La diaspora en France, ce sont des femmes, des hommes, des enfants. Des anciens, arrivés il y a longtemps pour y trouver une vie meilleure. Ils y résident avec épouses et enfants. Des Maliens, en foyer de travailleurs migrants, parfois depuis très longtemps. Des jeunes, encore à l’école ou déjà diplômés, nés sur le territoire français ou arrivés plus récemment. Des Maliens, avec une carte de séjour. Des Maliens, en situation irrégulière qui sont restés plus longtemps que leur visa de touriste ne leur permettait, ou survivants du désert et des vagues meurtrières. Des Maliens, citoyens français. Des Maliens, élus français d’origine malienne. Qu’ils soient ouvriers, simples employés ou cadres, commerçants, créateurs, artistes ou universitaires, tous soutiennent leur grande famille.
Tous transfèrent de l’argent à leurs parents au village. Presque tous sont actifs au sein d’une association pour contribuer au développement du pays ; faciliter l’adaptation des nouveaux arrivants ou accompagner les jeunes en difficulté. Tous, Maliens de l’extérieur, tous différents, chacun avec ses convictions profondes vis-à-vis de la politique, que ce soit celle au Mali ou celle en France.
Pourtant, dès janvier 2012, dans un même élan, ils ont tous essayé de comprendre la crise sécuritaire qui secouait le pays. Certaines associations comme le Collectif des Maliens de France pour la Paix (CMF Paix) et l’Alliance Patriotique pour la Souveraineté du Mali (APSM) ont alors été créées, avec comme seul objet la paix au Mali et la souveraineté du pays. Les Maliens de la diaspora, partagés face au bouleversement politique du 22 mars 2012, n’avaient qu’une chose en tête malgré tout : se battre pour l’intégrité territoriale et lutter contre l’occupation obscurantiste des narco-jihadistes. Ils ont été invités par les médias et sont intervenus dans des conférences pour témoigner. Ils ont expliqué ce qu’était la diversité culturelle de la société malienne. Ils ont marché, à Paris comme en province, pour dénoncer les contre-vérités et les agissements de ceux qui œuvraient contre la paix.
Le 13 janvier 2013, au lendemain du lancement de l’opération Serval, les représentants de certaines associations de la diaspora et de partis politiques maliens ont été invités par François Hollande, à l’Elysée. À la publication des résultats de l’élection présidentielle, les Maliens de l’extérieur se sont inclinés au nom de la démocratie, alors qu’ils avaient été très nombreux à ne pas avoir pu voter, faute de la carte Nina. Ils ont salué le retour à l’ordre constitutionnel. Chacun est retourné à son quotidien, à ses activités militantes.
Ces dernières semaines, la diaspora a été invitée à plusieurs réunions organisées par le Conseil de base des Maliens de France (CBMF) et le Haut conseil des Maliens de France (HCMF), les deux grands groupements qui se présentaient, chacun, depuis des années, comme la voix de la diaspora. Ce bicéphalisme agaçait les autorités quand il fallait s’adresser aux Maliens résidant en France. On peut même se demander si le Haut conseil des Maliens de l’Extérieur à Bamako n’a pas lancé un ultimatum aux deux Conseils et conditionné le maintien de la représentation de la diaspora en France au sein de sa «structure fédérative des Conseils des Maliens résidant à l’extérieur», à la création en France d’une seule et même instance.
Il aura fallu la médiation d’un émissaire venu de Bamako, lors de l’ultime rencontre du samedi 5 avril 2014 au matin, pour amener les deux Conseils à la sage décision d’en finir avec la rivalité et de procéder à des élections, afin de fonder une représentation unique des Maliens de France. Pour la diaspora, comme pour les familles au pays, les enjeux sont de taille.
En effet, nombre de leurs associations dépendent de «la coopération décentralisée que conduisent les collectivités locales de leur commune ou région de résidence en France». Les subventions accordées leur permettent, «en accord avec les autorités ou collectivités locales du pays, de mener à bien leurs projets de développement de leur région ou commune d’origine, dans les domaines de la culture, de l’éducation, du développement durable, et de l’économie». Il est donc nécessaire pour les associations que les instances de coopération décentralisée, françaises ou internationales, n’aient plus qu’un seul et unique interlocuteur pour les représenter. C’est pour cela que les associations maliennes de France sont appelées à participer au scrutin qui sera organisé le samedi 3 mai 2014 au Consulat du Mali à Paris, sous le patronage du représentant du Haut conseil des Maliens de l’Extérieur qui viendra spécialement de Bamako. Les électeurs s’exprimeront en un seul tour, à raison de «une association, une voix», sur deux points. D’une part, ils choisiront celui des candidats qu’ils estiment être digne de présider l’unique structure. Celui qui aura récolté le plus de voix, obtiendra le siège. Le bureau sera ensuite déterminé à la proportionnelle. D’autre part, ils glisseront un second bulletin, dans une deuxième urne, pour choisir entre les deux appellations actuelles, celle que portera la nouvelle instance, dorénavant seule habilitée à parler au nom de la diaspora malienne de France.
Chose importante, les deux Conseils actuels se sont engagés à dissoudre la structure qui n’aura pas remporté la présidence, ainsi que son intitulé. Ces élections suscitent bien de l’attention. Au sein de la diaspora malienne, comme dans nombre d’autres d’ailleurs, les problèmes de leadership ont souvent été le frein majeur au succès des mobilisations. Il faut être confiant. Cette fois, les Maliennes et Maliens de France sauront éviter cet écueil et passeront outre leur appartenance à telle ou telle communauté culturelle, à telle ou telle région. Elles et ils voteront avec une seule idée en tête : contribuer au Mali Koura.
Françoise WASSERVOGEL