La Convention de Réflexion et d’Action pour le Mali (COREAM) au Premier Ministre Cheick Modibo DIARRA: Lettre ouverte A Monsieur le Premier Ministre de la Transition

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Cheick Modibo Diarra, Premier ministre malien

Monsieur le Premier Ministre !

Cette lettre ouverte est ce que devait être notre contribution à la Convention Nationale qui a tourné court et failli entraîner notre peuple dans une aventure à l’issue incertaine. Je vous la livre en même temps qu’au peuple malien pour constater et proposer. La position de mon Parti la Convention de Réflexion et d’Action pour le Mali dite COREAM est sans équivoque à propos de ce que devait être la Convention Nationale. Nous pensons qu’elle devait être une tribune et non un tribunal. Elle ne pouvait pas être un tribunal pour juger et condamner je ne sais quelle classe politique coupable de je ne sais quelle crime. Dans l’entendement de mon Parti, la Convention ne pouvait être réduite à désigner uniquement le Président de la Transition. Bien au-delà, elle devait être, disais-je, cette grande tribune qui aurait pu nous permettre de poursuivre et de parachever la réflexion engagée depuis quelques temps par différentes couches sociopolitiques de notre pays pour trouver des solutions ou en ébaucher pour les   multiples crises qui nous assaillent et les problèmes politiques préexistants. Ce qui devait être une opportunité pour réunir tous les fils du pays autour d’une cause nationale a failli la faire basculer dans… je n’ose pas le dire. Bref !

Aujourd’hui, un constat s’impose : l’échec d’une classe politique incapable de s’élever et de gérer quelques contingences. Les uns soucieux des privilèges à sauvegarder, les autres dans le ‘’ôte-toi de là que je m’y mette’’, nous avons, tous autant que nous sommes, davantage contribué à écarteler un Mali déjà couché que de tenter de le relever. Il est temps qu’on sorte de Machiavel, dans les deux camps et dans les deux sens : que tous les moyens cessent d’être bons pour arriver à ses fins politiques, la conquête du pouvoir ; que l’on cesse de voir le mal d’un seul côté et l’angélisme de l’autre. Il est temps que chacun se remette en cause. Entre deux ou plusieurs parties, la position de mon parti a souvent été de jouer à l’amiable compositeur. Nous avons presque toujours marché ou regardé vers le centre ; non pas le Centre des idéologies, mais celui de l’équilibre sans qu’il soit besoin de faire l’équilibriste, le funambule.

Monsieur le Premier Ministre ! Notre pays est à terre. Il nous faut le relever. Pour cela, il nous faut taire les querelles politiciennes. C’est pour nous une question de responsabilité patriotique. En attendant, pour nous consoler quelque peu, je rappelle que les grandes nations, avant d’amorcer un développement durable, ont presque toujours été en proie à de grands traumatismes du genre de ce que nous vivons aujourd’hui. Espérons que ce sera aussi le cas pour notre chère patrie ! Que demain, un demain le plus proche possible, lorsque nos troupes paraderont dans les villes reconquises de notre septentrion, nous pourrons dire ce jour-là ce que le Général de Gaulle a dit en entrant dans Paris après la victoire des alliés sur l’Allemagne nazi : Paris meurtrie, Paris outragée, Paris martyrisée, Paris humiliée, mais Paris libérée. Nous dirons plutôt, en chœur et les cœurs vibrant à l’unisson : Mali meurtri, Mali outragé, Mali martyrisé, Mali humilié, mais Mali libéré.

Monsieur le Premier Ministre ! Voici une radioscopie en trois temps de notre nation.

Radioscopie en 3 temps de l’état de la nation malienne :

Hier (A), aujourd’hui (B), demain (C)

A-     Hier

En parlant d’hier, il s’agit d’un passé récent de notre pays. C’est le ‘’hier’’ du Président ATT. Son régime a laissé glisser notre pays sur une pente tellement raide que son redressement nous paraît un travail d’Hercule. Tout ou presque tout est en recul ou stagne, dans le meilleur des cas. Mais, puisqu’il ne s’agit pas non plus de tout censurer, un petit satisfecit pourrait être accordé en matière d’infrastructures ou, il faut le reconnaître, un certain effort a été accompli. En dehors de ça, on ne peut rien montrer du doigt. De l’Education à l’Agriculture, de la Défense (à plus forte raison) à l’Emploi, de l’Economie au Social, des Finances à la Corruption (nous sommes bien obligés de faire de la corruption un secteur à part, à traiter bien entendu), du Tourisme à l’Environnement, de l’ (in) Justice à la Diplomatie, de ceci à cela, partout, le constat est amer, l’échec est patent. La rébellion qui s’est activée le 17 janvier 2012 est la résultante de cet échec général.

