Si les causes de la pauvreté au Mali ont une histoire, sa pérennisation est entretenue par des facteurs aussi divers que multiples. Les causes et ce qu’on considère comme des facteurs qui entretiennent les conditions de la pauvreté sont deux aspects sensiblement distincts. La manière par laquelle le combat est mené de nos jours contre ces causes en détermine la différence fondamentale.
Phil Barbie passe en peigne fin la différence qui existe entre les causes et les facteurs de la pauvreté, tout en touchant du doigt l’historique de ce drame qui se trouve être entretenu par les hommes. « Homo homini lupus », autrement dit, « l’homme est un loup pour l’homme ». « Un facteur et une cause ne sont pas tout à fait la même chose. Une cause contribue à l’apparition d’un problème tel que la pauvreté, tandis qu’un facteur contribue à nourrir et à faire perdurer ce problème après son apparition », explique Barbie. Cette distinction entre les causes et les facteurs de la pauvreté a trait au manque ou à l’insuffisance dans la satisfaction des besoins les plus élémentaires de l’homme en général et du malien en particulier. A ce sujet, Phil Barbie se fait plus tranchant : « Le colonialisme, l’esclavage, la guerre et les conquêtes sont autant de causes historiques qui ont contribué à la pauvreté à l’échelle mondiale ». Notre pays n’échappe certainement pas à ces causes aussi lointaines qu’historiques Une fois causée, la pauvreté est entretenue par des facteurs distincts dérivant des comportements malsains de l’homme lui-même, mais qui s’en plaint pourtant. A l’instar des autres pays du continent, le Mali a connu la colonisation, l’esclavage, des guerres intestines et de nombreuses conquêtes de l’intérieur comme de l’extérieur, des invasions dévastatrices, tant sur le plan démographique qu’économique. Ces causes ont engendré des plaies tout au long des siècles car la précarité qu’elles ont engendrée est entretenue par des facteurs si dangereux que la plupart des Malien se trouvent maintenant dans une grande pauvreté.
Le colonisateur avait emporté à la Métropole l’or et les matières premières du Soudan français. Par le fait de l’esclavage et de la traite négrière, beaucoup de bras valides (maliens y compris) avaient été envoyés dans les mines et plantations américaines. Le Roi de Khaso, Samory Touré, Babemba Traoré, El Hadji Omar Tall s’étaient lancées dans des conquêtes impériales et royales, provoquant ainsi d’énormes pertes matérielles et en vies humaines. De ces causes lointaines et historiques est née une pauvreté qui est devenue « un péché originel ». Puisqu’on ne peut plus retourner en arrière pour attaquer ces causes, Barbie nous conseille de nous en prendre aux facteurs qui attisent la pauvreté. « Il nous est impossible de retourner en arrière et de changer le passé. La pauvreté existe, elle a ces causes. Nos possibilités d’intervention sont orientées sur les facteurs qui entretiennent la pauvreté », fait-il savoir. Cependant, les facteurs de la pauvreté ont négligées au profit des symptômes. Evidemment, tant sur le plan national qu’international, un faible PIB (Produit intérieur brut) ne renvoie pas directement à la notion de pauvreté : en tant que problème social, il en constitue plutôt un symptôme, fait remarquer Phil Barbie avant de préciser : « Les facteurs de pauvreté, en tant que problème social, énumérés (l’ignorance, la maladie, l’apathie, la malhonnêteté et la dépendance) ne peuvent être considérées qu’en tant que conditions sur lesquelles il ne nous appartient pas de porter de jugement de valeur, quel qu’il soit. Ces conditions ne sont ni bonnes ni mauvaises. Elles font partie d’une réalité. Si l’intention de réduire et d’éliminer la pauvreté s’inscrit dans une démarche de groupe communautaire ou social, l’observation et l’identification sans jugement de valeur des dits facteurs constituent une étape primordiale dans l’action menée pour éliminer cette pauvreté ».
Si on veut éliminer la pauvreté, l’éradication des cinq « plaies » (l’ignorance, la maladie, l’apathie, la malhonnêteté et la dépendance) s’impose comme une nécessité, en commençant par les facteurs secondaires dérivant des de ces cinq vrais facteurs.
Abdoulaye Faman Coulibaly