La nouvelle gouverneure du district de Bamako, Amy Kane, s'ennuyait ferme dans son bureau depuis sa nomination. Après s'être bien creusé la tête (à la matraque ?), notre gentille dame, contrôleur de police de son état, s'est découvert une mission de la plus haute importance et de la plus extrême urgence : démolir les petits commerces installés au bord des routes et chasser à coups de bâton les occupants. L'affaire est dans les cordes de la gouverneure qui, lors de son séjour à la tête de la Brigade des Moeurs de Bamako, a acquis une solide réputation de
"Dame de fer". La Margareth Tatcher locale, quoi ! Un prétexte royal de démolition est tout trouvé: l'an prochain, notre belle capitale doit abriter le sommet France-Afrique et il ne faudrait pas (surtout pas !) que par le hublot de leurs avions ou la vitre de leurs limousines noires, les hôtes de marque (dont l'empereur François Hollande 1er) voient les misérables kiosques et les hordes de mendiants qui encombrent les trottoirs. Outre ses fines compétences de démolisseur et le prétexte du Sommet franco-africain, Madame la gouverneure a tous les moyens de sa politique, pardon!, de sa mission: les bulldozers de la mairie de Bamako, les policiers (ses vieux amis) et, bien entendu, de pleines cargaisons de gaz lacrymogène destinées aux occupants récalcitrants. Cerise sur le gâteau, si Amy Kane réussit à déguerpir le beau monde des trottoirs, elle recevra assurément les vives félicitations de Ladji Bourama, ce qui, en soi, vaut de l'or puisque depuis 2013, certains nomades politiques n'ont même pas eu le bonheur de serrer la main du grand chef. Qui sait ? N'étant pas brouillée avec le Chérif de Nioro ni apparentée à aucun
"hassidi" de l'opposition, Madame la gouverneure pourrait devenir ministre. Oh non! Je ne dis pas ministre de la Sécurité (poste jalousement gardé par le tout nouveau général Salif Traoré), ni ministre de l'Administration Territoriale (chasse gardée de l'ex-directeur de campagne de Ladji Bourama). Je veux dire simplement ministre de quelque chose : pourquoi pas ministre d'Etat chargée des Fossés, des Trottoirs et des Bulldozers ?
Danger économique
Sitôt dit, sitôt fait: voilà la machine de démolition en marche. Depuis plusieurs jours, les kiosques, étals et hangars de fortune tombent les uns après les autres. Parfois, les démolitions interviennent en pleine nuit, ce qui, ironie du sort, ressemble comme deux gouttes d'eau à des opérations
"djihadistes" dignes de Kaboul ou de Baghdad. Et que fait-on du butin de guerre, c'est-à-dire de la paille et de la ferraille issues des démolitions ? Ces joyeux débris sont chargés dans des bennes et jetés quelque part entre Bamako et Kati. On aurait peut-être choisi une autre destination sila junte du général Sanogo vivait encore ! Quant à savoir les conséquences sur les populations, Madame la gouverneure ne paraît pas s'en soucier une minute. Depuis quand une policière éprouverait-elle des états d'âme ? Or, en fait de conséquences, il y en a à la pelle !
L'affaire cause un sacré manque à gagner au trésor public. Les centaines de kiosques et de petits commerces que l'on détruit versaient bon an mal an au moins 30. 000 FCFA d'impôt synthétique et de lourdes taxes aux municipalités. De contributeurs, messieurs les déguerpis deviennent du jour au lendemain des mendiants à la charge de leur famille, laquelle, depuis longtemps, ne voit même pas une queue de diable à tirer.
Bien sûr, je n'oublie pas les milliers d'emplois jetés dans le lac. De fait, il n'y aura plus personne pour opérer dans les kiosques du PMU-Mali ou d'Orange Money emportés par les bulldozers. Les vendeuses de colas et de beignets qui vivaient de la menue monnaie glanée journellement sur les trottoirs vont devoir rester à la maison et vivre d'eau chaude, de
"tô" et de
"monni".
Quelle urgence ?
Bon ! On me dira que l'Etat souverain du Mali a assez d'argent pour se passer des malheureux impôts et taxes issus des trottoirs. Fort bien! Mais alors, pourquoi, avant de démolir les kiosques, notre richissime Etat n'a-t-il pas commencé par goudronner les avenues, rues et ruelles de la cité ? Pourquoi les bulldozers n'ont-ils pas d'abord vidé les caniveaux qui, partout, rejettent des cadavres de poules et de rats ? Je me souviens que pour justifier sa carence dans le ramassage des ordures, la mairie de Bamako s'est dite dépourvue de bennes et d'argent pour rémunérer ses prestataires: c'est d'ailleurs pourquoi l'Etat, sans doute pour éviter une épidémie de peste, a fait appel aux services de l'entreprise marocaine
"Ozone".
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