Presque un mois après sa réélection pour un nouveau mandat de 5 ans, nous avons rencontré M Dounantié Dao, Président de la CN/CIEPA. Dans l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder, M Dao nous parle de son organisation, de son premier mandat, des enjeux du secteur eau hygiène assainissement, des difficultés, des perspectives et surtout de la problématique du financement du secteur. En terrain connu, M Dao aborde les grandes préoccupations qui entravent la bonne marche du secteur, tout en se focalisant sur la nécessité d’une bonne gouvernance. Il garde l’espoir de plus d’engagement de l’ensemble des acteurs et surtout de l’Etat, pour faire de l’accès à l’eau, l’hygiène et à l’assainissement une priorité, car pour lui il ne saurait y avoir de développement sans la satisfaction de ces besoins élémentaires de notre société. Suivez son regard !
LE ZENITH : C’est le 19 septembre dernier que la CN a tenu son assemblée générale pour renouveler son bureau, comment se porte la CN/CIEPA aujourd’hui ?
LE PRESIDENT : Je tiens tout d’abord à remercier tous ceux et toutes celles qui ont renouvelé leur confiance en ma petite personne. Je souhaite être à la hauteur de cette confiance portée à ma personne. Ceci dit, c’est aussi un honneur pour moi d’être reconduit à la tête de la CN/CIEPA qui est une organisation faitière du secteur eau hygiène et assainissement. Il faut rappeler que la CN/CIEPA est la Coalition Nationale de la Campagne Internationale pour l’Eau Potable, l’hygiène et l’Assainissement qui se bat depuis 2009 pour l’accès de tous à l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement. Après 5 ans, sans risque de se tromper, nous pouvons dire que la coalition se porte très bien, elle a fait du chemin, c’est désormais une organisation aux expertises reconnues par les partenaires de l’Etat et les partenaires de la société civile. D’ailleurs à notre assemblée générale, tous les acteurs majeurs du secteur étaient présents, cela dénote de la confiance et du crédit que ces acteurs portent à notre organisation. En somme, voici les éléments qui fondent mon espoir sur l’état de santé merveille, de la coalition.
LE ZENITH : Quelques semaines après votre réélection, Monsieur le Président, quelles sont vos priorités ?
LE PRESIDENT : La toute première priorité est la consolidation des acquis. Nous sommes partis de très loin, aujourd’hui nous sommes arrivés à placer la CN/CIEPA au sommet des organisations de la société civile au Mali et une reconnaissance internationale. Il s’agit alors de consolider ces acquis et aussi voir comment ouvrir de nouvelles perspectives, parce que les défis sont changeants. Alors en fonction des défis, nous devons nous redimensionner en termes de stratégie pour avancer. Vous savez que le positionnement c’était un peu par rapport aux OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement) qui arrivent à terme ce mois de Décembre 2015. Nous rentrons dans les ODD (Objectifs du Développement Durable). Nous sommes aussi en train de nous positionner par rapport aux perspectives des post OMD sur l’accès universel d’ici 2025, le concept que l’on appelle en Anglais “ every body every where ” (chacun partout), partout ou vous vous retrouvez, que vous puissiez avoir accès à l’eau, l’hygiène et l’assainissement. Ce sont des positionnements. En plus de ces positionnements, le défi central du secteur aujourd’hui est la question de la gouvernance. Nous nous sommes battus il ya 5 ans pour que l’eau, l’hygiène et l’assainissement soient dans le même département. Mais nous venons de prendre un peu de recul avec le dernier gouvernement qui a encore scindé l’eau, l’hygiène et l’assainissement entre différents départements ministériels. Il y a aussi les défis de financements du secteur qui restent entiers, avec moins de 2% du budget d’Etat. ça c’est un problème pour un pays où le 1/3 des populations n’a pas accès à l’eau potable et dont les 2/3 n’ont pas accès à un système d’assainissement adéquat. N’accorder que moins de 2% de son budget à un tel secteur me semble incohérent. Voici quelques défis pour lesquels la coalition demeurera debout, pour que d’ici 2025, l’accès universel soit une réalité au Mali pour que chacun où il se trouve puisse avoir accès à l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement, comme prôner par les objectifs post OMD.
