La rappeuse malienne Ami Yerewolo sort son troisième album le 30 avril prochain. Intitulé AY, les initiales de son nom de scène, ce nouvel opus est une production du label Othentik AA de Blick Bassy. Dans une interview accordée à Panafricanmusic, l’artiste revient sur sa rencontre avec Blick Bassy qui a abouti à ce nouvel album.
Alors qu’elle a autoproduit (avec Denfari) ses deux premiers albums à savoir “Naissance” en 2014, puis “Mon Combat” sorti en 2018, Amy Yerewolo sort son le 30 avril prochain sous Othentik AA, le nouveau label fondé par l’artiste camerounais Blick Bassy de Blick Bassy son troisième album intitulé A.Y. En effet, après avoir volé de ses propres ailes pendant près de 10 ans, Ami Yerewolo revient, cette fois accompagnée, chapeautée par Othentik AA, un soutien qui vient booster sa carrière et surtout son moral.
“Quand Blick Bassy m’a fait signe, j’étais sur le point d’arrêter, car je n’en pouvais plus de me battre corps et âme et ça ne donnait rien, raconte-t-elle. A mes débuts, les gens pensaient que ça serait comme les autres, que j’allais disparaître de la scène au bout d’un ou deux ans parce qu’ils font tout pour décourager les femmes par des discriminations et des boycotts en ne les programmant pas, comme si elles n’existaient pas. C’est cette indifférence qui tue. Quand tu sors des albums, on fait comme si on ne les voyait pas. C’étaient des insultes et des moqueries”, confie Ami au micro de Kpénahi Traoré.
C’est en 2020 que Blick Bassy découvre Ami Yerewolo en sur la scène du festival suisse “Show me”, dédié aux artistes indépendants et dont il est le cofondateur. Touché ! Avec son flow percutant en bambara et en français, ainsi que sa rage de réussir, Ami réussit à convaincre l’artiste camerounais qui décide de la produire sur le label Othentik AA qu’il vient justement de créer. Elle en sera la première signature.
Blick Bassy la coache et lui prodigue des conseils. “Je lui ai proposé de sortir des codes rap et afro beats, mais également de célébrer l’Afrique, ses traditions et sa modernité”. Il l’encourage surtout à laisser parler son talent, nous raconte la rappeuse : “C’est l’album dans lequel je me suis exprimée comme le je sentais, où j’accepte que je suis une rappeuse. Quand j’ai rencontré Blick Bassy, il m’a juste dit, sois toi-même, rapes comme tu as envie de raper, fais ce que tu as envie de faire. Pour la première fois quelqu’un m’appréciait pour ce que j’étais”.
AY, c’est l’aboutissement d’un parcours semé d’embûches comme autant de graines semées par le patriarcat environnant. Les tempes rasées, des locks sur la tête, un dress code fait généralement de tee-shirts près du corps, de chemises, de pantalons, de pantacourts et même de shorts. Sacrilège ! C’est à faire bondir les puristes des traditions au Mali. Elle est comme ça Ami, elle casse les codes et ne veut pas ressembler à l’image traditionnelle de la femme malienne. Elle veut juste être Ami Yerewolo. S’affirmer.
L’un des titres phares de l’album AY s’intitule “Je Gère”, car désormais, la rappeuse malienne ne veut plus laisser les autres s’immiscer dans sa vie ni lui imposer des choix. Les médisances autour d’elle, elle en a souffert. Comme une grande, elle prend les rênes de sa vie. N’en déplaise à ses détracteurs. “Dans nos sociétés, on aime se mêler de la vie des autres pourtant quand tu es en difficulté, personne n’est là pour gérer avec toi, mais quand tu dois faire des choix, ils veulent décider à ta place. Ce morceau, c’est pour dire que j’ai eu mon moment de galère : pendant 10 ans personne n’était là. Maintenant que je veux tracer mon chemin, qu’ils me laissent tranquille… je gère !”, affirme-t-elle. Si elle en est là aujourd’hui, c’est qu’elle a dû faire preuve d’opiniâtreté pour surmonter les obstacles. Elle le chante dans le titre “Ibamba” qui veut dire “persévérance”. Persévérer pour enfin réussir dans ce milieu du rap très masculin, et souvent misogyne. Ami a mis du temps à percer parce qu’on ne croyait pas en elle, et peut-être surtout parce qu’on pensait que le hip-hop était une affaire d’hommes.
Dans le titre “Mama”, elle évoque l’importance et le rôle de la femme et de la mère. “Qui que tu sois, tu viens d’une autre personne, qui que tu sois, tu viens d’une femme” (I mana kècogo-cogo i bôladô de la, I mamakecogo-cogo i bôlamusodô de la). Le refrain s’adresse aux hommes pour leur rappeler l’importance et le respect d’une mère et par là, un hommage à toutes les femmes. “Les gens me traitent de ‘féministe’ parce que je parle des sujets qui me concernent. Je fais du rap en parlant de mes difficultés et aussi des difficultés de certaines amies. Et ces problèmes dont je parle dans mes chansons peuvent aussi concerner des millions de femmes qui se retrouvent dans ce que je dis”.
Youssouf Koné avec Panafricanmusic