MARSEILLE (AFP) – Un nouvel album conçu avec des stars de la pop "indé" américaine, et des "concerts dans le noir": les Maliens Amadou et Mariam poursuivent leur exploration musicale, sans négliger pourtant un certain retour aux sources.
Pour la 20e édition du festival Fiesta des Suds de Marseille, le couple a joué vendredi soir des extraits de son album attendu en janvier. A commencer par le futur single, chanté – sur le disque – avec Bertrand Cantat.
"Tu n’as pas le choix, c’est plus fort que toi", dit le refrain repris par Mariam et le leader de feu Noir Désir, "des jours de bonheur, des jours de malheur, des moments où on s’engage, des moments de lassitude". Un titre aux accents rock, juste équilibre entre le son du groupe bordelais et celui du duo malien.
Leur rencontre remonte à 2009. "Bertrand est venu enregistrer à Bamako" et "il prête sa voix, joue de l’harmonica, de la guitare" sur plusieurs titres, raconte à l’AFP Mariam Doumbia, élégante en tailleur pastel à pois, à côté de son mari et partenaire, rencontré en 1977 à l’Institut des jeunes aveugles de Bamako.
Pour ce 7e opus enregistré aussi à Paris et New York, ils ont également invité les New-Yorkais TV on the Radio, l’éclectique Theophilus London, le compositeur soul-funk Amp Fiddler, la chanteuse Santigold.
Avec Scissor Sisters, l’amitié est née lors de la tournée britannique du groupe américain, dont Amadou et Mariam assuraient la première partie.
"On a tourné partout sur la planète, on les connaît tous", constate Amadou Bagayoko.
Musiciens depuis toujours, le duo a rencontré le succès international en 2004 avec "Dimanche à Bamako", produit par Manu Chao (500.000 ventes en France, 300.000 à l’étranger). "Welcome to Mali" (2008), enrichi par Damon Albarn, M ou Keziah Jones, s’est vendu entre 200 et 300.000 exemplaires.
"Cet album était plus électro", dit Amadou. "Là, on a des instruments traditionnels: le balafon, le djembé, le n’goni. Il y a beaucoup de blues, et puis des sonorités africaines et mélangées". Pas de batterie mais des percussions maliennes.
Des cordes et des cuivres aussi, et toujours la guitare électrique (dorée) d’Amadou et la voix perchée de Mariam, avec des arrangements qui se veulent "modernes et urbains".
"Un album de rencontres", commente le duo, qui se considère d’abord comme un groupe de pop, rappelant que l’une a écouté les yéyés, l’autre James Brown, et qu’ils ont découvert ensemble Stevie Wonder ou Bob Marley.
Leurs textes toujours parlent d’harmonie, de solidarité. "La conscience politique y est un peu plus forte: la participation de Bertrand a un peu joué", souligne leur manager Marc-Antoine Moreau.
"Il faut pouvoir donner de l’espoir aux gens", disent les deux chanteurs, qui en Afrique gardent un rôle de messager.
Et c’est aussi un peu l’Afrique qu’ils racontent dans "Eclipse", un concert qui retrace leur vie, au public assis dans la pénombre absolue.
"Ca raconte notre rencontre, nos étapes, du Mali à la Côte d’Ivoire à la France (…) Les gens sont dans le noir, pour écouter une musique qui a une histoire". Et partagent la même expérience que les deux non-voyants: musique, narration, montée en température (de 15 à 30°!), souffle du vent, chant du coq, odeurs (encens ou pollution)…
"La maison, ce sera Bamako, toujours", dit Mariam. "Les enfants sont là-bas", même si le deuxième garçon, rappeur, s’est installé à Paris pour défendre le disque de son groupe, Smod.
"Eclipse" ira à Londres en novembre (quatre dates complètes) avant Châlons-en-Champagne, Paris, Laval, puis Barcelone, Lisbonne, Hong Kong…
© 2011 AFP – 16 octobre 2011