Nous ne sommes pas dans le procès. Nous l’avons dit, notre pays a besoin de tribunes du haut desquelles les maliens se regarderont, se parleront et non de tribunaux. Mais, pour réussir une bonne transition entre hier et aujourd’hui, il nous faut tout de même dresser un petit bilan du passé !

B-    Aujourd’hui

Ce qui s’est passé le 22 mars 2012, c’était la colère, l’exaspération, l’exutoire, la rage de voir la débâcle d’une armée qui a toujours fait la fierté de son peuple. Ce jour-là, on a entendu toutes sortes de slogans. Certains disaient des uns : « pendons-les haut et court » ! Les uns disaient des autres : «massacrons-les ! C’est l’occasion ou jamais » ! Mais avant cela, Paul Valéry disait déjà : «un Etat est d’autant plus fort qu’il peut conserver en lui ce qui vit et agit contre lui.» Le sage de l’Afrique, Houphouët Boigny lui aussi disait que « lorsqu’on se blesse avec son couteau, on ne le jette pas ; on le nettoie de son sang et on le range dans son fourreau. » Quoi ! Des maliens envisager d’attenter à la vie d’autres maliens ?     

A notre sens, une seule et même cause a occasionné la crise politique actuelle  et permis la rébellion du nord de prospérer : c’est le déficit de démocratie. Il y a une monopolisation de fait de la scène politique par une poignée de partis sur les cent et quelques que compte notre pays. Dans cette volonté d’accaparement, la tendance a été de faire croire que seuls quatre ou cinq partis sont représentatifs de l’ensemble de l’opinion.  Ne nous y trompons pas ! Il n’y a pas dans ce pays de grands et de petits partis. Un parti en vaut un autre. Par contre il y a, d’une part, des vieux partis dont les dirigeants sont  souvent saturés par le grand âge, la longueur du parcours politique, l’âpreté des combats menés, le tarissement des idées et, d’autre part, de jeunes partis aux idées nouvelles et dont les leaders sont plein de vigueur et d’ambition pour le Mali. S’il y a des grands et petits partis, ce n’est certainement pas au nombre de véhicules 4×4 ou des milliards dont certains disposent qu’on doit le juger. C’est à la pertinence des idées, à la générosité des projets de société qu’on doit le jauger. La démocratie malienne est épuisée, essoufflée. Pour lui permettre de retrouver son second souffle, nous avons un certain nombre de propositions qui n’ont pas la prétention d’être la panacée mais qui pourraient, tout bien peser, constituer un début de solution.

Il nous faudrait, pour cela, répondre préalablement au questionnement suivant :

–       Comment faire pour reconquérir rapidement les territoires occupés dans le septentrion ?

–       Comment faire retomber, sans heurts majeurs, le soufflé monté si haut dans le ciel politique malien ?

–       Comment réussir des élections justes et transparentes après la reconquête du nord et une transition apaisée ?

–       Que pouvons-nous faire pour permettre aux acteurs du 22 mars de regagner les casernes avec leurs troupes le front haut et l’allure martiale ? La loi d’amnistie votée il y a quelques temps constitue déjà un début de réponse à cela.

C-    Demain

 

En disant demain, nous pensons vraiment à un demain qui commence dès demain juin 2012. Que pourrions-nous bien faire demain pour relancer notre pays? On pourrait déjà œuvrer à faire en sorte de remettre notre démocratie en selle, favoriser le renouvellement de la classe politique malienne, corriger certaines ‘’injustices légalisées’’ comme par exemple la mauvaise répartition du financement public accordé par l’Etat aux partis politiques, donner de la réalité à l’indépendance de notre Parlement, de notre Magistrature et de notre Presse ; il nous faut également faire en sorte que force revienne à la politique, que la politique reprenne simplement ses droits.

 

1-     La remise en selle de la démocratie malienne.

