Lettre à mon oncle Bass,

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Cher oncle,

Bonjour !

Toutes mes excuses cher oncle pour n’avoir pu, la semaine dernière, t’écrire.

Mais, puisque, à présent c’est le cas, tu ne dois point t’inquiéter. Les  morts n’écrivent pas.

Aussi, au nom de toute la troupe familiale, je te remercie, du fond de l’estomac, pour les 20 kg de mil, ainsi que les 5 000 Fcfa que tu viens de nous envoyer.

Ce colis et les sous tombent vraiment au bon moment car le mois béni du Ramadan étant clos depuis quelques jours, il n’y a plus, ni de viande, ni de bouffe, ni de Zakat à distribuer dans les mosquées.

Désormais donc, tous, nous les maliens d’en bas faisons nos prières à la maison. Dieu est partout ! Walahi, bilahi, je jure !

Mais, point d’illusions à se faire : le carême est loin d’être fini pour nous autres, les “en dessous”, l’écrasante majorité des Maliens.

A jeun, nous sommes, du 1er janvier au 31 décembre de chaque année.

Même si, nous avons au moins, cette consolation (qui n’est rien, mais qui vaut mieux que rien) de nous réveiller tous les matins, sans devoir nous prosterner devant aucun mortel ici-bas, ni craindre de nous voir retirer des privilèges.

Privilèges dis-je ? Allah Akbar ! Nous autres, les petits et les faibles n’en avons qu’un seul, mais, le meilleur ; celui d’être encore sur terre et non “sous terre”.

Cependant, “il faut le dire, c’est normal”, personne ne peut s’habituer à vivre dans la pauvreté et la désolation.

J’espère donc, que tu te portes très bien et que ton dos de docker est toujours apte à tenir sous le poids des charges au port de Dakar.

Walahi oncle Bass, il faut que tu tiennes encore, car ici dans la famille à Fantambougou, personne n’a encore… percé.

Des 53 membres de la troupe familiale, aucun n’est encore à même de contribuer au fonctionnement de la marmite.

Alors, sans toi (et bien sûr Dieu), nous serons tous cuits.

C’est vrai que pour ma part, je continue de me battre et de me débattre, mais, toi-même tu sais, le Mali d’aujourd’hui est une véritable jungle où, les plus puissants ne laissent aucune chance aux plus faibles.

Mais, je garde comme un sacerdoce cette pensée de Vigny : « gémir, pleurer, prier est également lâche, fait énergiquement ta longue et lourde tâche, dans la voie ou le sort a voulu t’appeler, puis, après, comme moi, souffre et meurt sans parler ».

Seulement, dans mon cas, je parlerai. Car ma langue est un bien précieux et tant que les cordes qui l’animent fonctionneraient (j’espère jusqu’à l’ultime soupir), j’en ferai usage et feu de tout bois.

Même si, ces moutons de la République, ces vampires de la pire espèce, ces cannibales qui volent et pillent impunément les biens communs à tous, sont si fiers (parce que sans vergogne) qu’ils ne souffrent point de nos (nous d’en dessous) regards de mépris.

Parce que, entre la dignité et les biens mal acquis, ils ont choisi ces derniers. Honte à eux !

Ton petit Ablo, cher Bass, colporteur de tristes nouvelles ?

Je ne t’en voudrais point de me juger ainsi, mais, je ne dis que la vérité.

Revenant à la famille à Fantambougou-Bamako, nous disons, non seulement « Aleïkoum Assalam », mais aussi, « Alhamdoulilahi ».

Toutes mes excuses pour ne pas te traduire tous ces termes, mais, toi-même tu sais, comme ça, je les ai appris et comme ça, je les rends ou les garde.

Sur un tout autre plan, je t’informe tonton, que la République et les représentants de 6 groupes armés des régions nord du pays ont signé il y a quelques jours à Alger, une feuille de route avec comme objectifs de créer un cadre propice pour de véritables négociations de paix. Toutefois, au cours de la rencontre, les questions de fond n’ont pas été abordées. Il parait qu’elles le seront au cours d’un autre rendez-vous prévu pour le 17 août prochain. Il n’y a donc, plus qu’à attendre et prier pour que nos frères égarés du MNLA et autres acceptent de renoncer à leur dessein fantaisiste et illusionniste qu’est de créer un Etat dit Azawad. Walahi, bilahi, je jure, le Mali est et restera indivisible !

Autre événement dans la République, c’est la célébration la semaine dernière de la journée dite Panafricaine des femmes. A l’occasion, un thème était à l’ordre du jour :“Rôle des femmes dans l’Education, les sciences et les nouvelles technologies en vue d’une renaissance Africaine”.

Au cours de la cérémonie pour célébrer ladite journée, tout et n’importe quoi a été dit. Mais, en réalité mon pauvre Bass, le rôle de la femme au Mali (en ce qui concerne l’écrasante majorité) restera pendant très longtemps, celui de faire des enfants, de mettre la marmite sur le feu, de travailler très dur dans les champs et de se faire bastonner quand elles déraillent ou même pour… rien. Je le dis pian ! Parce que, c’est ça qui est ça !

Enfin, pour terminer cette lettre, (une fois n’est pas coutume) je ne t’inviterais point à plonger dans le marigot politique malien, qui est d’ailleurs actuellement dormant. Plutôt, je t’informe qu’à Fantambougou-Bamako, nous avons arrêté de bouffer les rats. Cela, à cause de cette maladie dite Ebola (Dieu merci, elle n’est pas encore là au Mali), ce laisser-passer authentique pour “Lahara” et qui, actuellement fait des ravages dans des pays frontaliers avec le nôtre.

Que Dieu sauve les “certaines choses” des nageurs. Amen !

A lundi prochain Inchallah !

Par ton petit Ablo ! 

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