Abou Diarra, musicien et chanteur : La nouvelle coqueluche du blues malien dans le showbiz

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Originaire de Ganadougou (région de Sikasso, sud du Mali) et issu de la lignée des grands chasseurs, Abou Diarra est un virtuose du kamalen ngoni. Avec ce luth malien ancestral, l’artiste offre un blues convaincant sur son quatrième album «Koya». Depuis quelques années, il se distingue ainsi comme l’un des meilleurs ambassadeurs de la musique malienne dans le showbiz international. «Je pense à mes frères et mes sœurs de Gao. Je veux que la paix revienne dans mon pays, que nos familles puissent manger et que nos enfants grandissent dans un monde meilleur» ! Tel est le souhait exprimé par le musicien/chanteur Abou Diarra au lendemain de l’attaque meurtrière contre la base du MOC le 18 janvier dernier à Gao.

Ce virtuose du kamalen ngoni sera en concert le 2 février 2017 au New Morning de Paris (France) pour la promotion de son 4e opus, «Koya», sorti (sortie internationale) le 10 novembre 2016. Un album soigneusement réalisé par Nicolas Repac et sur lequel figure l’harmoniciste Vincent Bucher. «Le résultat donne une esthétique contemporaine sans gommer l’aspect séculaire», souligne un critique français. Sur cet album, nous avons surtout eu le coup de cœur pour «Diarabi» sur lequel Abou Diarra est en featuring avec le maestro Toumani Diabaté. Le virtuose de la kora est aussi présent sur le titre «Labanko». «Koya blues» est également sensationnel.

Pour Nicole Videmann, un critique français, «Koya se profile entre émotion et énergie, entre poésie malienne et blues. Un monde musical situé entre tradition et modernité». Sur les onze titres de l’album «Koya», l’enfant du Ganadougou (sud du Mali) chante et s’accompagne du kamalen ngoni, sorte de harpe/luth africaine utilisée à l’origine par les chasseurs du Wassoulou. L’album rend hommage à sa mère dont il porte le nom, «Koya». Sa voix voilée est d’ailleurs perceptible sur le titre Koya Blues. Abou Diarra a composé et écrit la totalité des titres en compagnie de ses complices de scène, Daouda Dembélé à la guitare et Moussa Koïta aux claviers. Si, disent des critiques, l’harmonica de Vincent Bucher renforce la tonalité blues, les discrètes touches d’électro apportées par Nicolas Repac (chargé de la direction artistique) contribuent à moderniser l’ambiance de l’album. Les flûtes peuhles et mandingues enregistrées par Simon Wensé contribuent aussi à la dimension traditionnelle de la musique. Ainsi, Djalaba résonne des plaintes de la flûte qui joint son chant aux voix. Par contre, sur Koya Blues, «le dialogue entre la flûte et l’harmonica accentue l’ambiance lancinante de ce blues qui fait un clin d’œil complice à la musique du Mississippi», note Nicole Videmann.

Explorateur de sonorités

Cette œuvre confirme l’ascension du protégé du regretté Vieux Kanté dans sa carrière internationale. Un parcours qui a commencé en 1975 dans le sud du Mali, et conduit Abou à Abidjan, Bamako et Paris… Un périple avec son éternel compagnon, kamalen ngoni. Fasciné par le blues, le jazz, le reggae et le groove, Abou Diarra pousse l’exploration hors des chemins tout tracés, utilisant son instrument comme une guitare, une basse, une harpe ou une percussion. De sa biographie officielle, on retient qu’il est le fils d’un grand chasseur-féticheur et d’une chanteuse initiée aux savoirs mystiques. Ainsi, Abou est initié à la musique dès son plus jeune âge en accompagnant sa mère, Koya, aux cérémonies et fêtes traditionnelles.

Vers ses 14 ans, il fabrique son premier ngoni. Par la suite, il quitte son village pour rejoindre son premier maître, Daouda Bagayoko. Il suit ses enseignements durant un an et poursuit ensuite sa route vers la Côte d’Ivoire, y puisant de nouvelles sonorités. Après cinq années d’exil, Abou Diarra revient dans sa région natale où sa réputation de joueur de ngoni grandit. Surtout qu’il mélange désormais les mélodies traditionnelles aux sonorités modernes découvertes à Abidjan pour aboutir à des rythmes inédits. Ce n’est qu’en 1999, que le jeune instrumentiste rejoint Bamako où il rencontre «Vieux Kanté» alias «Sans Commentaire» (paix à son âme), un virtuose du kamalen ngoni très connu au Mali et dans le monde. Abou Diarra devient son élève jusqu’à sa mort en 2005. L’année suivante, 2006, sort son premier album «Kono kan bora».

En 2008, Abou Diarra est invité en France pour plusieurs concerts et interventions autour du kamalen ngoni. Charmé par le pays, il y revient en 2010 pour se produire en concert et dans des festivals et enregistrer son deuxième album, «An ka belebele». Il anime également des stages de kamalen ngoni ou intervient sur la transmission de l’oralité et de la musique malienne. S’installant alors dans une nouvelle dynamique, il allie ses origines à la découverte de l’Occident et ouvre encore son style musical et ses collaborations. En solo, le chasseur de sonorités évolue entre musique mandingue, blues et groove accompagné souvent d’un balafonniste, d’un percussionniste et d’un bassiste en plus de son instrument de prédilection. Cette ouverture se traduit dans son 3e album, «Sabou», qu’il enregistre avec son groupe Donko Band. Pour les critiques, c’est un opus 100% africain, «la plus belle des invitations à la danse et la découverte du Mali».

