Après la Présidentielle du 29 Avril : Appel du Pr. Dialla Konaté à ATT et à la classe politique

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Pour que l’après élection ne soit pas amertume, à mon humble avis, il faut que toutes les bonnes volontés soient appelées par le président Touré autour d’un compromis politique pour qu’ensemble, nous Maliens, soyons un seul homme. Mais quel homme demandera certainement mon collègue philosophe, Issa Ndiaye ? J’emprunte ma réponse à Sartre. « Un homme fait de tous les hommes qui les vaut tous et que vaut n’importe qui ».

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Concernant l’élection présidentielle de l’année 2007, la Cour constitutionnelle a parlé. M. Touré, le président élu a dit oui aux résultats annoncés. Ses compétiteurs n’ont pas dit non. La messe de l’élection présidentielle est donc dite. Dans le calme. Il faut s’en féliciter.

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Il faut désormais aller de l’avant en laissant ces élections derrière soi. Auparavant, je vais m’arrêter un instant pour dire ce que m’a inspiré la campagne écoulée. Il m’a été donné de suivre quelques apparitions des candidats grâce à Internet et MaliWeb. Mon impression est que chacun des candidats a justifié de sa présence, a fait montre d’ambitions pour lui-même au service de notre pays même si certains d’entre eux avaient l’air moins authentiques.

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Pour être plus précis, j’ai fait le choix (arbitraire) de m’arrêter sur l’impression que trois des candidats ont produit en moi. D’abord le candidat Oumar Mariko. J’ai voté pour lui. Il a sans doute été le seul à s’être avancé avec, en mains, un programme explicite qui contenait un exemple de ce qu’on appelle un projet de société. Il a pu être indiscutablement identifié comme le candidat des citoyens économiquement actifs mais statistiquement sans emplois puisque ne bénéficiant pas d’un salaire régulier.

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Ils sont paysans de la zone Office du Niger, « déflatés » de la fonction publique, travailleurs informels des villes ou diplômés « débrouillards ». Mariko fut le porte-parole sans ambiguïté de ces personnes qui ont un rôle économique actif sans avoir la contrepartie ni d’une sécurité de l’emploi, ni d’une protection sociale ni même d’une identité sociale claire. Dans l’économie internationale actuelle et sa répartition du travail, on les appelle, appellation quelque peu impersonnelle en Afrique, les « travailleurs pauvres ».

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Il y a eu ensuite le candidat Mamadou Sangaré. Egalement sans équivoque, il a été le grand pédagogue de la démocratie. Il s’est employé avec grande conviction à entretenir le public de la démocratie, de ses avantages et de ses implications. Il y eut enfin le candidat Tiébilé Dramé. Il a porté comme un étendard la cause de la nécessaire renaissance du patriotisme. L’hymne à l’école. La reconnaissance par chacun d’entre nous de l’existence de quelque chose de plus grand que soi que l’on nomme la patrie et qui mérite sacrifice et qui mérite que l’on mérite d’elle.

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Mais et de façon essentielle cette campagne a montré la nécessité d’avoir au Mali une vie politique active faite de débats durant 12 mois sur 12 plutôt que d’être une fenêtre d’invectives ouverte à 3 semaines des élections se refermant le lendemain de ces mêmes élections. Le débat permet d’assurer l’émergence d’un personnel politique bien formé, permet de tamiser les idées politiques et de faire que ne survivent que celles qui ont un mérite réel pour notre pays.

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A ce sujet, j’ai relevé 2 des vraies idées « politiques » qui ont été lancées durant la campagne 2007. Elles reposent sur des analyses insuffisantes ou peut être même sur de dangereux postulats. La première de ces idées est de croire aux avantages de la croissance actuelle du PIB. Cette croissance, actuellement réputée être autour de 5 % (précisément 5,10 % selon la CIA et la Banque mondiale) n’est certainement pas la traduction d’une vivacité de l’économie malienne. Il s’agit d’un substrat de la croissance mondiale qui n’a jamais été aussi solide et aussi longue que celle que le monde connaît depuis 10 ans.

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Regardons un instant le PIB mesuré par sa formation et le même PIB mesuré par son emploi comme on évalue les revenus d’une personne soit en faisant la somme de ses « entrées d’argent » d’un côté et la somme de l’usage qu’il fait de ses revenus en termes de consommation, d’épargne et d’investissement.