La démocratie malienne s’était novée depuis longtemps en une sorte de dictature libérale. C’était le contraire de la bouse de vache : molle dehors, dure dedans. Elle était en panne du fait de celui-là même qui, s’il avait su s’y prendre, aurait pu se targuer d’en être le père. Il était sans doute dans l’ivresse de la logique dans laquelle se trouve souvent le maître d’œuvre qui ne veut pas que le bel ouvrage lui survive. Après moi le déluge, tiens ! Notre démocratie, si souvent citée en exemple sous d’autres cieux, était en fait taillée sur mesure, pour un homme, pour un ou quelques partis. Le système électoral, disons le mot sans tabou désormais, le fichier électoral actuel, ne permettait en aucune façon une alternance dans les règles de l’art de la démocratie. C’est le plus fortuné qui était (qui est) en situation de gagner le scrutin.

La démocratie malienne était surfaite. C’était une image, une photographie dont l’ancien régime ne montrait à l’étranger que le cliché, mais jamais l’épreuve. Par définition, la démocratie qui est le gouvernement du peuple par le peuple, a toujours supposé la satisfaction de quatre (4) conditions cumulatives : l’existence préalable du multipartisme, l’indépendance du Parlement, l’indépendance de la Magistrature, l’indépendance de la Presse.

Seule la première condition était satisfaite chez nous au Mali, c’est-à-dire le multipartisme. Le Parlement, avec sa majorité mécanique au service d’un clan et non d’une nation, n’était qu’une chambre d’enregistrement, une caisse de résonnance. La Magistrature dont l’Autorité, le Conseil Supérieur, était présidée par le Président de la République, n’avait rien d’indépendant. L’Exécutif n’a jamais cessé de peser sur le judiciaire et d’empiéter sur le domaine censé lui être réservé par le principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs. Quant à la Presse, son indépendance ne concernait que la presse privée, en tout cas dans l’entendement de l’ancien régime. L’indépendance de la presse, au sens démocratique du terme, concerne au premier chef la presse publique. Il ne s’agit pas (en tout cas pas seulement) d’autoriser que la presse privée, quand elle veut, se répande en critiques et administre au Gouvernement une volée de bois vert. La rareté des débats politiques à la télévision était faite à dessein afin que l’opinion, ne voyant jamais ou presque jamais les hommes et les partis politiques prendre position sur les grands sujets engageant la nation, finisse par avoir une idée négative de ces hommes et de ces partis politiques. Ces débats politiques télévisés, déjà si rares, avaient presqu’exclusivement pour but de mettre en valeur 4 ou 5 partis politiques. Dans un pays à démocratie avancée, n’importe quel leader d’opinion devrait pouvoir saisir à n’importe quel moment n’importe quel média public pour éclairer et informer les populations.

En un mot, les pouvoirs étaient concentrés et non séparés. Le principe des checks and balances (les freins et contrepoids) n’avait aucune réalité, l’opposition étant réduite non pas seulement à jouer les seconds rôles, mais à se satisfaire de celui de figurante.

Proposition : la COREAM propose au Gouvernement de Transition la création à l’ORTM et à la Radio Nationale d’une rubrique à périodicité rapprochée, à temps d’antenne suffisant et exclusivement réservée à la chose politique. Ainsi, l’ensemble des partis politiques pourront, régulièrement, présenter leurs activités, expliquer leur projet de société et débattre entre eux pour éclairer la lanterne de leurs éventuels militants ou électeurs, afin qu’ils puissent choisir librement ceux qui les auraient le mieux convaincus. De telles émissions peuvent être dirigées et animées par les partis politiques eux-mêmes. Dans une moindre mesure, il devrait en être de même pour le quotidien national l’Essor.

2-     Le renouvellement de la classe politique malienne

Le renouvellement de la classe politique malienne est la condition sine qua non pour que notre démocratie atteigne le rayonnement qu’on a toujours voulu faire accroire qu’il a. Mais attention, renouveler la classe politique ne signifie pas pour nous qu’il faut faire table rase de tout l’existant, de tout ce qui est ancien. Que neni ! Il s’agit simplement  de créer les conditions qui permettront, à partir de maintenant, à une autre race, une autre génération d’hommes politiques d’émerger, de se mêler aux anciens, d’être en situation de les suppléer, de mettre leurs intelligences, leur énergie, leur savoir et leur savoir-faire au service du Mali. Entre Houphouët Boigny qui affirmait qu’  « il faut savoir tendre la main aux jeunes, sinon ils vous bousculent » et Pape DIOP qui disait qu’ « il est temps que les politiciens professionnels laissent la place aux jeunes », le souci semble être le même : les jeunes et leur insertion dans le champ politique.

