«Bako Dagnon (arrachée à l’affection de tous le 7 juillet 2015) est une femme très originale. J’ai encore écouté les interviews que j’ai faites avec elle et j’en étais émue, car dès notre première rencontre je lui ai demandé si je pouvais l’enregistrer. Et elle a accepté en me disant que ma démarche était extraordinaire, elle regrettait, me confiait-elle, de ne jamais avoir ce type de demande de la part des générations plus jeunes (elle avait l’âge de ma mère), mais seulement de la part d’étrangers.
Je ne suis pas griotte, elle non plus à la base. Et elle considérait surtout que tout avait changé et qu’il ne fallait pas garder ces informations historiques dans le seul milieu des griots. «Je fais de toi mon élève», m’a-t-elle dit. Elle m’a donné différentes versions à elle seule, m’expliquant pourquoi elles variaient d’une famille à l’autre de griots, pour des questions d’entente, de rapports avec les rois… Des changements de l’histoire officielle ont eu lieu pour ce genre de raisons. J’ai compris que toutes ces versions avaient chacune leur raison d’être. Bako Dagnon m’a aidé à trouver un équilibre pour raconter l’histoire à mon tour».
Rokia TRAORE
(Point Afrique, le 20 juillet 2017)