Renforcer la lutte contre Aqmi au Sahel : tel est l’objectif de la première réunion en Afrique subsaharienne du Groupe d’Action contre le Terrorisme (Gact) ouverte dans notre capitale avec la participation d’experts sécuritaires des pays du G8, du Tchad, de la Mauritanie, du Niger, du Burkina Faso et du Maroc. Elle est élargie également à l’Onu, l’Union africaine, l’Union Européenne et la Cedeao. Le chef de la diplomatie malienne, Moctar Ouane, s’est d’emblée réjoui de « la marque d’estime et de confiance » que signifie pour lui la tenue d’un tel événement au Mali, surtout dans le contexte qui prévaut.
Allusion sans doute à l’enlèvement des otages français, malgache et togolais en septembre dernier à Arlit au Niger et détenus depuis, semble t-il, à Timetrine, au Mali. Pour sa part, l’ambassadrice du Canada, pays présidant le G8, Mme Virginie Saint-Louis, a déclaré que le G8 a fait du Sahel « une région prioritaire, en terme de sécurité et que le Gact « composé des Etats du G8 en plus de l’Australie, de l’Espagne, de la Suisse et de l’Union Européenne se réunit régulièrement pour discuter de la façon de coordonner en vue de fournir l’aide technique et de renforcer la capacité de lutte contre le terrorisme » en application de la résolution onusienne 1373.
Le Maroc mais pas l’Algérie
La diplomate canadienne, rappelant les actes terroristes qui ont endeuillé la région ouest africaine récemment, a insisté sur la nécessité d’une bonne collaboration sous régionale pour lutter contre Aqmi. Mais elle a aussi plaidé pour la collaboration en dehors de l’espace saharo-sahélien. Le représentant de l’Algérie ne pouvait pas lui répondre car la rencontre de Bamako se tient sans l’Algérie qui avait fait savoir officiellement qu’elle ne viendrait pas. Deux raisons peuvent expliquer cette absence. L’Algérie, comme on le sait, désapprouve toute implication occidentale dans ce qu’il qualifie de problème exclusivement régional.
Et comme pour prendre les devants, Alger avait multiplié les initiatives ces derniers mois pour construire une réponse régionale à la menace Aqmi. En fin septembre d’ailleurs, et à son initiative, l’Algérie avait pu obtenir du Niger, du Mali et de la Mauritanie, le principe de mettre en place un commandement militaire conjoint à Tamanrasset dans le Sud algérien ainsi qu’un centre de renseignement conjoint à Alger.
Deuxième raison de la bouderie algérienne : la participation marocaine. Le royaume chérifien, on se souvient, avait regretté plusieurs fois d’être mis à côté dans le cadre de la lutte antiterroriste alors qu’il se considère comme partie prenante et porteur de solution. Il y a trois semaines, à Alger, le ministre algérien des affaires étrangères avait balayé d’un revers de main l’éventualité d’une participation marocaine au motif que le royaume chérifien n’avait pas de frontière saharienne ou sahélienne. Nul doute cependant, Alger n’est pas content de la rencontre de Bamako. Mardi, l’Algérien Lyes Boukraa, directeur intérimaire du Centre d’Etudes et de Recherches sur le Terrorisme, animant une conférence de presse sur le terrorisme a une fois de plus trouvé dangereuse l’implication de l’Occident dans la lutte antiterroriste au Sahel, soutenant que la menace salafiste est réelle et urgente à combattre mais que les Etats Sahéliens en ont les moyens. Plusieurs autres titres de la presse algérienne ont fait leurs manchettes sur la question et notre confrère Jeune Afrique, dans son édition électronique d’hier, rapportait les propos d’un officiel algérien qui trouve « incompétente » l’armée malienne sur le fait qu’en septembre, un camion citerne censé ravitailler les positions mauritaniennes en carburant aurait été intercepté par Aqmi, dans la Région de Tombouctou, avant d’être siphonné de son contenu et brûlé.
Dernière ligne droite ?
La question de l’implication étrangère ne pouvait pas être absente du mini-sommet qui a réuni Bouteflika, ATT et Abel Aziz, la semaine dernière à Syrte, même si rien n’a encore filtré de cette entrevue. Pour plusieurs observateurs, la réunion de Bamako signifie un peu l’isolement d’Alger qui ne rate aucune occasion de vouer aux gémonies le Mali qu’il taxe de laxisme vis-à-vis d’Aqmi et même un peu la Mauritanie dont il approuve l’offensive militaire contre les Salafistes mais sans l’appui français. Preuve que la duplicité algérienne sur la question du terrorisme au Sahel est de plus en plus partagée ? Il y a sans doute un peu de cela.
Comme le pense cet analyste pourtant peu complaisant vis-à-vis de l’attitude malienne face aux menaces du Nord de notre pays, qu’Alger n’arrive pas à vaincre Droudkel et Johadi les chefs salafistes « retranchés dans des montagnes kabyles pas imprenables pour qui le veut vraiment » et qu’il s’acharne sur le Mali « est troublant ». De ce point de vue, poursuit l’analyste, Moctar Ouane qui, depuis plusieurs mois, croise les fers hors du Mali contre le tandem circonstanciel Mauritanie-Algérie, remporte certes une victoire diplomatique.
Mais, redoute t-il, « que le groupe d’action du G8 se déplace chez nous tient aussi lieu d’avertissement ». Contre tout faux fuyant désormais de la part du Mali. Car pour le G8 et l’opinion en général, les bases salafistes sont chez nous et le terrorisme ne peut être vaincu tant qu’elles sont là.
Mais la réunion de Bamako est aussi un avertissement contre les chefs salafistes Abu Zeid qui détient sept otages présentement et Belmokhtar. Preuves s’il en faut: les données sécuritaires réunies contre eux et dont certaines transpirent dans la presse dont l’état de leurs forces réelles à travers les investigations à l’infra-rouge. Reste que, occidentaux comme Algériens et Mauritaniens sont convaincus qu’Aqmi doit sa force à son réseau social et d’être là où les « Etats ne sont pas » pour reprendre la formule d’ATT. Mais c’est justement pour prendre en compte la dimension sociale de la lutte contre Aqmi que l’Occident est si bienveillant à l’égard du dernier des projets d’ATT pour notre septentrion, le PSPDN (Programme pour la Paix la Sécurité et le Développement au Nord) qui vient de prendre ses quartiers à ACI 2000 avec ses trois composantes : militaire, sécuritaire et développementale.
Adam Thiam