Lettre à la jeunesse : Jeune du Mali, bat-toi corps et âme pour libérer ton pays

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Jeune, tu dois te battre pour défendre tes intérêts et tes valeurs. Que valent ta jeunesse, ton dynamisme, tes diplômes si, au bout du compte, tu ne peux vivre sur une terre d’espérance, de justice et de progrès ? Si je m’adresse à toi aujourd’hui, c’est parce que je sais que tu as suffisamment de ressources et de ressorts pour amener le changement. Tes parents ne l’ont-ils pas fait en 1991 ? N’ont-ils pas bravé les chars et les fusils, la promesse d’une couronne d’enfer sur leur tête, eux qui rêvaient de liberté, de parole et d’esprit, eux qui voulaient une nette amélioration des conditions de vie, eux qui souhaitaient ardemment le pluralisme ?

Alors, pour les enfants, hommes et femmes du Mali qui sont tombés sous les balles, pour tous les courageux soldats téméraires de la démocratie, pour que leur mort ne soit pas vaine, tu dois continuer à défendre tes droits et cette démocratie acquise au prix du sang.

Toi, l’enfant de la démocratie, témoin innocent des malheurs de la dictature, de la violence brutale, de la confiscation des libertés, tu dois te lever immédiatement pour débarrasser ta patrie de la haine et de la manipulation. Il te faudra te méfier des anarchistes, des politiciens qui ont tout cautionné dans le passé et qui aujourd’hui s’affichent en messie, des directeurs de conscience et des marchands de rêves qui te promettent monts et merveilles. Il faudra te méfier des vautours qui, les larmes aux yeux, prêchent une moralité et une honnêteté sans faille alors qu’ils sont les premiers, la nuit tombée, à comploter contre leur peuple, à pactiser avec le diable et à mener une vie indigne de qui respecte le genre humain, la cellule familiale et la patrie.

Ne vend pas ton âme au diable. Ne la vend pas au trafiquant, prompt à acheter ta conscience, ta liberté, tes actions. Car il croit que tout s’achète dans la vie : le meurtre d’un président, la dislocation d’une armée, un emploi, un marché public, un poste ministériel, un gouvernement, une élection présidentielle… Ce sont là les bases d’une société corrompue. Or, toi, jeune, tu es doté d’un esprit de justice. C’est le socle de notre culture. C’est un don de nos ancêtres. Est-il utile de te rappeler que tu es le fier descendant de braves guerriers : Sunjata, Sonni Ali Ber, Biton Coulibaly, Samory Touré… ?

N’oublie pas non plus que tu es Malien, mais avant tout Africain. Avec l’Afrique, tu partages le terrible poids de l’esclavage, de la traite des Noirs, de la colonisation. L’Afrique, c’est aussi la vision des pères fondateurs qui ont œuvré pour l’indépendance et l’unité. Mais ta réalité, c’est surtout l’Afrique contemporaine, celle de millions de Noirs qui courent désespérément et ce à n’importe quel prix, y compris celui de leur vie, vers l’Occident car ils n’ont ni débouchés ni perspectives ici. C’est aussi des millions d’Africains, là-bas, trimant tels des forçats pour garantir un pouvoir d’achat à la famille restée au pays. Hélas, l’Afrique d’aujourd’hui, ce sont ses déchirures, ses guerres sans fin comme dans le Nord du Mali avec son lot de morts, de déplacés, de violences, de lieux saints saccagés…

Cher frère, chère sœur, toutes ces raisons ne doivent-elles pas te faire dresser la tête ? Citoyen, tu te battras pour libérer le pays, tu n’auras de parti que celui de l’intérêt général. Oui, lève-toi et bat-toi ! Car ton esprit n’est pas souillé par la corruption ni imbibé d’animosité. Vas-y, camarade ! Parle haut et fort car tu ne crains personne ; car nous serons des milliers derrière toi ; car la fraternité militante est une maladie contagieuse !

Jeune de Bamako, de Gao, de Tombouctou, de Kidal, de Kayes, de Koulikoro, de Ségou, de Sikasso, de Mopti, toi qui te sens laissé pour compte, abandonné au bas de la route, tu n’as pas le droit de te résigner. C’est fatal ! Montre aux dirigeants et à tous ces politiciens perdus dans des déclarations creuses qu’ils ne peuvent hypothéquer ton avenir. Toi et ceux de ta génération êtes la force vitale de ce pays, de par votre nombre. Que les anciens comprennent que désormais vous voulez prendre toute votre place au sein des sphères politiques, militaires, économiques, sociales, culturelles…

Vive les valeurs républicaines !

Vive les droits de l’homme !

Vive la jeunesse africaine !

Birama KONARE

Écrivain, Activiste.

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