a honoré dans sa chanson dans laquelle il cite mon nom parmi les meilleurs DJ de la Côte d’Ivoire. Cet honneur est une fierté pour mon pays le Mali.

Avez-vous un appel à lancer ?

Je demande à mes frères et sœurs artistes de ne jamais baisser les bras. Si, ça ne marche pas aujourd’hui, demain ça ira.

Surtout qu’on travaille pour promouvoir notre culture. Il y a beaucoup de jeunes talents maliens comme moi en Côte  d’Ivoire. Je leur demande de revenir au bercail.

Que promettez-vous à vos compatriotes que vous avez conquis et qui vous ont  adopté? Les gratifierez-vous dans votre prochain album ?

Bien sûr. Mais, on dirait que vous lisez dans mes pensées. Le peuple malien saura ma reconnaissance.

Votre mot de la fin

Je vous remercie et tout le personnel des journaux ‘’ Le Challenger’’ et  ‘’Mœurs’’ sans oublier mes fans grâce à qui j’ai eu ce succès. J’ai eu un certain succès à Abidjan certes, mais c’est le Mali qui m’a rendu célèbre et je ferai tout pour maintenir la joie dans le cœur des Maliens.

Entretien réalisé par Lanfia Sinaba

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