A la vitesse du son, l’information a fait le tour du monde, dès qu’il y a eu les premiers assauts. Dans une folie inimaginable, les Islamistes du Mouvement Ansar Dine de Iyad Ag Aly s’en sont pris aux mausolées des saints à Tombouctou.
Décidemment, depuis l’occupation des trois capitales régionales du nord Mali, les jours se suivent, mais ne se ressemblent pas. Il ne se passe de jour que des informations ne viennent davantage convaincre le pouvoir en place à Bamako de son incapacité notoire à faire face à la situation désastreuse du nord dont il a hérité. Comme dans un film de science fiction, il y a environ deux semaines que deux jeunes de Tombouctou se faisaient fouetter conformément à la charia selon Iyad Ag Aly et ses sbires.
A peine remis de ce choc, la population de la ville des 333 saints, les Maliens et les amis du Mali devaient se réveiller le 30 juin 2012, avec une nouvelle encore plus terrible. « Les islamistes qui occupent la ville de Tombouctou viennent de mettre à exécution leurs menaces de destruction des 16 mausolées de saints. Ils sont passés à l’action et les destructions ont commencé ». C’est en substance le message sous forme de SOS que des habitants de Tombouctou ont lancé, à travers le « short Messenger service » ou SMS des téléphones portables.
Le message a été reçu 5/5 à Bamako et dans le reste du monde. A Ségou, où ils étaient réunis dans le cadre de l’adoption d’une série de projets pour la relance de l’action culturelle au Mali, les opérateurs culturels maliens, à la sortie d’une conférence débat animée sur la crise du nord par Dr Naffet Keita, au Centre culturel « Kôrè », ont individuellement reçu cette information comme des coups de marteau.
Patrimoine en péril
Et, comme s’ils avaient communiqué par télépathie, ils se sont tous mis à s’inquiéter davantage du sort qui sera réservé aux manuscrits de Tombouctou, sources exceptionnelles de connaissance pour toute l’humanité. En attendant, que des dispositions urgentes soient prises pour sauver ce qui reste, il faut dire que la furie indescriptible et inexplicable des islamistes, du samedi 30 juin 2012 au dimanche 1er juillet 2012, a détruit sept des seize mausolées de la ville mythique. Selon des témoignages, parmi les sanctuaires détruits, l’on a les mausolées de Sidi Mahmoud au nord de la ville, de Sidi Moctar au nord-est, d’Alpha Moya à l’est, de Cheikh el-Kébir, situés dans l’enceinte du cimetière de Djingareyber au sud. Si rien n’est fait, les islamistes ne vont pas s’arrêter en si mauvais chemin.
Mais, face à l’immobilité du Gouvernement Cheick Modibo Diarra et l’incapacité de la communauté internationale à chasser les islamistes du nord du Mali, les Maliens et les amis du Mali n’ont qu’à croiser leurs doigts et prier afin qu’une hypothétique onction divine inspire « les barbus » pour la préservation du patrimoine culturel des régions occupées, notamment les manuscrits de Tombouctou. Mais, que s’est-il passé pour que les islamistes s’en prennent aux mausolées ? Installés à Tombouctou depuis fin mars 2012, même si les islamistes avaient profané un ou deux mausolées de saints, il faut dire qu’aucune action forte n’avait été posée, allant dans le sens de leur destruction systématique. Depuis, la profanation de deux tombes par les islamistes, courant mois d’avril 2012, le Gouvernement du Mali avait sollicité l’UNESCO en vue de la prise sur le plan internationale de décisions fortes allant dans le sens de la protection, dans son ensemble, du patrimoine culturel des régions occupées.
Après une visite d’une délégation de l’UNESCO à Bamako, c’est avec joie que les autorités maliennes ont accueilli l’information selon laquelle, le jeudi 28 juin 2012, la ville de Tombouctou a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial en péril par l’UNESCO. Cette décision pourrait-elle motiver l’initiative des islamistes ? Quand on sait qu’ils ont tendance à faire souvent dans la provocation, en se liguant contre tout ce qui vient de l’occident, l’on pourrait le penser. Un porte parole de Ansar Dine à Tombouctou a mis fin au doute. Il a affirmé le samedi à l’AFP que le groupe agissait ainsi « au nom de Dieu » et en représailles à la décision de l’Unesco d’inscrire Tombouctou sur la liste du patrimoine mondial en péril.
Les réactions de condamnation
Le 28 juin 2012, l’agence onusienne a estimé que la présence des islamistes mettait en danger cette ville mythique, surnommée «la cité des 333 saints» en référence aux personnages vénérés de son passé qui y gisent. Elle l’a élevé au rang d’un patrimoine mondial en péril. Selon l’AFP, « lors des opérations de destruction dimanche, quelqu’un d’Ansar Dine a dit que partout où il y a des mausolées, ils vont les démolir, même dans les mosquées ». La menace est très sérieuse quand on sait que Tombouctou compte trois grandes mosquées: Djingareyber, Sankoré et Sidi Yahia.
En plus d’être des joyaux architecturaux témoignant de son apogée, toutes ses trois mosquées figurent sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Et, mieux, des saints sont enterrés dans les mosquées de Djingareyber et Sidi Yahia. On apprenait hier matin que la porte d’une mosquée datant du 15 siècle a été détruite. La salle besogne des islamistes a jeté un émoi dans l’esprit de l’humanité. Mme Fatou Bensouda, Procureur de la CPI, est monté au créneau. Elle a déclaré : « Mon message à ceux qui sont impliqués dans cet acte criminel est clair : arrêtez la destruction de biens religieux maintenant. C’est un crime de guerre pour lequel mes services sont pleinement autorisés à enquêter ». Selon elle, ses services suivent de très près les événements au Mali et n’hésiteront pas à prendre les mesures appropriées si les informations recueillies indiquent qu’un crime a été commis, quel qu’en soit l’auteur.
Pour sa part, l’Unesco a déploré les démolitions et le gouvernement malien a dénoncé « la furie destructrice assimilable à des crimes de guerre » du groupe islamiste armé Ansar Dine en menaçant les auteurs de ces actes de poursuites au Mali et à l’étranger. Le dimanche, la ministre malienne de la Culture, Mme Diallo Fadima Touré, présente à la réunion annuelle de l’Unesco à Saint-Petersbourg en Russie, a appelé les Nations unies à prendre des mesures pour arrêter ces crimes contre l’héritage culturel du Mali.
Lorsque la France regrettait une destruction délibérée de mausolées de saints musulmans, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, déplorait le fait que ces attaques contre des sites appartenant à l’héritage culturel soient totalement injustifiées. De son côté, le Maroc a réclamé une intervention urgente des Etats islamiques et de la communauté internationale pour protéger le riche patrimoine du Mali.
Assane Koné