Afel Bocoum fait partie des rares artistes qui ont travaillé avec Ali Farka Touré tout au long de sa riche carrière de musicien. Celui qu”Ali lui-même appelait son protégé n”est plus à présenter.
L”héritier de Farka, comme l”appellent les grandes maisons de production occidentales, est issu d”une population mixte, composée d”agriculteurs, de pêcheurs et de bergers nomades, qui puise ses ressources dans le fleuve Niger afin de survivre dans le dur climat du désert. Sur les bords du fleuve, dans un petit village du nom de Niafunké, Afel a créé son groupe Alkibar, le "Messager du Grand Fleuve" en sonrhaï. Car Afel Bocoum utilise le fleuve comme guide et source d”inspiration, créant un son imprégné de tradition qui capture la voix des gens et leur relation avec la terre. Ayant collaboré avec Ali Farka Touré et son groupe ASCO pendant plus de trente ans, depuis l”âge de 13 ans, Afel a apporté une contribution fondamentale au son qui a aidé à faire connaître Niafunké et sa musique dans les maisons du monde entier. Les chants obsédants et la guitare acoustique de Afel Bocoum ont été un complément naturel à la guitare électrique palpitante et à la voix gutturale de son " Tonton " et mentor Farka. C”est riche de cette expérience que Afel Bocoum fait l”enregistrement de son premier album "Alkibar".
" L”enregistrement a eu lieu dans un centre agricole en périphérie de Niafunké en 1997 ". Ce premier album et les spectacles européens de 2001 ont révélé qu”Afel Bocoum était un artiste complet. En 1978, Afel Bocoum finit ses études dans une école gouvernementale d”agriculture et commence à travailler dans le cadre du développement agricole. Cela lui donne l”opportunité de voyager au Mali et dans sa région d”origine, souvent frappée par la famine, la pauvreté et la guerre qui ont éprouvé l”endurance de sa population. C”est pourquoi Afel Bocoum place la question de la diversité au centre de son travail. Il chante dans un mélange de langages ethniques, de rythmes et de mélodies de la région de Tombouctou. Cela lui vient naturellement, étant donné qu”il est issu d”un père sonrhaï et d”une mère peulh.
"Je suis né à Niafunké et j”ai grandi en parlant les deux langues. Mais ce n”est que lorsque j”ai commencé à écrire de la musique que j”ai cherché à améliorer mes connaissances en tamashek, la langue des Touaregs, ainsi qu”en bambara. Parfois, on trouve que telle idée est tout simplement mieux exprimée dans telle ou telle langue, et chacun doit aussi se rappeler que le mot lui même est une musique. Quand je peux parler à certaines personnes avec des mélodies, avec certains avec le langage et avec d”autres avec le rythme, je peux atteindre beaucoup plus de personnes dans différentes combinaisons et véhiculer différents messages ". Plus il plonge dans la musique, plus Afel Bocoum réalise que ses compétences pourraient être utilisées pour augmenter l”effet de son travail avec les communautés en tant que jeune mentor et directeur musical engagé dans les activités communautaires.
Desert blues d’Ali Farka
" Dans la campagne malienne, on ne va pas au cinéma et on ne lit pas les journaux, mais nous écoutons tous la musique. La musique est le meilleur moyen de faire passer l”information. Donc je ressens un très fort besoin de dire ma vérité quand je chante, parce que je sais que les gens vont en tenir compte ".
Afel fait partie des artistes de Tombouctou qui ont participé à la grande cérémonie de la "Flamme de la Paix", commémorative de la destruction d”armes à feu par le feu, marquant la fin de la rébellion touareg en 1996.
" Le Mali doit être fier aujourd”hui. Au moins, il y a des pays qui sont en train de nous imiter. L”Afrique a passé trop de temps à compter sur les autres pour résoudre ses problèmes. Il est tant qu”on s”entre-écoute et qu”on trouve des solutions ". Pour ce qui est de sa musique il n”utilise que les instruments de musique traditionnels, dans le style "desert blues" d”Ali Farka Touré, mais il véhicule une version complémentaire, plus dépouillée, pour révéler les racines de la musique. Plus fermement centré sur les sons acoustiques et traditionnels, il utilise une njarka (violon à une corde), une njurkel (guitare à deux cordes) et une calebasse avec sa guitare acoustique et sa voix. Une ambiance introspective est créée, enveloppée dans les commentaires sociaux à l”encontre de la cupidité et des mariages arrangés, tout en encourageant le respect des aînés. "Quand un vieil homme meurt, c”est une bibliothèque qui brûle. Les gens commencent à oublier et sont devenus paresseux. Si nous n”en prenons pas conscience aujourd”hui, demain sera gâché ". Sur le plan international en 2002, Afel collabore avec le leader de Blur, Damon Albarn pour le très populaire album " Mali Music ".
Les dates qui ont suivi ont été très bien accueillies, surtout le concert qui a eu lieu à Londres au Barbican en juin 2003. Damon a aussi fait une apparition en tant qu”invité aux côtés d”Afel sur la plus grande scène de Roskilde au Danemark devant 65.000 personnes. Malgré son succès grandissant, Afel Bocoum reste humble.
Comme l”a dit Moussa Bolly, notre confrère des Echos, dans le livre " Et si l’on parlait un peu d”Aly " "Dans les mélodies dansantes du fleuve et le rythme palpitant du rude vent du désert, il n”y a aucun doute que l”héritage d”Ali Farka Touré est dans de bonnes mains. Avec une finesse remarquable et un talent sûr, Afel Bocoum a prouvé qu”il était un vrai "Messager du Grand Fleuve" et il est sûr qu”il va emmener la musique malienne vers une autre ère. "
Kassim TRAORE
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