Pour les Maliens de la Centrafrique, c’est le sauve qui peut. L’Etat malien a organisé le rapatriement de nos compatriotes, et à ce jour 1800 personnes ont regagné le Mali à travers 8 vols, effectués entre le 5 janvier et le 2 mars 2014. Dans ces convois on a pu dénombrer également des non maliens, com me des Sénégalais, des Ivoiriens, des Burkinabé, mais aussi des Centrafricains.
Selon Casimir Sangala, chargé de mission au ministère des Maliens de l’Extérieur, les huit vols qui ont permis de rapatrier quelque 1797 Maliens se sont repartis entre Bangui et Douala (au Cameroun) où des Maliens fuyant la guerre en terre centrafricaine ont trouvé refuge. Ainsi l’implication du Consulat du Mali à Douala a permis d’organiser quatre convois. Les non Maliens acceptés dans les convois à leur arrivée à Bamako sont mis à la disposition de leur Ambassade. Mais les Centrafricains ont besoin d’attendre le retour de l’accalmie dans leur pays. Parmi les centaines de Maliens rapatriés, nombreux sont ceux qui découvrent la mère patrie pour la première fois. Ils ont été acheminés auprès des leurs.
La grande cour de la protection civile de la rive droite à Sogoninko, abrite des réfugiés centrafricains et d’autres nationaux de la sous-région en provenance de la Centrafrique, après avoir fui le feu et les bruits de canons. Le regard perdu, ils habitent sous des tentes de fortunes érigées à leur arrivée. Ils sont plus de 70 étrangers, selon des sources proches de la protection civile de la rive droite. Ils sont généralement des musulmans, mais on dénombre également des chrétiens, qui sont arrivés au Mali, en attendant des jours meilleurs.
Rencontré dans la cour de la protection civile, Abdoulaye Bagayoko est un Centrafricain d’origine ivoirienne. Accroché à son téléphone cellulaire, avec au bout de la ligne, sa sœur en Côte d’Ivoire, il est complètement démuni. «Il ne me reste plus aucun sou. Même les habits que je porte m’ont été offerts par des ressortissants maliens à Douala.» Les jours à venir ne sont pas assez prometteurs pour celui qui souhaite aller retrouver ses parents en Côte d’Ivoire. Pour cela, il attend l’appui du Haut Conseil des Refugiés qui, en collaboration avec les autorités maliennes se préparent à assurer le départ des réfugiés dans l’enceinte de la Protection Civile de Sogoniko. Le seul crime de Abdoulaye Bagayoko a été d’être musulman sur une terre où cela est devenu intolérable. Dans sa voix se décèle la tristesse d’avoir laissé, dans le seul pays qu’il a connu depuis sa naissance, son épouse centrafricaine et son fils. «Je suis né et j’ai grandi en République Centrafricaine. Je n’ai jamais connu un autre pays. Quand la guerre entre musulmans et chrétiens a éclaté j’ai décidé de me rendre au Cameroun où des convois de Maliens étaient affrétés en partance pour Bamako. Mon épouse chrétienne est restée avec mon fils de deux ans. Nous avons décidé de lui donner un nom chrétien pour qu’il ait la vie sauve.»
A ses côtés se tient un de ses compagnons de route d’origine centrafricaine. Ils partagent le même sort. «Ma maison a été mise en feu. J’ai eu la chance d’être ailleurs ce jour-ci. Sinon je serais brûlé vif aussi.» Douala, au Cameroun, où il a dû se rendre pour rejoindre le contingent malien, lui a paru inaccessible pendant de longs jours de trajet. «Le danger m’a guetté jour et nuit. J’ai dû changer de nom pour m’échapper. Du début de ma fuite à mon arrivée en terrain sûr, je n’ai pas osé prier, de peur de me faire repérer et lyncher.»
Tels malheurs vécus ne sont pas rares chez les nouveaux locataires des locaux de la protection civile. Quelques femmes et enfants ont pu s’échapper de l’enfer centrafricain. «Le Mali a été notre seule porte de sortie. Si nous étions restés, nous ne serions pas en vie à l’heure actuelle», croit savoir une dame accompagnée de ses deux enfants à bas âge.
Ces étrangers attendent tout de leur pays d’accueil, passant leurs journées entre les chambres et les tentes. Leur ration alimentaire journalière est assurée par l’Etat malien. Selon le Commandant de la protection civile de la rive droite Bakary Daou, «dans les jours à venir des décisions seront prises pour le sort de ces infortunés dans le sens de leur retour dans leurs pays ». Mais tout semble indiqué que ce retour n’est pas pour demain, les canons continuant toujours à cracher du feu en République centrafricaine.
Dansira Dembélé – B. Daou