Novembre, Décembre et Janvier, ce sont là des périodes au cours desquelles, il y a naguère longtemps, à Tombouctou, les habitants se frottaient les mains. Cela, à cause de la présence dans la ville de Bouctou, de centaines de touristes qui offraient aux populations 55% de leurs revenus annuels.
Hélas, les temps ont changé. Actuellement, faute de visiteurs étrangers, les hôtels et les rues sont déserts, et nombre d’artisans ont fermé leurs ateliers.
Rue "Henrich Barth" en plein centre ville à Tombouctou.
Ici, il n’y a personne, en dehors de cette vieille dame qui découpe quelques maigres poissons frais. Et pourtant, là, d’habitude, c’est à peine si l’on pouvait se frayer un chemin entre les touristes qui photographient ou filment cette célèbre maison dans laquelle avait séjourné l’explorateur allemand.
Là bas aussi, devant l’historique maison "Réné Caillé", seuls quelques mendiants jouent au ballon. A la maison des artisans, les boutiques sont inondées de marchandises, mais, point d’acheteurs.
C’est ce qui explique certainement, pourquoi, obstinément ce jeune cordonnier nous propose de lui prendre une pair de chaussures en cuir en lui payant juste la moitié du prix, en attendant de lui verser un autre jour, le reliquat.
A Tombouctou, rien ne va. La pauvreté et la misère sont perceptibles, et visibles.
"Vous savez nous dit ce jeune guide, la situation est catastrophique à Tombouctou. Le tourisme n’y est même plus dans l’agonie. Il est mort. Tout cela, à cause de l’insécurité imposée dans la région par des bandits face auxquels, nos forces Armées et de Sécurité ont montré toute leur impuissance. De quoi, ont toujours vécu les habitants de Tombouctou depuis la création de la ville ? Voici la réponse qu’aucun historien ne peut démentir : Tombouctou a toujours vécu du commerce et du tourisme. Il n’y a ici, pas une seule famille qui ne bénéficiait des ressources générées par le tourisme. Or, plus personne ne vient ici, même en ces périodes de campagne touristique. Actuellement, il n’y a, en dehors de la misère, plus rien ici."
Le constat de notre interlocuteur est réel et irréfutable.
En effet, dans la ville des 333 Saints, les hôteliers les plus heureux sont ceux-là qui hébergent un ou deux touristes qui d’ailleurs n’y passent jamais plus d’une nuit.
Les témoignages de cet exploitant d’un hôtel sont édifiants. "J’avais, il y a 3 mois enregistré 40 réservations pour des touristes français et Allemands, mais, il y a seulement quelques jours, tous, sans exception ont annulé leur voyage au Mali au profit d’une autre destination. J’avais pourtant investi 4 millions de Fcfa pour des aménagements. Je suis foutu."
Foutu ? Ce n’est pas seulement notre hôtelier qui l’est, c’est la vie même à Tombouctou qui semble foutue.
Et les indices ne trompent guère. En effet, de nos jours à Tombouctou, le kg du riz (lorsque l’on en trouve) est cédé à 750 Fcfa, obligeant les populations à se ruer sur les pattes alimentaires, cous-cous arabe et sur les boites de conserves.
"Nous sommes délaissés par nos autorités nous dit ce vieil non loin de la mosquée Sidi Yahia. A Tombouctou, il n’y a ni usine, ni fabrique. Et le tourisme qui offrait des emplois au jeunes est dans l’agonie…"
Sous le coup de l’émotion, le vieil homme n’arrivait plus à s’exprimer.
L’appel à la prière du muezzin mit fin à notre entretien. Le vieil homme se dirige vers la mosquée d’acôté. Avec certainement cette consolation : s’il n’y a plus de touriste à Tombouctou, Dieu en tout cas, y est.
Allah Akbar !
Boubacar Sankaré