Dans la nouvelle carte politique du Mali à dessiner, dans le renouvellement de la classe politique, il faut que l’égalité des chances soit une réalité dans l’exercice de la démocratie, dans la pratique des élections.

3-     La  correction de l’injustice criarde qui a toujours entourée la question du financement public des partis politiques.

A la COREAM, nous partons du postulat qu’il n’y a pas de grands et de petits partis au Mali, nous l’avons déjà dit. S’il y en  a, ce n’est certainement pas dans leur capacité à aligner les 4×4 et à montrer le bout du milliard qu’on doit les différencier. C’est à la qualité de leur projet de société et, éventuellement, de leur programme de gouvernement qu’on devrait les cataloguer comme petits ou grands. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les partis de moindre envergure, à moyens modestes, ont souvent les projets les plus mieux élaborés. C’est partant de ce constat que nous estimons absolument injuste le système de répartition actuel du financement public entre les partis politiques. Les partis qui sont aux affaires depuis souvent des décennies ou, en tout cas, depuis de longues années et dont les cadres ont suffisamment de moyens pour les entretenir, devraient moins bénéficier des largesses de l’Etat que d’autres partis plus récents et qui ont souvent les projets les plus généreux, les programmes les mieux inspirés.

Proposition : le gouvernement de Transition doit se faire le devoir de dégager de nouveaux critères et conditions d’attribution des 0,25% des recettes fiscales du financement public aux différentes formations politiques, plutôt que ceux contenus dans l’actuel Charte des partis politiques.

4-     Sur les velléités de limitation du nombre de partis politiques ou même de la tentative de regroupement des partis.

Tout nouveau parti, à notre sens, est un facteur de revitalisation de la démocratie dans un pays donné. Chercher à en limiter le nombre soit en procédant par regroupements, soit en interdisant par une loi la création de partis serait une entorse grave au fonctionnement de la démocratie. En Inde, il y a plus de 400 partis politiques, même s’ils ont atteint le milliard d’habitants et cela ne gêne en rien la pratique démocratique dans ce pays. Pour l’élection présidentielle, nous avons le scrutin majoritaire à deux tours qui résout la question ; car, dussions-nous être mille candidats au départ, il n’en resterait que deux à l’arrivée. La COREAM, consciente de ce qu’une telle mesure aurait pu, il y a quelques années, l’empêcher elle-même de voir le jour, ne veut pas s’enfermer dans cet égoïsme.

Proposition : Il faut laisser faire la logique, la nature démocratique. Elle finira par faire en sorte que les partis sans représentativité réelle meurent de leur belle mort sans qu’il soit besoin d’une loi anti-démocratique.

5-     Le fichier électoral

 

–       Il faut reprendre et actualiser le travail colossal abattu par le GPS en la matière et refaire aux autorités de la Transition les propositions pertinentes garantissant des élections transparentes que l’ancien régime avait toujours rejetées en bloc.

–       Il faut renoncer purement et simplement au fichier RACE et revenir au RAVEC qui avait commencé à amorcer sa descente vers son point d’achèvement et qui est, actuellement, le seul gage pour l’organisation d’élections transparentes.

–       Il faut mettre un point d’honneur à respecter le délai de la Transition et faire déjà l’ébauche du délai de convocation du collège électoral à partir de la fin de la Transition.

–       Il serait aussi judicieux de relire le code électoral pour introduire la Représentation Proportionnelle dans les élections législatives.

La Représentation Proportionnelle est le mode de scrutin le plus juste ; il est juste à l’égard des petits candidats et à l’égard des électeurs minoritaires. Exemple : supposons une circonscription de 100 000 électeurs où il y a 5 sièges à pourvoir et 2 partis opposés. Le parti A recueille 60 000 voix, le parti B 40 000. Avec le scrutin majoritaire le parti A emportera tous les sièges. Avec la proportionnelle le parti B, sur qui se sont reportés 2/5  des suffrages, aura 2 sièges contre 3 pour le parti A.

6-     Force doit revenir à la politique.

