Parti de Bamako le vendredi 16 mai, le Premier ministre Moussa Mara, à la tête d’une forte délégation, a sillonné les régions de Tombouctou, Gao et Kidal. Objectif : s’assurer que l’administration se déploie normalement. Et ceci, au même niveau qu’avant la crise, pour mieux satisfaire les besoins des populations. Malheureusement, cette visite hautement symbolique, qui a suscité l’enthousiasme des populations sorties en masse pour accueillir les membres du gouvernement, a été marquée par une attaque armée et meurtrière, menée concomitamment par des groupes armées, des jihadistes et des narcotrafiquants. Etrangement, cette attaque, qui s’est soldée par 36 morts, dont 8 personnes froidement assassinées, et 32 otages, a eu lieu au nez et à la barbe des forces étrangères qui sont supposées sécuriser Kidal.
Goundam
C’est aux environs de 10 heures 30 minutes, dans la matinée du vendredi 17 mai, que les autorités politiques et administratives de Tombouctou ont reçu la très forte délégation que conduisait le Premier ministre Moussa Mara. En faisaient partie le ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga, le ministre de la Sécurité Intérieure, Sada Samaké, celui de la Justice, Mohamed Ali Bathily, celui de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, Porte-parole du Gouvernement, Mahamane Baby, le ministre des Transports, Mamadou Hachim Koumaré, la ministre de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, Mme Sangaré Oumou Bâ, le ministre de la Décentralisation, Ousmane Sy, le ministre de la Réconciliation Nationale, Zahaby Ould Sidi Mohamed et la ministre de la Culture, Mme Ndiaye Ramatoulaye Diallo.
La délégation, à sa descente d’avion, a été accueillie par le Gouverneur, le Préfet, le Président de l’Assemblée régionale, le Président du Conseil de cercle et le Maire de Tombouctou. Le Gouverneur et ses hôtes se sont ensuite, rendus à Goundam, première étape de la visite, où le PM devait procéder au lancement des travaux de la route Goundam – Tombouctou, en présence du ministre français du Développement, Mme Annick Girardin et du Commissaire Européen au Développement, Andris Pielbags.
Le maire de la ville, Mme Seck Oumou Sall, a souhaité la bienvenue à tout ce beau monde, avant de déclarer: «vous êtes à Goundam, une ville qui a beaucoup souffert de l’occupation des jihadistes». Elle a remercié l’UE pour son aide au développement et fait le survol de sa circonscription administrative, avant de présenter ses doléances au chef du Gouvernement. Entre autres une administration handicapée, faute de bâtiments, le manque criard d’eau potable, la construction de la maison des artisans et l’instauration d’une voirie urbaine
Mme le ministre français du Développement s’est, pour sa part, déclarée très ravie de redémarrer la construction de la route Goma Coura – Tombouctou et le Commissaire au Développement de l’UE a quant à lui réaffirmé la volonté de l’UE d’augmenter son aide au Mali dans les années à venir. Le temps fort de cette première étape a été le lancement officiel des travaux de construction de la route par le Premier ministre.
Tombouctou.
C’est au pas de charge que Moussa Mara a abordé la deuxième partie de son séjour, dans la Cité des 333 saints, en commençant par une rencontre avec l’administration, les élus et la société civile au Centre Ahmed Baba.
Lors de son allocution, après avoir fait une présentation très exhaustive de la région de Tombouctou, le Gouverneur, le Colonel Major Mamadou Mangara, a indiqué que la crise sécuritaire et humanitaire qu’a connu la région, suite à son occupation par des groupes armés, a semé la terreur, la désolation et le dénuement, affectant ainsi très négativement les infrastructures et les équipements publics et parapublics, et poussé bon nombre des populations à l’exil.
Il y a eu les bureaux et les domiciles des représentants de l’Etat saccagés, des services déconcentrés de l’Etat et des collectivités locales complètement pillés et saccagés, les matériel et équipements emportés ou détruits. Aussi, selon lui, depuis la reconquête, l’administration de l’Etat, les services techniques et les partenaires évoluent-ils dans un contexte de précarité. Entre autres préoccupations exprimées : le mauvais état des voies d’accès à la ville, les problèmes de santé et le manque de financement de certaines activités du gouvernement.
Le PM, au nom du Président de la République, a remercié tous les amis du Mali. Avant de déclarer qu’au Mali il n’y avait pas de problèmes entre communautés. Il a également demandé aux populations de préserver la paix. Enfin, il a assuré qu’il avait bien enregistré les doléances et qu’ensemble, avec le ministre de la Reconstruction, ils allaient voir ce qu’ils pouvaient faire.
Gao
C’est après avoir passé une journée du samedi particulièrement mouvementée dans la ville de Kidal, que Moussa Mara et sa délégation sont arrivés à Gao. Dans la Cité des Askia, le PM a débuté sa visite par une série de rencontres dans la salle de conférences du Gouvernorat, en commençant respectivement par l’administration, les élus de la nation, la société civile et les handicapés.
