"De mon temps, les racines d’une personne déterminaient toujours la qualité de l’homme". Ces paroles sont de Ban Zoumana Sissoko pour qui la dignité est la mère de toutes les vertus. S’il y a eu une autre qualité, dont lui-même a su faire montre, ce fut bien le courage. Car de courage, il en a fallu une dose exceptionnelle à ce fils de Koni (près de Tamani en pays bambara) né aveugle et qui sera ensuite paralytique.
Sa vie devint un combat acharné contre l’adversité de son second handicap qu’il finit par vaincre sans pour autant trouver la paix de l’esprit. "J’ai souhaité que Dieu mette fin à mes jours avant de me ressaisir et de prier très fort pour qu’il me garde en vie", racontait-il. L’enfant "inutile" qu’il était au départ pour les siens finit à force de courage par recouvrir l’usage de ses jambes. Mais ce fut pour s’exiler, travailler dur afin de payer l’impôt de toute la famille.
Né marginal, il parvint à conquérir parmi les autres sa place parce qu’il s’est toujours voulu leur égal. Il n’a jamais accepté qu’on lui réserve un traitement différent à cause d’une infirmité "qu’il n’a pas acheté au marché" selon les termes qu’il aimait utiliser. On comprend que BanZoumana puisse permettre de parler de dignité lui, qui en montra autant. Il disait que la dignité renferme toutes les qualités : la bravoure, la témérité, le courage, la fidélité, l’honnêteté, l’humilité, l’amitié, la fraternité, et l’altruisme.
Aussi après l’indépendance, alors qu’il était déjà un beau vieillard de 70 ans, le "Djéli" qu’il était recherchait constamment chacune de ces vertus qu’il jugeait n’appartenir qu’à ceux de l’ancien temps. Quand l’indépendance fut proclamée et qu’on alla à lui pour enregistrer son répertoire, il accepta avec bonne grâce mais se refusa tout net aux éloges, propriété exclusive de son "djatigui" ("hôte"). Cependant, il consentit à magnifier la nouvelle souveraineté en chantant "Mali ba kèra awn tayé".
Durant toute sa vie, il aura traqué les qualités vertueuses chez ses congénères, parfois à coups de périphrases bien senties que lui autorisait son art de la parole aux accents de son " seul compagnon de la vie" son "n’goni". Le seul qui ne le trahit jamais, aimait-il commenter. Un instrument devenu, après sa disparition à l’âge de 97 ans, pièce célèbre du Musée national.
La Rédaction