On ne stigmatisera jamais assez le fléau que représente la migration irrégulière. Chaque jour qui passe, cette dernière engendre des drames endeuillant des familles entières. La dernière tragédie en date est survenue le 28 juillet dernier au large des côtes libyennes lorsqu’un bateau marchand a chaviré en mer non loin de Tripoli avec plusieurs centaines de personnes à son bord, dont des Maliens. Sur nos 87 compatriotes (estimés) qui se trouvaient sur le vaisseau, une seule personne a survécu, selon les informations recueillies jusqu’ici par le ministère des Maliens de l’extérieur. Cet énième naufrage interpelle une fois encore en faveur de la mise en œuvre d’actions concrètes et urgentes en vue de réduire le nombre de candidats à l’émigration clandestine. Tel était le plaidoyer développé lors de la conférence de presse que le ministre des Maliens de l’Extérieur, Abdrahamane Sylla, a animé mardi dernier dans les locaux de son département.
Le Mali, a rappelé le ministre Sylla, est de par sa position géostratégique un pays de vieille tradition migratoire. Selon le dernier recensement administratif à vocation d’état civil (Ravec), le nombre de Maliens se trouvant à l’extérieur du territoire national est estimé à environ quatre millions d’individus. Ce chiffre n’est pas exhaustif, mais il permet aujourd’hui de dire avec certitude que nos compatriotes de l’extérieur représentent au moins 30% de la population nationale. Avec l’accroissement démographique, la détérioration des termes de l’échange, le manque de ressources financières nécessaires aux besoins croissants des populations, un contexte international défavorable et la crise multidimensionnelle qui a frappé notre pays en 2012, le phénomène de la migration s’est accru, malgré les efforts déployés par l’Etat.
DES CONDITIONS PRÉCAIRES ET DÉGRADANTES. Il ressort du rapport sur la situation socio-économique du Mali 2010 qu’en dépit des mesures restrictives prises pour juguler l’émigration clandestine, de jeunes Maliens continuent d’emprunter les routes de l’exil. « Notre pays est largement confronté aux conséquence désastreuses des migrations irrégulières. Les flux d’émigration n’étant pas organisés aboutissent généralement à des reconduites aux frontières, des rapatriements et des expulsions fréquentes et importantes », a déploré le ministre. A titre d’illustration de 2002 à 2010, 54 719 migrants maliens au total ont été reconduits dans leur pays. La situation s’est encore détériorée en 2011 à la suite de la crise politique survenue en Libye d’où ont été rapatriés 22 850 maliens.
Pour l’année 2014, à la date du 31 juillet, 2101 maliens ont été rapatriés par le gouvernement malien dont 1891 de la Centrafrique, et le reste de pays comme la Libye, l’Espagne, le Congo Brazzaville et le Gabon. Par ailleurs, de nombreux migrants sont détenus dans les prisons des pays de destinations et/ou de transit dont 225 en Libye et 11 au Sénégal. Toutes ces informations ont été données par le ministre Abdrahamane Sylla. « Il est difficile aujourd’hui de disposer de statistiques fiables sur les flux d’émigration, mais le nombre important de migrants de retour involontaire témoigne suffisamment de l’ampleur du phénomène », a indiqué le ministre des Maliens de l’extérieur.
Fait nouveau : la migration des mineurs prend de plus en plus d’ampleur dans notre pays. « Le constat le plus alarmant et le plus révoltant concerne la migration irrégulière des mineurs par les parcours habituels en dépit des dangers, en violation flagrante de tous les textes qui régissent l’humanité », a rappelé le ministre qui a indiqué que son département va renforcer ses actions de sensibilisation et d’information sur les aspects les plus dramatiques de l’émigration. Ces aspects intègrent le naufrage d’embarcations, les mauvaises conditions de vie de migrants maliens en Italie, le point des situations des Maliens en Centrafrique et en Libye et la problématique des enfants migrants mineurs.
« Contre toute attente, nos compatriotes migrants quand ils réussissent leur dangereux périple se retrouvent à survivre dans des conditions précaires, dégradantes et dépourvues de toute humanité, sans possibilité de retour digne au pays comme c’est le cas en Italie », a dit le ministre qui a indiqué que de nombreux Maliens sont aujourd’hui en situation de détresse en Libye et en Centrafrique. Le gouvernement est à pied œuvre pour leur rapatriement.
Be COULIBALY