Le Gouverneur, Oumar Baba Sidibé, a dans son allocution salué l’initiative prise par le PM de prendre la mesure de l’ampleur des difficultés. Il a ensuite assuré au chef du Gouvernement que, sur le plan administratif, le retour de l’administration se faisait normalement et que d’importants efforts avaient été consentis pour les infrastructures.
En réponse, Moussa Mara a déclaré que l’objectif de sa visite était de s’assurer que l’administration se déploie normalement, au même niveau qu’avant la crise et évaluer les meilleures dotations nécessaires pour satisfaire les populations. Car, selon lui, si l’administration n’est pas présente, il n’y a pas d’Etat.
«Je suis venu m’enquérir de la situation, pour que, d’ici trois mois, il y ait une mise à niveau. Quant aux groupes armées, ils ont créé un précédent. Il faut ramener Kidal à la normale et on le fera».
Pendant la rencontre avec les élus, la société civile, la jeunesse et les handicapés, le Maire, Sadou Harouna Diallo, dira que la visite du PM dans les trois régions du Nord était très réconfortante et qu’à cet effet, au prochain Conseil municipal, il ferait la proposition de faire de Moussa Mara un «Citoyen d’honneur de Gao».
Lors des discussions, il a été question entre autres de la situation de l’école qui, selon Abdel Kader Haïdara, n’est pas fonctionnelle, à cause du manque d’enseignants. Plus de 400 enseignants, selon lui, manquent encore à l’appel, à cause de l’insécurité. Autre difficulté, le mobilier, car les tables et bancs ont été utilisés comme bois de chauffe par les jihadistes. Il a enfin indiqué que les agents de l’Etat ne sont pas payés, en plus de l’absence de certains services essentiels.
Dans sa réponse, le PM a reconnu certes que la situation était sérieuse. Toutes les administrations, selon lui, sont concernées Concernant l’ANICT, il dira que le Président de la République a été clair: toutes les agences vont démarrer en 2015. Il a invité les ministres qui l’accompagnaient à se prononcer sur les cas concernant leurs différents départements.
C’est ainsi que le ministre Mahamane Baby a fait le survol de tous les projets et programmes que l’Etat a mis en œuvre en matière d’emploi et de formation professionnelle. Pour conclure, il dira que les jeunes vont saluer les nouveaux efforts faits pour la mobilisation des fonds. Cette dernière étape a pris fin par la visite du PM et de sa délégation aux notabilités de Gao. A Tombouctou, tout comme à Gao, Mme le ministre de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille a procédé à la remise officielle d’équipements aux groupes de femmes.
Kidal : le rôle ambigu de la Munisma décrié
Dans l’après-midi, Moussa Mara a animé une conférence de presse sur les évènements qu’il a vécus à Kidal. Il a tenu à faire un rappel de bon sens: Kidal, selon lui, est une région du Mali et cela est reconnu par tous. L’administration malienne est reconnue et accepté par tous. Pour preuve, le gouvernement lance des appels d’offre et les responsables du MNLA soumissionnent, l’administration est au service de tous. L’Etat, c’est l’administration. «C’est pourquoi, en tant que chef du Gouvernement, j’ai sillonné les trois régions maliennes du Nord, pour m’assurer du bon déroulement du retour de l’administration. Notre seul ambition, c’est d’apprécier les difficultés et de proposer des solutions».
C’est aux environs de 12 heures 30 minutes que le chef du Gouvernement, accompagné de certains ministres, à bord d’un Hélico de la Minusma, vont atterrir au camp de la Munisma, situé à deux kilomètres de la ville de Kidal. Selon le PM, la Minisma et d’autres partenaires avaient été informés de sa démarche «Il n’y avait aucune raison de faire d’autres discussions».
Mais, au camp de la Minusma, il y a eu trop de tractations pour tout y faire. Proposition que le PM rejettera. «On a décidé d’aller au Gouvernorat. Ils nous ont convoyés au Camp 1. Ce sont tous les groupes armés qui se sont alors transportés au Gouvernorat. La Minusma a refusé de nous y accompagner. Au Gouvernorat, les tirs se sont amplifiés. On a discuté sous des tirs nourris, j’ai fait mon interview sous les tirs. Et, comme en partant au Gouvernorat on avait démobilisé la garde pour nous convoyer à la Minusma, les groupes armés ont profité de cette situation pour prendre les fonctionnaires qui y étaient en otage. La Munisma a voulu nous exfiltrer. On a refusé et préféré nous rendre au Camp 1, où il y avait nos militaires».
Autre précision, «personne ne nous a pris en otage. Nous sommes partis, la visite a été mouvementée, mais, quelque fois, il faut des chocs pour que des situations se débloquent. Et celle-ci, je pense qu’elle ’est en bonne voie pour être définitivement débloqué, en faveur de notre pays, le Mali».
Cette attaque, a-t-il conclu, constitue d’ailleurs une violation flagrante de l’Accord de Ouaga.
Pierre Fo’o Medjo, Envoyé spécial