Cher oncle,
Bonjour !
J’ai bien reçu ta dernière lettre et te remercie pour les mots d’encouragement et de consolation. Mais, les bonnes paroles, l’espoir du lendemain, ne sont qu’opium grâce auquel les désespérés et les malheureux gardent le moral et se trouvent une raison de ne pas avoir recours au suicide.
En somme, il faut vivre d’illusions et de rêves pour tenir sur cette terre de misère. Mais, Walahi, Bilahi, moi, j’en ai jusque-là…
Une petite bonne nouvelle tout de même, dans la famille à Fantambougou. Grâce à l’intervention d’un guérisseur traditionnel, grand-mère s’est remise de sa fracture à la jambe. Quant à l’âne du voisin qui est à l’origine de cette histoire, je n’ai pu m’empêcher de lui casser une patte à l’aide d’un coupe-coupe.
Le propriétaire de l’animal m’a convoqué au commissariat, mais l’affaire n’ira nulle part car tout le monde en a marre ici à Fantambougou Bamako de ces chiens, ânes et autres bêtes qui errent dans nos rues.
Mauvaise nouvelle : nous venons d’accueillir 12 bouches qui nous reviennent d’Algérie via le Niger. Les envahisseurs pardon, les malheureux chassés de l’Algérie sont là, les mains vides et affamés comme des chèvres de Nara. Cependant, même si là-bas chez nos frères algériens, ils ont été malmenés, tabassés et traités comme des animaux, ils conservent tout de même la…vie. Et, c’est ça l’essentiel.
A présent, à la maison, nous avons donc mon pauvre Bass, une troupe à même de constituer 3 équipes de football. Allah Akbar !
Quand, je pense qu’avant même l’arrivée de ces envahisseurs, nous ne posions la marmite sur le feu, qu’une fois tous les 3 jours.
Mais, que veux-tu tonton ?
Dans ce pays-là, le talent du pauvre, ne lui vaut que pour survivre. Aucune chance d’aller plus loin car, les plus nantis ayant pris d’assaut tous les secteurs. Ainsi, actuellement, derrière un boucher, un koroborotoutigui, un vendeur de poules, un pousse-pousse, un tisserand, un vendeur de charbon, de bois (et la liste est très longue) se trouve toujours un Malien d’en haut qui ramasse les dividendes.
Comment donc, peut-on espérer un jour, voir nous autres les maliens d’en bas prospérer, lorsque, nous ne constituons qu’une force de travail impitoyablement exploitée par les plus puissants ? Allah Akbar !
D’ailleurs, puisque, tu envisages de venir pour quelques jours à Fantambougou – Bamako, tu te rendras compte de cette arrogante et inadmissible réalité au Mali.
Certes, tu verras, des routes luxueuses, des véhicules des plus sophistiqués, des châteaux et villas dorés, appartenant aux anciens et nouveaux riches.
Tu verras aussi d’anciens quartiers de pauvres, complètement effacés et remplacés par des appartements au luxe insolent. Mais, point d’illusions.
Tout ce que tu avais laissé ici (les hangars, poulaillers humains, immondices, déchets plastiques (et humains), crève-la-faim, malades mentaux errants) est toujours là, rejeté un peu plus loin de toutes ces modernités, de ce Paradis dont ne jouissent que quelques Maliens d’en haut. Inadilahi !
Heureusement que nous les Maliens par terre croyons en Dieu, en la fatalité, au destin et surtout en une vie meilleure au moins à… Lahara. Sinon, walahi, bilahi, je jure cher oncle, ça va chauffer et même saigner. Mais… passons du côté de la République.
Ici, mon pauvre Bass, c’est le dernier rapport du bureau du Vérificateur général qui fait couler des salives et des larmes.
Et pour cause. Du document qui ne concerne que seulement 23 structures (sur 500) contrôlées, il ressort que plus de 70 milliards de nos francs ont été ‘’cadavérés’’ par les voleurs de la République.
Qu’à cela ne tienne, les crocodiles et les vampires qui ont dépouillé le Trésor public ne seront point inquiétés. Je le dis pian ! Parce que, c’est ça qui est ça !
Toujours concernant la République, elle a été paralysée il ya quelques jours par une grève de 72 heures qu’a observée ce machin de plus : le syndicat National des Travailleurs de l’Administration. Et, la Pintade, pardon le SYNTADE, de remettre ça cette semaine.
Pourquoi ?
Il exige purement et simplement du gouvernement à renoncer à appliquer une certaine loi contre l’enrichissement illicite et qui, pour eux, est discriminatoire. Mais, toton, quand on n‘est pas un voleur, pourquoi doit-on s’agiter lorsqu’il est envisagé de traquer les voleurs ?
Walhi, bilahi, je jure, je ne comprends rien dans cette histoire. S’en fout d’ailleurs !
Enfin tonton, il y a tellement de choses à te dire, à propos de l’insécurité dans notre pays, du marigot politique et tant d’autres. Mais… patience. La semaine prochaine, je te dirai tout.
Inchallah !
Par ton petit Ablo.