Le 12 novembre 2008, l’ambassade des Etats-Unis a rencontré le député Malien Ibrahim Mohamed Asselah pour discuter de son rôle dans la résolution de la crise des otages autrichiens au nord du Mali. Asselah est un Touareg Idnane de Bourem dans la région de Gao. Il fut élu à l’Assemblée nationale en juillet 2007, où il a servi comme Vice-président du comité sur la défense et la sécurité. Il a prouvé sa capacité en tant que négociateur. Le 24 août 2008, Asselah et l’ancien ministre Mohamed ag Erlaf ont assuré la libération de trois gendarmes maliens faits prisonniers à Tessalit par un petit groupe de rebelles Touaregs.
Pour libérer les otages autrichiens, le Mali fit appel à lui. Selon Asselah, le gouvernement a déployé une campagne d’information publique apparemment bien planifiée et bien exécutée, ciblant les populations nomades dans l’une des régions les plus éloignées et les plus inhospitalières du monde, afin de garantir la libération des deux otages autrichiens Kloiber et Ebner. Le plan, était étroitement coordonné avec les responsables du service de renseignement malien. Le plan dépendait aussi de la réputation du président Amadou Toumani Touré comme homme de paix et la crainte des nomades locaux d’être pris dans le contre feu d’une solution militaire potentielle.
Asselah, avec une poignée d’autres dirigeants du nord ont passé cinq mois, de juin à octobre, traversant le nord du Mali pour discuter de la crise des otages avec les dirigeants de diverses communautés nomades vivant dans la proximité géographique d’AQMI. Ces voyages ont emmené Asselah dans les points d’eau au nord-ouest de Taoudenni, jusqu’à la ville d’In-Khalil à la frontière nord-est du Mali avec l’Algérie. À chaque arrêt, Asselah livra le même message : le problème des otages met en danger les communautés nomades; lorsque les militaires maliens ou algériens décident de prendre des mesures, ils ne pourront pas faire de distinction entre un nomade innocent et un membre d’AQMI. Asselah a ensuite exhorté les dirigeants nomades à accroître la pression sur AQMI pour libérer Kloiber et Ebner, en faisant valoir que le problème des otages devenait une « question de respect » pour les habitants, parce que AQMI mettait en danger les populations nomades. Il a souligné qu’aucun des groupes nomades qu’il avait rencontrés ne possédait des affinités religieuses ou idéologiques pour AQMI.
Les liens entre les nomades maliens et AQIM étaient dus à leur proximité géographique. Il décrit un système de confiance mutuelle. Les groupes nomades partageaient des points d’eau avec AQMI. « Il n’y a rien là-bas », a déclaré Asselah des zones qu’il a visitées, « pas d’armée, pas de développement, pas de sécurité, pas de services. Tout le monde doit se débrouiller seul ». Il ne connaissait aucun membre d’AQMI et une grande partie des contacts directs entre les groupes nomades et AQMI s’est fait à travers Mahmoud ag Mohamed, un Idnane Touareg basé au nord de Kidal. Bien qu’il ait prétendu n’avoir rencontré aucun membre d’AQMI, Asselah a déclaré qu’il était convaincu qu’il n’y avait pas de Touaregs maliens dans ses rangs et que certains de ses membres venaient de la Mauritanie et du Nigéria. Les divisions au sein d’AQMI ont compliqué les efforts de négociation. Deux autres facteurs, en plus des pressions des communautés nomades, ont apparemment contribué à la libération des otages. Selon Asselah, la conversion des Autrichiens à l’islam, qu’elle soit réelle ou pas, a éliminé l’excuse d’AQMI pour leur détention et a renforcé les arguments des locaux en faveur de leur libération.
Au cours d’une autre réunion avec l’ambassade américaine, Azaz ag Doudagdag, un chef Touareg de Bourem proche du président Touré, a également déclaré que la conversion des otages avait facilité leur libération. Il affirma que les deux ont mémorisé la plupart du Coran pendant leurs neuf mois de captivité. L’autre facteur important qui facilita la libération des otages, était la réputation du président Touré en tant que pacificateur. Asselah compara la réponse du président Touré à l’instabilité dans le nord du Mali avec celle plus militante du président Tandja du Niger voisin. Les individus dans le nord du Mali, y compris apparemment AQMI, considéraient Touré comme un négociateur bien intentionné et de bonne foi.
D’après Asselah, les chefs nomades qui ont joué un rôle clé en convainquant AQMI de libérer les otages ne lui ont jamais demandé quoi que ce soit au-delà de plus de puits pour leurs communautés et leurs animaux. Il a transmis cette demande directement au président Touré, mais a déclaré qu’il était sûr que les groupes nomades n’auront jamais ces puits. « Ce que j’ai vu, » dit Asselah, « me fait peur. Le gouvernement est trop absent; il n’y a pas d’infrastructure. Nous devons nous occuper de ces communautés afin qu’elles se sentent membres de la nation. J’ai dit ça aux autorités maliennes. »
La description d’Asselah des efforts maliens visant à pousser les populations nomades locales contre AQMI constitue un récit convaincant. Sans corroborer l’information, cependant, il est difficile de discerner la véracité de sa représentation. Sa description des liens commerciaux, par opposition aux liens religieux ou idéologiques entre les nomades et AQMI correspond aux observations américaines.
Amadou O Wane