C’est pour moi aujourd’hui un grand honneur en même temps qu’un immense plaisir de vous adresser cette lettre pour vous parler de choses qui concernent nos deux pays.
Autant j’ai été prompt à réagir chaque fois qu’il a été porté atteinte à l’honneur, à la dignité et aux intérêts du peuple Malien, autant je me sens aujourd’hui moralement obligé de le faire pour vous féliciter et vous remercier d’avoir eu le courage d’intervenir pour porter secours à mon pays. Inutile à mon avis, de revenir sur les circonstances de l’agression du Mali par des groupes terroristes. Vous en êtes sans doute mieux informé que moi. L’important ici est la promptitude et le caractère décisif de votre engagement. Votre action, à mon humble avis portera de nombreux fruits :
– Elle permettra de préserver l’intégrité, l’indépendance, la liberté et la quiétude du peuple Malien et par delà, celles des Etats du Sahel et de l’Afrique toute entière.
– Elle assurera la sécurité et la quiétude des peuples occidentaux et du monde entier ;
– Elle servira à réparer quelque peu l’immense gâchis provoqué par la désastreuse affaire de Libye qui a engendré l’hydre terroriste actuel et considérablement compliqué les relations et le dialogue entre les peuples face à certains défis comme le conflit Syrien et l’affaire de l’Iran.
– Et pour finir, elle servira à redonner confiance aux peuples épris de liberté, de justice, de paix et donc à faire triompher ces idéaux face à l’obscurantisme des extrémismes religieux.. Les terroristes doublés de narco trafiquants n’ont jamais caché leurs visions hégémonistes mondiales. Merci pour ce geste inestimable qui a sans doute sauvé mon peuple d’un danger mortel..
Je parle bien sûr en mon nom propre, mais je le fais aussi au nom de ma famille et des millions de Maliens qui, à travers le pays, ont manifesté leur reconnaissance à la France en faisant flotter au- dessus de leurs engins et maisons ainsi qu’au coin des rues, des drapeaux ‘’bleu-blanc-rouge’’ à côté du drapeau Malien. Le peuple dans son immense majorité salue votre geste qui l’a sans aucun doute sauvé des risques d’un asservissement moyenâgeux et des ténèbres de l’obscurantisme extrémiste. Ceux qui, comme Mohamed Morsi disent le contraire n’ont pas vécu les nuits de terreur, d’angoisse sans nom ni les journées d’incertitude des femmes, des enfants et des chefs de familles du Mali face à l’avancée et la barbarie des terroristes. Où était Morsi, qu’a t-il dit ou fait lorsque des mains et des pieds ont été coupés et que des sites historiques et culturels du Mali ont été détruits ? Le nouveau Raïs ferait mieux de s’occuper convenablement de ses concitoyens déçus de la Place Tahrir.
Monsieur Hollande, pour vous permettre de mieux comprendre mon état d’âme passé et actuel, permettez-moi de vous raconter cette petite anecdote significative :
Un jour de Mai de 1959, alors que je n’avais que 10 ans, je revins éreinté, de l’école située à 2km de ma demeure. Je trouvai ma mère occupée à filer du coton en chantant doucement. De grosses larmes silencieuses coulaient doucement de ses yeux et tombaient sur sa camisole. Tout bouleversé, e m’assis tout près d’ elle et lui demandai ce qui la faisait pleurer ainsi. Elle me raconta ce qui suit et qui restera à jamais gravé dans la mémoire de l’enfant que j’étais :
– « Madou, sais-tu pourquoi je t’appelle parfois Zankè ? Eh bien ! Zankè est le nom de mon père que je n’ai jamais connu. Ma mère m’a raconté que les ‘’Toubabs’’ l’ont emmené de force un jour, pour aller faire la guerre aux Allemands alors que je n’avais encore que quelques mois.. Il n’est plus jamais revenu. Mais son ami Amadou Sall qui s’en est sorti, a raconté à son retour, que Zankè est mort au combat dans un endroit appelé Bèrèti. Ma mère ne l’a jamais cru. Elle n’a jamais voulu se remarier. Elle l’a attendu jusqu’à sa mort. C’est pour cela que je n’ai eu ni frère, ni sœur ; Je suis restée seule au monde durant toute mon enfance. Parfois, mon esprit m’emmène loin et je pleure sans le savoir. »
Monsieur Hollande, voilà pourquoi ma mère reportait sur moi son amour paternel jamais assouvi, en m’appelant tendrement Zankè, chaque fois que notre intimité le lui permettait. Voilà donc la terrible histoire qui a hanté toute mon enfance. Voilà je crois, toute la raison de ma défiance envers la France Je ne sais comment les psychologues définissent ce phénomène. Je n’ai encore jamais raconté cette histoire à quelqu’un d’autre. Souffrez, je vous prie, que je vous la raconte aujourd’hui pour soulager une fois pour toutes mon subconscient affectif. Comme on le dit ici, ce ressentiment, ‘’ Je l’ai têté par le sein’’. Voilà comment naissent certains sentiments que le commun des mortels a du mal à bien cerner, à comprendre, et qui cependant, persistent de génération en génération, semant entre les peuples le venin de la haine, de la méfiance, de la vengeance.
Aujourd’hui Monsieur Hollande, à cause du sang versé du Lieutenant Damien Boîteux pour la défense de mon pays, à cause de la promptitude de votre intervention, de la force de votre engagement pour le Mali, Je pardonne à la France d’avoir fait pleurer ma mère alors que je n’avais aucune possibilité de la défendre, ou de sécher ses larmes. La roue de l’histoire tourne et quelle que soit l’issue de cette guerre dans laquelle vous avez engagé la France, Damien aura par son sacrifice, complètement éteint en moi le ressentiment impuissant d’une injustice. Ce ressentiment, j’ai souvent eu à l’exprimé en d’autres circonstances Vous en trouverez traces dans des lettres que j’ai adressées à Nicolas Sarkozy en 2007 puis en 2012, ainsi que dans mon ouvrage : ‘’Les Soupirs du Baobab’’ que j’ai fait publier aux Editions L’Harmattan en 2009.
Par delà les océans, le sacrifice pour la liberté de Zankè du Mali et de Damien Boîteux de France doit sceller entre nos deux peuples un pacte sacré d’amitié, de fraternité et de solidarité sincères qui vole plus haut que ces mots qui les désignent, Sentiments et engagements qui devront désormais inspirer et conditionner toutes nos actions futures pour l’instauration patiente d’un monde d’Amour basé sur le respect mutuel . Les deux peuples devront désormais arréter de ressasser indéfiniment les vieilles rancoeurs accumulées pour regarder ensemble dans la même direction, celle de la liberté, de la paix, de la justice et du développement. Sous ma plume, Monsieur Hollande, la Famille de Zankè s’engage résolument à œuvrer chaque jour pour le renforcement des liens d’amitié, de concorde et de collaboration mutuellement avantageuse entre nos deux peuples. J’y consacrerai personnellement le restant de mes jours. Transmettez, je vous prie à la famille de Damien et à tout le peuple Français, les sincères condoléances de celle de Zankè, ainsi que nos remerciements et notre reconnaissance pour ce qu’il a fait pour le Mali notre pays.
Vive le Mali et la France dans un monde débarrassé de l’oppression et des guerres absurdes !
Mamadou Dramane Traoré
Enseignant à la retraite
Tél : (00223) 76025770
Email mamadoudt@yahoo.fr
Belle leçon de tolérance et très bien racontée en plus.
Chapeau Petit Traoré.
Mes condoléances pour les acteurs défunts (La Maman, Zanké, Damiens).
Mes respects.
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