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Une analyse sérieuse des 2 aspects du PIB fera montre que non seulement cette croissance vient de l’extérieur mais qu’en réalité par l’usage que nous en faisons qui est une consommation de produits importés par les couches urbaines, fonctionnaires et assimilés, nous avons mis un couscoussier à la place de la marmite. Plus on met de sauce dans le récipient, plus la sauce s’échappe. Cette croissance ne permettra pas de faire décroître la pauvreté et la misère qui est en définitive l’objectif que nous devons rechercher.

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La seconde mauvaise idée est celle de vouloir mettre le paysan au milieu du système agricole, l’enseignant ou l’étudiant au centre du système scolaire. Le monde actuel exige que le paysan soit éminemment productif et l’école soit éminemment excellente dans la qualité des formations dispensées. Cela signifie que les moyens publics doivent aller au paysan, à l’étudiant ou à l’enseignant qui travaillent pour atteindre des objectifs fixés dont la conséquence attendue est la création de richesse dans le pays. Cela signifie donc que ce sont ces objectifs qui doivent être au milieu du système.

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Un taux de participation parlant

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Ensuite il me vient l’envie de regarder les chiffres des élections. Car, après tout, les chiffres ont une signification qu’il est toujours dangereux d’occulter. Avec environ 35 % notre pays se place, au dernier rang du classement mondial par taux de participation aux élections. Tous les partis maliens mis ensemble ont attiré aux urnes moins de 4 électeurs sur 10. Ces chiffres nous ont offert un président de la République élu par environ 25 % de nos compatriotes. Cette prestation est médiocre. Si on formait un gouvernement avec le consentement de tous les partis politiques actuels, ce gouvernement n’exprimerait pas les préoccupations de presque 7 Maliens sur 10.

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La classe politique qui reçoit chaque année des milliards prélevés sur les impôts pour instruire, informer et mobiliser le peuple a la possibilité soit d’ignorer le message des chiffres et de s’auto-congratuler soit d’en faire une analyse fine. Si, comme je le souhaite, la classe politique s’attache à faire de la situation une analyse approfondie, elle déterminera aisément la réponse à la question inévitable qui est : maintenant que faire ?

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A mon avis, le président Touré, élu, devrait prendre le premier pas pour créer les conditions d’un rassemblement sur la base d’un compromis politique avec une large autonomie laissée au gouvernement et au Premier ministre en charge de mobiliser toutes les énergies. Le Premier ministre devrait être l’animateur, l’âme de ce compromis politique dont le président deviendrait l’inspirateur, l’arbitre au nom du peuple tout entier dont il devra entendre la voix pour le cas échéant modifier l’itinéraire ou la composition de l’attelage gouvernemental.

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Le Premier ministre aura la tâche avec son gouvernement d’appliquer le programme qu’il faut à présent bâtir sur la base des idées contenues dans le manifeste électoral du président élu mais enrichi par les propositions concrètes des partis politiques désirant se joindre à la plate-forme du compromis. Il restera qu’une condition devra être faite à ceux qui ne souhaiteraient pas joindre ce compromis et seront dans l’opposition.

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Le Mali ne peut, il est vrai, s’offrir le luxe de rémunérer des politiciens professionnels sur la base de leur simple engagement en politique. Une contribution à la solution serait que le gouvernement laisse en service tout cadre compétent sans considération d’appartenance politique. De son côté, un ancien dirigeant politique doit accepter de regagner son métier lorsqu’il est mis fin à sa mission gouvernementale. Un enseignant doit revenir à son poste, un journaliste redevenir journaliste, un médecin revenir soigner ses malades, etc.

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Bien entendu le président élu a la possibilité d’ignorer le message muet lancé par le peuple et contenu dans les chiffres. De se contenter de rassembler autour de lui, dans un gouvernement, des individus ou des groupes d’individus parce qu’ils sont bruyants, dociles, flatteurs ou représentants d’intérêts pressants. Dans ce cas, il faudra s’attendre, un jour prochain à la révélation de ce que Soekarno appelait à Bandoeng « la légitime violence morale des peuples » ignorés, méprisés et abandonnés non plus par le colonisateur mais par leurs propres élites.