LE ZENITH : Au cours des 5 ans de votre précédent mandat, quelles ont été les principales difficultés auxquelles vous avez été confrontées ?
LE PRESIDENT : Je crois que la difficulté majeure de ces 5 ans aura été la jeunesse de l’organisation qui a du se battre pour avoir la confiance des partenaires. Il va de soi que l’on travaille dure pour y arriver, les balbutiements du départ, c’était vraiment difficile au départ. Dieu merci, une organisation comme Water aid a pris des risques et a cru en nous, très souvent, on veut partir avec des expérimentés, des anciens, mais d’autres font aussi le pari des organisations nouvelles, ça c’était des difficultés de départ. L’autre difficulté majeure a aussi été cette crise de 2012 qui a carrément plombé l’élan et les espoirs de la coalition vers l’atteinte de ses objectifs avec cette menace existentielle de rupture de financement. Vous savez que nos organisations vivent de financements extérieurs, à part les petites cotisations des membres, l’essentiel des financements est extérieur, alors le secteur est trop dépendant. Donc le quinquennat a aussi été marqué par les soubresauts de la vie politique qui ont marqué nombre de nos actions. La troisième difficulté, si je peux m’exprimer ainsi, est la question de la mobilisation des ressources, car jusqu’à ce jour, nous n’avons encore qu’un partenaire stratégique qui est Water Aid, nous dépendons à 80% de ce partenaire. La diversification du partenariat est un défi pour nous, nous sommes en train de travailler pour surmonter ces difficultés. Ce sont là les grandes difficultés qui ont émaillé ce quinquennat.
LE ZENITH : Monsieur le Président, votre modèle de management séduit vos camarades, ils en parlent ouvertement, comment vous faites ?
LE PRESIDENT : Merci ! que cela soit séduisant pour mes camarades, ce n’est pas compliqué, il s’agit d’impliquer tout le monde, faire participer tout le monde, ce que j’appelle la dynamique de groupe. C’est extrêmement important que chacun se sente responsable. Le Président n’est pas obligé d’être partout. C’est sur ce modèle de gestion participative que je suis en train de travailler à fond, pour impliquer tout le monde.
LE ZENITH : Comment se porte le secteur eau, hygiène, assainissement au Mali ?
LE PRESIDENT : Il ne se porte pas bien, appelons les choses par leurs noms. Je disais que le 1/3 de nos populations n’a pas accès à l’eau potable, donc plus de 1000 villages qui n’ont pas un seul point d’eau potable, plus des 5 millions de nos compatriotes. Par rapport à l’assainissement, c’est l’insalubrité à ciel ouvert partout. Aussi il y a de cela un an qu’une loi contre les déchets plastiques non biodégradables a été adoptée mais jusqu’à ce jour il n’y a pas de décret d’application de cette loi. Le secteur ne se porte pas bien, passablement pour l’eau et médiocre pour l’assainissement. Le secteur souffre aussi d’un manque de personnel, ainsi les services techniques de l’Etat, la DNH et la DNACPN, ont leur cadre organique, sont pourvus de moins du 1/3 du personnel prévu. Avec de tels déficits, il est difficile pour le personnel d’être efficace. Je l’avais déjà évoqué, la forte dépendance du secteur des financements extérieurs qui ont aussi leurs contraintes par rapport aux décaissements des fonds, notre pays a un taux de décaissement de moins de 50% des fonds extérieurs, ajoutés a cela les moins de 2% du budget d’Etat, c’est pourquoi je dis que le secteur ne se porte pas bien.
LE ZENITH : Quelles sont alors les perspectives pour le secteur ?
LE PRESIDENT : Les perspectives ne sont d’autres que plus d’engagement de la part de l’Etat pour que le secteur ne soit pas dépendant à 80% des financements extérieurs. Les perspectives passent par plus d’engagement de l’Etat. Les perspectives seront aussi l’assouplissement des modalités de décaissement des fonds extérieurs, les procédures sont assez rigides, ce qui ne facilite pas la mobilisation des ressources. En outre la situation sécuritaire se stabilise de plus en plus, la paix s’installe, alors quant on met tout bout à bout, nous pouvons espérer de bonnes perspectives pour notre pays.
Propos recueillis par
Youba KONATE