Nous comprenons la déception des populations à l’égard des hommes politiques, leur désaffection vis-à-vis de la politique tout court. Mais nous avons le devoir de leur expliquer :

–       que la politique c’est la gestion de la cité et que, de par sa subtilité, sa technicité et sa complexité, elle ne peut être menée à bien que par des hommes politiques ;

–       que la démocratie consiste à confier son destin ou la destinée de la nation à d’autres hommes politiques lorsqu’on est déçu de ceux qui gouvernent ;

–       que la déception de la gestion politique du moment ne doit pas les amener à vouloir substituer à tous les hommes politiques ceux qu’on dit être de la société civile et qui, en réalité, ont tous une obédience politique même si on ne les voit pas militer au jour le jour dans des partis politiques ; que pour mémoire, la Belgique, qui, depuis plusieurs années, est en proie à une crise économique et politique majeure qui a failli entraîner sa partition définitive entre la Flandre et la Wallonie, est allée cherchée d’autres hommes politiques pour les suppléer à ceux qui avaient échoué. De même, depuis quelques jours, la Grèce, confrontée à une crise de même type, essaie de mettre en place un Gouvernement d’union nationale avec des hommes politiques nouveaux. Sous tous les cieux c’est ainsi que ça marche ;

–       que la stagnation d’un pays vient souvent du fait que les idées tardent à se renouveler au sommet de l’Etat ; que les hommes politiques actuellement aux affaires dans notre pays sont encore pour la plupart ceux qui ont en charge la destinée du Mali depuis 50 ans (pour ceux qui ont géré les années d’indépendance) ou depuis au moins 20 ans (pour ceux qui ont géré les années de la démocratie) ; qu’il est difficile de faire du nouveau avec du vieux ; qu’il faut alors un indispensable renouvellement du personnel politique malien ; qu’à côté de ceux qui ont déçu, il y a, comme le dirait la chanson, ‘’ du bon et du bien râpé’’ parmi les hommes politiques qui, dans les coulisses, piaffent d’impatience d’entrer en scène pour servir le Mali loyalement et  honnêtement ;

–       que force doit revenir à la politique !

 

7-     La nécessité d’un pouvoir constituant

Il faut relire la Constitution de 1992 afin de l’épurer par-ci, l’étoffer par-là, l’adapter à la nouvelle situation et, s’il y a lieu, faire passer le Mali de la 3è à la 4è République. Nous pensons qu’il y a de la matière pour cela en 2012. Il faudra alors mobiliser l’ensemble de la classe politique et les plus éminents juristes du pays, mettre en place un pouvoir constituant originaire ou un pouvoir constituant dérivé selon qu’on veut élaborer une nouvelle Constitution ou réviser celle qui est en vigueur. Le récent projet constitutionnel pourra être repris comme document d’inspiration.

Monsieur le Premier Ministre ! Cette lettre n’a aucune prétention. Elle a seulement l’ambition d’inciter les maliens à la réflexion, de susciter le  débat afin de les amener, comme le suggère Antoine de Saint-Exupéry, à « regarder dans la même direction » : le Nord. Car nous avons déjà perdu le nord en termes d’orientation (politique). Nous ne pouvons nous permettre de le perdre au sens physique du terme. Les arabes se souviennent avoir perdu l’Andalousie au profit de l’Espagne au XIVe siècle. Est-ce cette raison ancestrale et revancharde qui les pousse (en tout cas certains d’entre eux) à aider à la partition de notre pays aujourd’hui? Et que dire du monde dit civilisé qui assiste, silencieux, au drame que vit notre pays ? Cette dernière question est le thème de la lettre que nous adresserons prochainement à la Communauté Internationale et dans laquelle nous tenterons de démontrer que l’Occident, dont le poète a dit qu’ « il retournera un jour à la barbarie et que l’Afrique occupera le devant de la scène mondiale », sera encore plus vulnérable face au terrorisme s’il le laisse s’installer chez nous ; que nous sommes, nous autres petites nations, les seuls vrais remparts contre le terrorisme.

Monsieur le Premier Ministre ! S’il est dit que l’Administration est le bras du Gouvernement, ce n’est pas pour la beauté de la formule. C’est pour dire que l’on a beau réunir les fils les plus compétents d’un pays dans un Gouvernement, si leurs actions ne sont pas sous-tendues par celles d’une Administration débarrassée du complexe du compagnonnage, de la primauté de l’amitié, de la parenté, de l’esprit partisan pour faire place à la compétence, la responsabilité, la rigueur et l’honnêteté intellectuelle, ledit pays est durablement condamné à faire du sur-place.

