Des membres des Groupes armés signataires de l’Accord pour la paix au Mali seraient « impliqués » dans des attaques terroristes et des trafics de migrants et de drogues. C’est ce qu’indique un Rapport de l’ONU sur le Mali. Ces groupes armés rejettent en bloc ces accusations, et dénoncent «un document ridicule et une diffamation».
Pour les Responsables de la Coalition du Peuple de l’Azawad, CPA, mouvement cité dans le rapport, « cette déclaration discrédite les efforts inlassables » qu’il est en train d’effectuer dans le domaine du maintien de la paix, de la sécurité et la réconciliation nationale. Selon le Président de la Coalition Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun, les Experts des Nations Unies ont produit leur document sur la base des informations qui ne reflètent pas la réalité sur le terrain : « Je me porte en faux. Cela est faux et même impossible. Ça me fait rire la CPA, elle est le rare mouvement qui a transporté souvent même des éléments des FAMA, des gendarmes qui amènent des urnes avec de l’administration dans les chefs-lieux de cercles. Nous sommes un mouvement politico-militaire qui est né de la souffrance de nos populations et qui est né pour empêcher à nos populations d’être embarquées dans des agendas de criminalité », se défend-on du côté de la CPA. Pour son Président, «elle est l’un des rares mouvements qui n’a pas quelqu’un dans le narcotrafic, dans la drogue, dans la criminalité, dans le trafic humain et qui n’a pas une histoire dans le terrorisme ».
Du côté de la CMA, ce sont certains membres du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) qui sont accusés dans le Rapport de « contrôler le passage des migrants à Talhandak», localité de la Région de Kidal, où, selon les Experts de l’ONU, ils «détiennent des femmes et les exploitent sexuellement». Pour le porte-parole de la CMA, Mohamed Ould Mahmoud, «l’ONU a produit un document amateur basé sur des inepties et des rumeurs ». Selon lui, « ce qui est certain et qui reste constant c’est que personne n’a jamais été impliquée dans quoi que ce soit par rapport à ces activités illicites ». Le porte-parole de conclure que « la CMA rejette catégoriquement l’accusation de viol. Ces pratiques ne font pas partie de la culture du nomade. Religieusement, culturellement, socialement, on ne peut pas s’adonner à des telles activités », répond Mohamed Ould Mahmoud.
Le Groupe armé GATIA, dont certains membres sont également cités par le Rapport dans le trafic de drogue et de migrants, n’a pas souhaité réagir.
C’est après ce rapport que le Conseil de sécurité de l’ONU prolonge d’un an le régime général de sanctions vivant le Mali. La décision a été prise ce mercredi à l’unanimité des 15 membres du Conseil. Cette prolongation intervient moins d’une semaine après la publication du rapport de l’expert indépendant de l’ONU pour le Mali. Ce rapport fait état de l’implication de certains responsables de groupes armés signataires de l’Accord pour la paix dans plusieurs attaques terroristes, des trafics d’armes et de drogues.
Adopté en septembre 2017, et demandé par le Gouvernement malien, ce régime de sanctions se veut « dissuasif ». Il vise à contrer les nombreuses entraves à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale signé en mai et juin 2015 entre Bamako et les Groupes armés. Le texte prévoit la possibilité d’interdictions de voyages et de gels des avoirs pour les entités ou individus responsables d’empêcher la mise en œuvre de l’accord d’Alger. Les contrevenants seraient nommément visés par des sanctions en cas de violations du cessez-le-feu, d’obstruction à la mise en œuvre de l’accord de paix, d’attaques contre les forces armées maliennes ou les Casques bleus, de violations des Droits de l’Homme ou d’obstruction à l’acheminement d’aide humanitaire. Le régime général des sanctions visant le Mali est, donc, prolongé d’un an. Cette prolongation intervient alors qu’un Rapport de l’ONU accuse certains Responsables des Groupes armés signataires de l’Accord d’Alger d’être impliqués dans des attaques terroristes ayant visé les forces nationales et internationales au Mali. Aussi, le Rapport fait état de la complicité de certains Responsables de ces Groupes dans les réseaux de passeurs et d’exploitation sexuelle des femmes migrantes. Face à cette situation, les Nations Unies veulent, donc, sévir. Pour l’Ambassadrice adjointe de la France à l’ONU «le temps des avertissements est terminé».Certains observateurs admettent que l’application stricte des sanctions contre tous ceux qui entravent la mise en œuvre de l’accord de paix peut booster le processus de paix. Cependant, ils estiment que, pour y parvenir, l’engagement de la Communauté internationale doit être plus contraignant surtout envers ceux qui ont des accointances avec les terroristes et les narcotrafiquants.
Pour certains observateurs, ces nouvelles déclarations des Nations Unies « ne peuvent rien changer dans le comportement des groupes armés sur le terrain ». Selon eux, il serait difficile que d’éventuelles sanctions onusiennes puissent provoquer l’accélération du processus de paix au Mali. Seul le processus de cantonnement, de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des ex combattants pourrait être la solution du retour définitif de la paix et de l’application de l’Accord d’Alger, ajoutent ces observateurs.
Hamadoun Maïga