Bamako aura son monsieur le maire central et son président du district

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Lors des journées communales du 3 Décembre 2011, un détail nous a semblé donner du sens aux propos du Président Amadou Toumani Touré qui revenait ainsi sur sa volonté de faire avancer le Mali. Qui connaît le maire central de Bamako, se disait-il ? Si c’est un commentaire qui ne paie pas en audace, de nombreux  concitoyens ignorent que notre prochain édile (si les réformes passaient) va sortir du choix des urnes et qu’avec cette élection, les Bamakois vont vivre une autre citoyenneté.

L’élection du maire central fera donc le principe de constitution du commun des Bamakois. Ainsi, c’est une autre dimension fondatrice qui commencerait pour les habitants de la « ville des trois caïmans ». Mais qu’aurions-nous à gagner dans cette élection ? Nous consacrons cet article à la commisération des experts communaux, car toute élection devient une notion politique, sociétale et économique.

La loi du 2 Mars 1966 fixe le Code municipal en République du Mali. Le Conseil municipal élu désignera alors, en son sein, un maire plus un ou plusieurs adjoints. Une 0rdonnance du 12 Juillet 1970 va créer les régions, cercles, communes et le district de Bamako. De fait, notre capitale administrative deviendra une collectivité décentralisée régie par un statut particulier et composée de 6 communes : ce que confirme une autre Ordonnance du 8 Aout 1991. Et  c’est une Loi du 11 Février 1993 qui définit les collectivités territoriales parmi lesquelles le district de Bamako.

Il y a une répartition spatiale déséquilibrée sur les 14 millions d’habitants que compterait le Mali, avec une population jeune dont les 65% ont moins de 25 ans. Il faut ajouter la pertinence du triangle Bamako-Sikasso-Ségou dont les lignes de force des populations vivant dans ces tracés vont retenir toutes les attentions.

L’élection du maire central par les suffrages populaires concerne le commun autant que le juste. Avant donc, le maire central de Bamako était élu en comité restreint, si l’on peut dire. Souvent, on se demandait même ce qu’il y avait de plus passionnant dans la vie d’un maire du district que de chercher à se garer dans le centre-ville.

C’est une bien imprudente publicité que le Président ATT lui a fait l’autre jour. Jusqu’à présent, nos maires se présentent ainsi comme des hommes à la renverse de l’Hôtel de ville, lieu de toutes les compromissions (disent les citoyens), avec des murs vétustes que l’on retapait à l’occasion, un lieu enfin condamné par notre propre histoire depuis qu’un certain Modibo Keïta y gagna le siège. On sait depuis lors jusqu’où il est monté…

Avec cette élection du maire central, ce sera une référence de la grande mesure de notre loi de décentralisation.  Le futur locataire de l’Hôtel de ville va tourner autour de a découverte de sa pesanteur. Qui a conquis Bamako croira en ses ultimes chances. Rien n’est plus noble que d’être en mesure de tenir en son pouvoir une assemblée d’hommes, de séduire les populations (comme on dit) et d’entraîner les volontés. Y aura-t-il plus admirable que ce maire élu et qui sera capable de faire tout seul ou presque ce que les Bamakois lui permettront de faire. Une chose que la nature n’a pas accordée à tous dans notre ville depuis le temps de « Bamako-Soudan-Niaré». Il faudra  donc un homme de tempérament à la « barre ». Ce maire élu, nous le pressentons, devra être d’un savoir-faire d’exception, pour tout dire un homme d’une gestion personnalisée et rassurante.

Plusieurs défis redoutables l’attendent  à l’Hôtel de ville. Il y aura d’abord cette fièvre judiciaire à installer dans nos rues et dont le manque leur font basculer l’une après l’autre. Les articles à venir le concernant devront être pesés avec de sages pensées. Qu’y a-t-il de plus puissant ou magnifique que les passions des habitants d’une ville face à la gravité d’un élu ? Mieux, y a-t-il plus princier que de garder des hommes responsables dans leurs cités ?

L’élection n’est pas une faute, c’est le résultat du vote qui peut être un blâme. Chaque pays garde son histoire propre, ses traditions, ses singularités. N’est ce pas une erreur que de dire que ce qui a réussi dans les autres grandes capitales pourra servir de référence, de précédent et d’exemple ? L’énoncé des règles n’importe pas forcément comme une conséquence de leur mise en pratique. Concernant notre démocratie, il s’agit d’un processus, et nous l’avons tous compris. Et la tension (si elle existe)  entre la rhétorique démocratique et la réalisation ne pourra se résoudre que par un acte de volonté politique.

 

La fin de ce deuxième mandat d’ATT sera marquée par de profondes mutations qui auront des implications multiformes sur les valeurs sociales, la conception du développement, les méthodes de gestion. Deux « cartes » attendent : le judiciaire et l’administratif. La problématique de l’application de ces changements va jouer sur la pertinence de notre modèle de bonne gouvernance. La nouvelle attente d’un maire central élu est une singularité, car si le suffrage universel est acquis, l’idée  de citoyenneté a besoin d’être enrichi. Bamako devenant une commune avec des arrondissements, et le maire central ne dépendant plus de la tutelle du ministère de l’administration, de qui va-t-il  relever? De ses mandants ou du seul Gouverneur représentant de l’Etat ? On garde encore à l’esprit les échanges d’amabilités entre le maire Adama Sangaré et le Gouverneur Féfé Koné à l’époque. La question de l’initiative historique due au premier des élus se posera et sera déclinée de plusieurs façons. De quelles possibilités disposeront-ils pour se réapproprier les processus de redéfinition et d’orientation conformes aux enjeux de l’heure ? Qui plus que le futur patron de la mairie centrale pourra compter sur une campagne de terrain ? Qui plus que lui peut tirer avantage selon les situations ? Les Bamakois sont-ils enfin prêts à se retrouver dans une situation d’égalité et de participation dans une communauté d’appartenance et d’activité civique ?  Avec l’élection du maire central, l’impératif de communalité sera de faire société commune, c’est-à-dire de renforcer un peu  plus le lien social qui passe par le vote.                                  

 S. KONE


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