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Est-il difficile de s’entendre avec ses contradicteurs ? Oui c’est difficile. Mais c’est incontournable. Autrement quel mérite a-t-on de s’entendre uniquement avec ses amis ? C’est aussi l’enseignement du sage Hampaté Bah. Lorsque dans les années soixante il a pris de la distance d’avec le régime politique de l’US-RDA, il avait dit que dans la vie ce qui lui semblait le plus difficile à l’humain mais incontournable était de comprendre son semblable qui a une opinion différente. Le plus difficile, selon lui, est de réaliser ce qu’il a toujours appelé l’état de « mutuelle compréhension ». Compréhension mutuelle ne signifie pas ralliement, mais indique la capacité de travailler ensemble.

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Stratégie de la vache nourricière

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Concernant les autres animateurs de la classe politique, je souhaite qu’ils adoptent ce que ma chère et défunte maman appelait la stratégie de la vache nourricière : être capable de garder en soi le sang rouge de la colère pour délivrer le lait blanc de la paix ; nourricier de ses propres veaux et des enfants des autres. Je ne sais pas très bien ce qu’est la démocratie mais je sais qu’après des élections, il est communément accepté comme attitude démocratique que les perdants téléphonent à l’élu pour le féliciter. Je suggérerai, à tous les candidats de téléphoner au président Touré dans ce sens. Cela n’affaiblira personne malgré ce que pourront en dire certains journaux, mais notre pays et la paix sociale en sortiront grandis.

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Il y a aussi ces hommes politiques « spéciaux » pour lesquels j’ai beaucoup d’attention. Il s’agit du Dr. Oumar Mariko, de mon ami Sada Diarra et certainement de mon collègue le Pr. Issa Ndiaye. Voilà des hommes qui ont énormément appris de la vie et du contact de notre peuple. Ils sont capables de donner beaucoup. Mais ils ont la raideur de croire que la terre des hommes peut être habitée par de glabres et impersonnels hommes purs. Il faut accepter de construire le Mali avec les Maliens tels qu’ils sont bons ou mauvais, beaux ou vilains, honnêtes ou malhonnêtes.

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Le Mali ne sera pas le paradis du Nouveau Testament où il n’y aura que des agneaux et pas de loups. Le Mali sera le fruit du lent et patient travail des Maliennes et des Maliens, ensemble, chacun apportant sa petite pierre. Il est bon de « dire la vérité » et entendre les applaudissements du « bon peuple », mais cela n’est pas suffisant et après que les applaudissements se soient tus, il restera à accomplir l’impérieux et ardent devoir de produire de la richesse, de faire reculer la pauvreté, de donner de l’espoir à nos jeunes et à leurs mères. Oui, c’est vrai, il faut que dans ce Mali le bien puisse être distingué du mal. Dans le temps jadis, cela se faisait « naturellement » parce que le premier nom de famille de chaque Malien était Wagué.

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Maintenant dans la société moderne qui est la nôtre, l’honnêteté est remplacée par la régularité. Le pouvoir traditionnel est remplacé par le pouvoir démocratique. Le jugement moral selon Kani Simbo, Kaniniokon Simbo, Lafolo Simbo et Lawale Simbo est remplacé par le jugement de la Loi selon les principes du droit. Oui je suis d’accord avec mes amis nommés plus haut pour dire que pour attirer la confiance de notre peuple, pour que celui-ci fasse confiance à la Loi, il faut chasser les magistrats pharisiens du temple. Cela ne peut se faire que dans le compromis politique. Je vous prie chers amis, sans vous renier, rejoignez le Mali en construction, apprenez la souplesse sans reniement. Apprenez le compromis politique. Apportez vos convictions, vos propositions.

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En voulant coûte que coûte faire le bonheur des peuples dans la « pureté », « la vérité », « la droiture », les communistes et les fascistes, au 20e siècle ont finit par faire le malheur des peuples et ont discrédité pour longtemps le communisme et le fascisme. Beaucoup de militants de ces causes étaient indiscutablement de bonne foi. Jamais dirigeants politiques n’ont été autant applaudis que les chefs fascistes et les dirigeants communistes. Ils ont rempli les cimetières. Voilà le discours constant que je tiens à certains d’entre vous depuis 1992.

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Donc pour que l’après élection ne soit pas amertume, à mon humble avis, il faut que toutes les bonnes volontés soient appelées par le président Touré autour d’un compromis politique pour qu’ensemble, nous Maliens, soyons un seul homme. Mais quel homme demandera certainement mon collègue philosophe, Issa Ndiaye ? J’emprunte ma réponse à Sartre. « Un homme fait de tous les hommes qui les vaut tous et que vaut n’importe qui ».

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Dialla Konaté

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(enseignant, Blacksburg, Etats-Unis)

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13 mai 2007

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