“L’opération peut être source de blanchiment d’argent”
Dans une interview qu’il a bien voulu nous accorder, le président de la Coalition d’action citoyenne pour la défense du droit au logement (CAC-DDL), Fousseyni Mariko s’est exprimé sur l’opération de cession directe des logements sociaux initiée par l’Office malien de l’habitat (OMH).
Aujourd’hui-Mali : Pouvez-vous nous rappeler l’historique des logements sociaux ?
Fousseyni Mariko : Au sens du décret N°2015-0351/P-RM du 08 mai 2015 fixant les modalités d’attribution et de gestion des logements sociaux, les logements sociaux s’entendent comme des logements bénéficiant de la subvention de l’Etat.
Les logements sociaux sont réalisés dans le cadre d’un programme gouvernemental et visent à faciliter l’accès des couches à revenus faibles et intermédiaires au logement. Les avantages du logement social sont nombreux, car ils incluent un coût abordable (les prix des logements sont plafonnés et subventionnés), l’accès facile (le programme de logements sociaux est spécialement conçu pour les ménages à faible ou moyen revenu), la qualité de vie (les logements sont construits selon les normes en vigueur, offrant un cadre de vie décent).
L’opération de cession directe est-elle légale ?
L’opération de cession directe des logements sociaux n’est pas légale, car elle viole le décret N°2015-0351/P-RM du 08 mai 2015 fixant les modalités d’attribution et de gestion des logements sociaux.
Quelles peuvent être les conséquences sur le programme des logements sociaux ?
Les conséquences sont nombreuses et à plusieurs dimensions. D’abord sur le programme des logements sociaux, au lieu d’être un moyen visant à faciliter l’accès des couches à revenus faibles et intermédiaires au logement décent, le programme des logements sociaux risque de devenir la chose des riches. Sur les acquéreurs, vu le coût élevé des mensualités, les acquéreurs risquent de perdre leur logement suite à l’impossibilité de payer régulièrement les mensualités. Sur l’OMH, l’office risque de voir le nombre de mauvais payeurs augmenter suite au coût élevé des mensualités. Sur l’Etat, l’augmentation de l’insécurité par le fait de l’inoccupation de nombreux logements car les acquéreurs de la cession directe ne sont pas dans le besoin le plus souvent. L’opération peut, entre autres, augmenter le taux de corruption, car tout le monde veut avoir un logement décent et surtout sécurisé, être source de blanchiment d’argent car cette cession directe est un moyen pour certaines d’acheter plusieurs logements dans le cadre d’un programme gouvernemental, mettre en danger des habitants par le fait des modifications anarchiques des logements sociaux en violation des règles et des normes de l’urbanisme.
Quelles sont les motivations réelles de cette décision ?
Selon ce que nous avons lu dans les médias ù, l’opération de cession directe des logements sociaux est faite dans le but de renforcer les capacités financières de l’Office Malien de l’Habitat en vue de faire face à ses engagements.
Quelles sont les raisons qui nous ont amenés à cette situation ?
Depuis plusieurs années, l’OMH a des difficultés pour recouvrer la totalité des mensualités des bénéficiaires des logements sociaux. De nos jours, certains bénéficiaires des logements sociaux sont à soixante-six mois d’impayés. A cela, il faut ajouter les irrégularités administratives et financières développées dans le rapport de décembre 2019 du Bureau du Vérificateur Général sur la gestion de l’Office malien de l’habitat.
Peut-on envisager une solution alternative à cette opération ?
Les solutions sont multiples notamment : l’OMH doit appliquer les articles 24 et 25 du décret et le contenu du contrat location-vente des logements sociaux. Il y a lieu de revoir le contenu des conventions signées par l’OMH en 2015 en ce qui concerne le programme des 12 566 logements et faire l’expertise de types de logements pour l’évaluation des prix et aussi la fixation des prix des logements.
Réalisée par Boubacar PAÏTAO