Vous avez dit EDUCATION ? Que dire d’un pays où un professeur de français au lycée demande à son collègue (un de nos partisans) si l’on doit mettre un ‘’s’’ au mot gaz au pluriel, alors qu’il y a beaucoup de jeunes chômeurs maîtrisant la langue de Voltaire qui font antichambre ? Nous disons nous, à la COREAM, que ces ‘’insuffisants’’ doivent être redéployés ailleurs dans la Fonction Publique, au-delà de l’écran, et être remplacés soit par des jeunes chômeurs soit par d’autres fonctionnaires plus compétents exerçant ailleurs dans la même Fonction Publique. Depuis plus de deux décennies que tout le monde s’en plaint, on ne peut continuer dans l’expérimentation de thérapies aussi inefficaces les unes que les autres. Sans une Ecole performante, point d’avenir pour notre pays.

Vous avez dit JUSTICE ? Que penser d’un pays où, par peur de la concurrence, des auxiliaires de justice, qui ont souvent blanchi sous le harnais (qui sont donc fatigués), puissent, depuis plusieurs années, ‘’empêcher’’ de jeunes diplômés en Droit souvent compétents d’accéder à certaines fonctions qu’ils pensent être les seuls dignes à exercer ? Simplement parce que ce sont eux qui décident, à leur guise, d’organiser ou non les concours et quand ils le font c’est seulement tous les trois ans alors que dans la plupart des pays voisins ces concours ou examens sont annuels ? Allez donc jeter un coup d’œil chez les Notaires ou les Avocats. Sommes-nous vraiment dans un pays de démocratie ? En tout cas, avec un tel comportement de nature à accentuer le chômage des jeunes, nous sommes tout sauf un pays de libéralisme économique.

Vous avez dit SANTE ? Que faire dans un pays où, dans une commune donnée abritant déjà un grand hôpital régional, l’on en bâtisse un autre deux fois plus impressionnant sans personnel adéquat, à moins de trois kilomètres de distance et qu’on soit réduit à déplacer les équipements de l’ancien vers le nouveau, alors qu’on aurait pu simplement réhabiliter l’existant. Les économies qu’un tel choix aurait permis de faire pouvaient fort bien servir à entamer en tout cas une importante route en le Sud et le Nord de notre pays. Monsieur le Premier Ministre, les choix faits dans notre pays jusqu’à présent en matière d’aménagement du territoire et dans bien d’autres secteurs ont souvent été mauvais.

Vous avez dit AGRICULTURE ? Passez muscade ! Il y a tellement à dire et à redire sur tous les secteurs de développement de notre pays, qu’on risque de s’enferrer dans une litanie ennuyeuse.

Nous savons que vous savez tout cela  Monsieur le Premier Ministre. Nous savons que vous êtes résolument un homme du changement. C’est pourquoi nous vous disons, Monsieur le Premier Ministre et cher grand-frère, de ne vous en laisser compter par personne, de refuser d’avoir une compétence liée et d’exercer lato sensu ‘’les pleins pouvoirs’’ que les maliens et l’Afrique vous ont octroyés.

 

Monsieur le Premier Ministre ! Le nouveau Président français a un leitmotiv dans lequel reviennent souvent deux mots : croissance et justice. Si j’en ai à choisir pour vous, je prendrai celui de justice. Si vous arrivez à faire en sorte que la justice et l’égalité des chances devant le service publique deviennent une réalité dans notre pays, c’est bien le diable si vous ne réussissez pas la transition que vous pilotez. Je suis convaincu alors que vous passerez aux yeux de notre peuple comme le Président non élu du Mali. Que DIEU vous aide à réussir cette tâche pharaonique !

Vive le Mali dans ses frontières intangibles !

                                                                                                  Bamba Gagny KIABOU                                                   

                                                                                       Président de la COREAM

                                                                                       

                                                                                       

 

 

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2 COMMENTAIRES

  1. Tout ceci est bien dit. Mais l’homme est-il sincère? La population le croira t-il? En tout cas, ce qui est naturel chez nous jusqu’à présent, c’est que la majorité de la population vote pour le plus offrant…

  2. En bon malien, je n’aime pas beaucoup lire; je n’ai donc pas lu toute la lettre. Mais sur le point concernant le financement public accordé aux partis politiques, je proposerais que ce financement soit purement et simplement supprimé. Si les partis n’ont pas les moyens de leur existence, qu’ils disparaissent.

    Justice : le problème n’est pas le nombre, mais la qualité;
    Je trouve que le point 6 doit être longuement expliqué au PM lui-même

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