Des collaborations enrichissantes sur Koya

Passionné et déterminé, Abou Diarra sait ce qu’il fait et où il va sans jamais fermer la porte au hasard des rencontres pour enrichir son répertoire. On comprend alors qu’avec son 4e album, Koya, «il creuse un peu plus le sillon du blues mandingue». Un blues qui, comme l’a toujours défendu le grand Ali Farka Touré (paix à son âme), prend sa source dans le fleuve Niger et poursuit sa course dans le Mississipi. Le voyage, l’exil sont des thèmes qui lui tiennent à cœur. «Sans donner des leçons, j’essaye à travers mes textes de donner des conseils sur ce qui est bon ou pas bon», souligne Abou Diarra dans une interview à la presse française.

«Au début, mon envie était de mettre le ngoni avec l’accordéon, la contrebasse, le violon et le piano, mais ça n’a pas pu se faire ainsi alors j’ai un peu changé d’idée. Il y a l’accordéon, le violon, la batterie…», explique-t-il dans un entretien avec le site Rfi-musique. «Avant l’enregistrement, l’accordéoniste m’a demandé si on pouvait répéter. Je lui ai dit que j’allais répéter avec les autres musiciens, mais pas avec lui. Sinon, son oreille se serait habituée aux couleurs africaines. Je voulais qu’il garde sa couleur européenne, qu’il entre dans le studio, qu’il écoute et qu’il joue. Même chose pour le violoniste», avait-il précisé. Avec «les ballades intimistes et nostalgiques, mais aussi des rythmes fougueux» de Koya, Abou perpétue merveilleusement ce blues mandingue voire africain dont les précurseurs sont les Ali Farka Touré, Lobi Traoré, Idrissa Soumahoro… Et aujourd’hui, il se positionne naturellement en digne héritier !

Moussa BOLLY

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Atypique apprentissage entre Abidjan et Bamako

En Abou Diarra et son inséparable instrument, le kamalen ngoni, c’est aussi une douloureuse histoire d’amour. «Quand mon père nous a quittés, ma mère n’avait pas les moyens pour nous nourrir. J’ai travaillé chez quelqu’un pendant deux ans. Il devait me donner 30.000 FCFA par an, soit 50 euros. Mais au bout des deux années, il a refusé de me payer. Je suis parti à Abidjan, j’ai vu quelqu’un qui jouait le ngoni dans la rue. C’est grâce à lui que nous sommes tous en train de jouer cet instrument aujourd’hui : Yoro Diallo, un grand maître du kamalen ngoni», a-t-il expliqué dans entretien accordé à la presse.

Partant pour Bamako, Yoro Diallo alias «Tiècorobanin» l’a confié à l’un de ses élèves, Daouda Bagayoko. «J’y suis resté un an et je n’ai réussi à jouer qu’un seul morceau ! Découragé, je voulais rentrer chez moi. Quand je suis sorti dans la rue, j’ai vu quelqu’un d’autre qui marchait avec un ngoni. Bizarre ! Je lui ai expliqué mon cas. Il ne pouvait pas m’emmener avec lui non plus. Mais, comme il avait deux instruments, il m’en a donné un. Et je me suis mis à marcher, d’Abidjan à Bamako. Quatre mois et 26 jours. C’est là que je suis devenu joueur de ngoni, sur la route», raconte Abou Diarra. Arrivé à Bamako, il pensait alors être le meilleur joueur de Kamalen ngoni. «Mais on m’a dit que trois joueurs de ngoni étaient plus forts que moi. Je suis allé voir le premier, et j’ai trouvé qu’il n’était pas fort. Le deuxième l’était vraiment, car il faisait des choses avec le ngoni que je ne pouvais pas faire. Mais il y avait des choses que je savais faire et pas lui, donc il ne pouvait pas devenir mon maître», poursuit-il.

La troisième personne, Vieux Kanté dit Sans Commentaire, sera la bonne. «Un génie du ngoni. Pendant sept ans, j’ai dormi, mangé chez lui pour apprendre. Durant les trois premières années, il ne m’a pas autorisé à aller jouer dehors. Seulement chez lui, à la maison. Il a senti que ça me décourageait et m’a dit : Abou, ce n’est pas parce que je suis aveugle que je ne vois rien, je vois avec mon cœur. Il faut attendre un peu. Un jour viendra ! Ça m’a calmé. Deux ans plus tard, il voulait que je parte jouer pour moi, mais j’ai refusé car je faisais tout ce dont il avait besoin et il n’y avait personne d’autre pour l’aider. Ça l’a beaucoup touché. Et il m’a montré toutes les choses qu’il m’avait cachées. Je suis resté encore pendant deux ans. En 2005, il est mort. C’est là que j’ai commencé à travailler pour moi», explique le virtuose dans cet entretien accordé à des confrères français. Une rupture douloureuse.

Mais, comme le regretté Vieux Kanté, Abou Diarra aime bien partager ce qu’il connaît du ngoni afin que «les gens sachent à quoi il sert, ce qu’on peut faire avec». «J’ai des élèves qui n’avancent pas. Mais, quand d’autres jouent, on ne peut pas deviner que ce sont des Blancs», dit-il ! Pour le  virtuose devenu professeur de kamalen ngoni, «le ngoni est une harpe africaine. Arrivé à un certain niveau, tu peux le jouer comme une kora. C’est à peu près la même famille. Mais la petite différence, c’est que ça ne se joue pas dans la même langue. La kora est accordée en diatonique, c’est mandingue… Le ngoni est accordé en pentatonique, c’est bambara». C’est la confidence du maître !

M.B

Koya (Mix Métisse/L’Autre distribution/CSB Productions/RFI Talent)

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