Visite de Macron à Gao, côté français, côté malien : Vu côté français

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IBK accueillant Emmanuel Macron

Après une campagne présidentielle atypique, la plupart des Français ont reçu le choc des résultats du 1er tour, les partis politiques ancestraux passaient à la trappe. Restaient en lice, un jeune sorti quasiment de nulle part, et la candidate de l’extrême droite. Le soir du 7 mai 2017, Emmanuel Macron, victorieux, marchait seul dans la Cour du Louvre. Depuis, les yeux de la France entière sont braqués sur ses phrases, ses faits et gestes. 

Le 14 mai, officiellement investi, c’est dans son rôle de Chef des armées que lui confère l’article 15 de la Constitution française en vigueur, qu’il a remonté l’avenue des Champs Elysées à bord d’un véhicule militaire. Le soir même, l’entourage d’Emmanuel Macron disait qu’après sa visite à Angela Merkel, la Chancelière fédérale d’Allemagne, le président français rendrait «très prochainement visite aux forces militaires françaises stationnées à l’extérieur, probablement au Mali». Le 19, Macron atterrissait à Gao où se trouve la plateforme opérationnelle-désert de la Force Barkhane. Les Français ont regardé les images et écouté les discours de leur nouveau président.

Le voir à table avec les soldats, savoir qu’il avait survolé la Cité des Askia à bord d’un hélicoptère, ou l’entendre assurer, lors de sa conférence de presse conjointe avec son homologue malien, le président Ibrahim Boubacar Keita, que «l’opération Barkhane ne s’arrêtera que lorsqu’il n’y aura plus de terroristes islamistes dans la région», n’a sans doute pas été plus étonnant pour la plupart des Français que d’avoir entendu François Hollande proclamer à Tombouctou, le 2 février 2013, suite au lancement de l’Opération Serval, que c’était le jour le plus important de sa vie politique.

Les Français qui avaient qualifié de néocoloniale cette opération militaire française en territoire malien considèrent évidemment la venue de Macron à Gao comme le simple prolongement de la politique françafricaine de son prédécesseur. Les plus aguerris ont retenu que Macron était accompagné, non seulement de Sylvie Gouard, ministre des  armées, mais aussi de Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, et de Rémi Rioux, patron de l’Agence française de développement (AFD). Ils n’y ont vu que la confirmation des facettes européenne et économique du nouveau président qui, pendant toute sa campagne, avait prôné l’importance de l’Europe et de la diplomatie économique de la France. Les Français connaissent mal le «dossier Mali», ils classeront vite aux oubliettes cette journée passée à Gao. Ils sont déjà absorbés, voire noyés par la campagne pour les élections législatives dont les résultats détermineront la liberté de pouvoir que E. Macron aura pour diriger la France.

Vu côté malien

Entre deux voyages à l’extérieur, le président IBK a pris son avion pour aller accueillir Emmanuel Macron à Gao. Stupéfaction des Maliennes et des Maliens. Le nouveau président de la République française aurait dû faire escale à Bamako, la capitale du Mali, pour, avant toute autre activité, saluer son homologue, à Koulouba, le palais présidentiel. Si le protocole ne l’y obligeait pas, la tradition malienne l’aurait voulu. Avant de rendre visite à des gens, on va d’abord saluer le chef du village, le chef de famille. Et pourtant, en terre malienne, le jeune Emmanuel Macron  a «fait venir» son aîné, le président du Mali,  à Gao. L’immense majorité des Maliennes et des Maliens a été choquée, voire humiliée. Choquée et humiliée que la France, en la personne de son président, n’ait pas plus d’égard pour le Mali, de considération pour la culture malienne. Cette journée a été vécue comme un affront fait au Mali par l’ancien colon.

Entendre E. Macron dire que «l’opération Barkhane ne s’arrêtera que lorsqu’il n’y aura plus de terroristes islamistes dans la région» a été, pour beaucoup, la confirmation de ce qu’ils pensent, la France néocolonisera le Mali pendant des années et des années encore. Les Maliennes et les Maliens ont dû, comme souvent, être contents d’apprendre que pour l’AFD «un peu plus de 470 millions d’euros ont été décidés sur la zone pour les années à venir, ce qui permettra d’investir dans l’éducation, les infrastructures, la santé, afin de permettre à la population de mieux vivre». Beaucoup ignorent que cette «aide» ne fera qu’augmenter la dépendance diplomatique de leur pays. Cependant, ce qui ne leur a pas échappé, c’est la phrase prononcée par E. Macron en fin de conférence de presse : «je n’enverrai pas nos soldats se faire tuer si tous les gouvernements qui sont responsables de la situation localement ne prennent pas l’intégralité de leurs responsabilités»…. L’ultime coup de poignard lancé par le jeune président français à ses aînés africains.

Sur les réseaux sociaux, beaucoup ont ironisé sur l’absence de tapis rouge sur lequel IBK et beaucoup de présidents africains aiment à marcher, quels que soient les circonstances et le lieu. D’autres n’ont pas manqué de mordant en disant que la présence d’Emmanuel Macron à Gao avait été une bonne occasion pour IBK de revenir dans le septentrion. Quelles que soient nos analyses, nos mécontentements et ressentiments, qu’on soit Français, qu’on soit Malien, on peut espérer que cette visite éclair à Gao rappelle, à tous, la résistance de ses populations face à l’occupation islamiste en 2012.

Françoise WASSERVOGEL

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