Lettre à mon oncle Bass : Cher oncle,

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Bonjour !

J’ai bien reçu ta dernière lettre ainsi que le gris-gris sénégalais dont tu me demandes de prendre grand soin.

Merci aussi pour les sages conseils que tu me prodigues. Mais, pour le gris-gris, tu aurais pu t’en dispenser. Ce n’est pas mon genre.

De plus, ces machins, nous les avons ici aussi au Mali. Et pour ma part, je sais ce que valent ces… choses : RIEN !

Walahi, bilahi, je jure tonton !

Je ne crois plus en aucun gris-gris. Je le dis pian !

Ma foi en Allahou Soubahanatahou me suffit (jusqu’à ce jour en tout cas) et c’est grâce à cette foi sacrée que je n’ai jusqu’ici pas cédé à la tentation de me suicider. Même si, en réalité, j’y pense très souvent.

Le suicide d’ailleurs oncle Bass est la chose des vivants. Or, moi ton petit Ablo, avec les poches trouées, sans emploi, sans la moindre espérance (en dehors de celle que me procure ma foi), je suis mort depuis fort longtemps.

Concernant la troupe familiale, elle est, (grâce à Dieu), au grand complet. Quarante-neuf bouches, bien comptées ! Hélas, (pardon), heureusement, tout le monde est là. Allah Akbar !

Seulement, nous dormons tous sous le gros manguier de la cour de la concession ‘’fourmilière’’, car un petit vent (accompagné d’une petite pluie), il y a quelques jours a complètement décapité le toît.

Nous comptons donc sur ta générosité habituelle, pour faire face à la catastrophe.

Je sais tonton Bass, que c’est dur pour toi aussi à Dakar car le métier de docker est très ‘’cailloux’’. Surtout avec…l’âge.

Bonne nouvelle par ailleurs, quand tu nous annonces que tu viendras pour quelques jours à Fantambougou Bamako, dès que la frontière entre le Sénégal et le Mali sera ouverte.

Tu as bien raison de vouloir regagner notre Mali pour te ressourcer puisque, comme le dit grand-mère, pour savoir où on va, il faut d’abord se souvenir d’où on vient. Merci, cher Bass. Nous t’attendons adorable tonton, les ventres, pardon… les bras ouverts. Surtout que, (en plus) tu ne reviens jamais de Dakar les mains… vides.

A présent, la République.

Ici ou plutôt là-bas (nous autres les Maliens d’en bas sommes de la Rue-publique), rien ne va. Et pour cause, mon pauvre tonton, c’est l’angoisse et la peur qui règnent actuellement dans le pays et dans le monde naturellement. Mais, à Fantambougou, ils sont nombreux à ne pas croire à l’existence du tristement célèbre Corona-Virus.

En effet mon pauvre Bass, à fantambougou, on se salue, main dans la main et le lavage des mains ne s’effectue qu’avant et après les repas. Ils se trompent cruellement, les Fantambougouniens.

Cette implacable maladie est bien là parmi nous et assassine chaque jour ceux qui passent sur son maudit chemin. Walahi, bilahi, je jure !

Sur un tout autre plan, je t’informe que l’école malienne a ouvert ses portes la semaine dernière. Pour seulement les élèves en classes d’examen. Pauvres cancres ! Je me demande bien, avec quel bagage ils pourront sereinement faire face (en deux petits mois) à leurs examens.

 A propos, Fatou et N’golo, (dont tu te préoccupes tant) sont tous allés à l’école. Fatou pour la 9ème année et N’Golo pour la 12ème.

Les pauvres ! Qu’ils réussissent ou pas, qu’ils terminent ou pas l’université, ils n’auront rien d’autre à faire après, que de grossir le lot déjà très impressionnant des diplômes chômeurs.

A moins qu’ils ne choisissent (avant ou après) l’incertain et surtout mortel et incertain chemin de l’Europe ou d’ailleurs.

Que Dieu bénisse le Mali ! Amen.

A lundi prochain Inchalla.

Par ton petit Ablo.

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