Il déclare être «venu dans la musique pour être le messager du Baniko». Adama Coulibaly, plus connu sous son sobriquet ‘’Baniko Dama One’’ est ce jeune artiste qui revendique non sans une certaine fierté son appartenance au Baniko, en particulier son Massigui natal. Se voulant la voix des sans-voix, Baniko Dama One attire, à travers plusieurs de ses singles, l’attention des plus hautes autorités du Mali sur les conditions de vie des populations, la qualité des infrastructures routières et sanitaires de sa localité.
Le messager d’espoir pour sortir le Baniko de certaines difficultés ‘’qu’il ne mérite pas’’ partage son temps entre sa ferme, son atelier de couture et sa carrière musicale.
Dans cet entretien exclusif, qu’il a bien voulu nous accorder, il parle de l’art, de sa vie.
Si M. Coulibaly se présentait en deux mots à nos lecteurs, que leur dirait –il ?
Je suis Adama Coulibaly, connu sous le nom d’artiste ‘’Baniko Dama One’’. En dehors de la musique, je suis un grand tailleur spécialisé dans la couture pour hommes et femmes. Par ailleurs, ma famille possède une ferme où je me rends régulièrement.
Comment vous êtes-vous retrouvé dans la musique et, surtout, le rap ?
J’ai constaté que dans ma localité d’origine, le Baniko, beaucoup de personnes souffrent et n’ont pas les moyens de se faire entendre des décideurs. Il y a des problèmes dans les dispensaires, les écoles, etc. Chacun en parle à côté, et ça s’arrête là.
Un jour, j’ai réfléchi à la perceptive de mettre en place quelque chose pour faire entendre leurs voix. C’est ainsi que je me suis mis à chanter. Tout ce qui ne va pas, que ce soit du fait des autorités ou de la société, j’essaie de le dénoncer à travers des textes que j’écris pour les transformer en chansons. Et parfois, cela attire l’attention sur ces difficultés. Voilà pourquoi je suis devenu chanteur.
Vos messages ont-ils porté leurs fruits ?
Je peux dire oui. Par exemple, quand j’ai chanté et critiqué l’abandon d’un espace public convoité à Massigui, ainsi que la gestion du CSCOM, cela a attiré l’attention du maire, et ils ont décidé de mieux prendre en charge ces lieux.
Vous avez chanté sur le mauvais état des routes du Baniko. Quelles ont été les retombées de cette initiative ?
Nous comptons toujours sur nos autorités pour que le Baniko ait enfin des routes praticables. Pendant l’hivernage, elles deviennent impraticables, ce qui complique la vie de la population, notamment pour se rendre dans un centre de santé avec un malade. Le Baniko, zone de production par excellence, souffre beaucoup de ce manque d’infrastructures.
Quel thème abordez-vous le plus fréquemment dans vos chansons ? Qu’est-ce qui fait la particularité de votre musique ?
J’ai un slogan : «Baniko Dama One, Massigui baby». Chaque morceau que je compose met en avant le Baniko. Mon objectif est de faire briller cette localité et de la sortir de l’ornière. Je ne dis pas que ceux qui nous ont précédés n’ont rien fait, mais notre vision est d’aller encore plus loin pour faire connaître davantage le Baniko.
Votre récente chanson intitulée «Kona» parle des femmes n’ayant pu avoir d’enfant. Pourquoi un tel thème?
Je ne me suis pas inspiré d’une personne en particulier. Dans notre société, les femmes qui n’ont pas d’enfants ou qui n’arrivent pas à en avoir sont marginalisées, insultées, rejetées et parfois même accusées de sorcellerie. Pourtant, c’est Dieu qui donne des enfants. C’est pourquoi j’ai décidé de chanter pour que les gens comprennent cela. Dans cette chanson, j’aborde aussi le sujet des insultes faites aux femmes qui n’accouchent que des filles et non des garçons comme souhaité. Or, le sexe de l’enfant ne dépend pas de la femme. «Quand on sème des arachides, on ne récolte que des arachides et non du maïs.» Il faut que les gens comprennent que l’essentiel est d’avoir des enfants bénis et reconnaissants, capables de soutenir éventuellement leurs parents.
Que pensez-vous de la musique de votre génération ?
Je trouve regrettable que beaucoup de jeunes disent n’importe quoi dans leurs chansons. Moi, je suis entré dans la musique pour sensibiliser et apporter des changements à ma communauté et mon village, mais aussi à mon pays. Donc pas simplement pour la popularité. Cela dit, ce n’est pas uniquement la faute des artistes, mais aussi de ceux qui écoutent ces musiques. Aujourd’hui, on préfère souvent les chansons sans message à celles qui portent un message conscient.
Pourquoi le rap comme style musical ?
Je fais du rap conscient, qui a pour but de sensibiliser la population sur des sujets communautaires. Je pratique aussi parfois du rap engagé, qui critique certaines actions des dirigeants lorsqu’elles ne sont pas correctes.
Une collaboration entre Dama One et Abou Flo, deux artistes du Baniko, est-elle envisageable pour le rayonnement de votre localité ?
Je dirai que nous sommes une seule personne, car Abou Flo est un frère. C’est moi qui l’ai approché lorsqu’il habitait à Sikasso pour qu’on chante ensemble sur les préoccupations de notre terroir. Même pour 2025, nous avons des projets communs.
Quels sont vos projets pour les jours à venir ?
Nous avons de nombreux projets pour 2025, notamment la sortie d’un tout nouvel album.
Avez-vous une idée du nombre de vos singles ?
J’ai à mon actif beaucoup de singles, plus de 100, donc je ne peux pas tous les citer.
Propos recueillis par
Rokia Coulibaly, Sidi Mohamed Traoré et Drissa Togola