Tempête dans l’opinion publique, tempête dans le monde politico-médiatique : comment expliquer la déroute de l’armée malienne ? Qui a donné les ordres ? Le processus de normalisation du pays est-il remis en question ?
Le journal L’Indépendant tente de répondre à la question militaire. « Dans les milieux de l’armée, les langues commencent à se délier, affirme-t-il. Ainsi, beaucoup dénoncent le fait, pour la hiérarchie militaire, d’avoir jeté son dévolu sur des jeunes qui n’ont pas encore une année d’expérience dans l’armée pour faire face à des combattants aussi aguerris qu’intrépides. C’est ainsi qu’il nous est revenu, affirme L’Indépendant, que l’essentiel des troupes combattantes des FAMA du 21 mai dernier était constituée par le bataillon du GTIA, du Groupement tactique interarmes Balanzan. Au total, 1.500 recrues sorties du Centre d’Instruction de Tiby, en décembre dernier… » Qui plus est, souligne L’Indépendant, « la hiérarchie militaire ne s’est pas entendue sur les éléments à envoyer au front. Au moment où certains demandaient de n’envoyer que des soldats avec au moins cinq ans de carrière dans l’armée, d’autres, par contre, ne faisaient pas le distinguo. C’est ainsi que les éléments du GTIA Balanzan ont été envoyés pour la bataille du 21 mai. »
Et puis, autre question « qui taraude particulièrement les esprits, s’exclame L’Observateur Paalga au Burkina : qui a bien pu donner l’ordre à ce millier de soldats maliens d’attaquer les bases touarègues à Kidal, après les incidents meurtriers suite à la visite dans la même ville du Premier ministre malien Moussa Mara ? »
Et bien, répond L’Observateur Paalga, « le ministre en charge de la Communication, Mahamoudou Camara, a déclaré, à la surprise générale, que le président IBK n’avait pas été informé au préalable de l’offensive militaire contre le MNLA à Kidal. Si c’est vrai que le chef suprême des armées a lui-même été mis devant le fait, disons plutôt devant le forfait accompli, c’est qu’il y a quelque chose de pourri dans l’ancien empire du Mali. Et c’est gravissime. A moins que Mahamadou Camara n’ait usé d’un subterfuge pour protéger Ibrahim Boubacar Keita d’une infamie. En tous les cas, souligne L’Observateur Paalga, cette débâcle de l’armée régulière face aux mouvements séparatistes illustre au grand jour le degré de déliquescence de la gardienne des institutions. Elle est aussi la preuve que les mesures de restructuration prises aux lendemains de l’occupation du Nord par les groupes armés sont loin d’avoir produit leurs effets sur la Grande Muette. »
Moussa Mara montré du doigt
Pour de nombreux médias maliens, le grand responsable, c’est le Premier ministre, Moussa Mara… En effet, pour L’Indicateur du Renouveau, « l’élément déclencheur reste incontestablement la visite forcée du Premier ministre à Kidal le 17 mai, dans les conditions de préparation que l’on sait désormais. Les conséquences sont là. Il s’agit plus aujourd’hui de les assumer et de les gérer plutôt que de se morfondre dans des actes de purs enfantillages (déclarations radiodiffusées de soutien à x ou y ; marches de protestation ( ?) et sit-in, entre autres). Toutes choses qui contribuent à éroder le peu de crédit et de crédibilité dont nous pouvons encore nous prévaloir aux yeux du reste du monde. Cette succession d’événements les plus maladroits et tragiques les uns les autres, démontre à suffisance, conclut L’Indicateur du Renouveau, l’incompétence des autorités actuelles à définir une meilleure stratégie pour sortir le pays du trou. »
Et puis Le Républicain , toujours à Bamako, hausse le ton… « Après avoir commis le péché d’engager l’armée dans ‘une guerre’ à Kidal pour assurer, disait-il, la sécurité des personnes et de leurs biens qui, au finish, s’est soldée par un fiasco, le Premier Ministre, Moussa Mara veut, aujourd’hui, s’en laver les mains, pour échapper à un blâme de la Communauté internationale, pour non respect du cessez le feu. Mara fuit ses responsabilités, s’exclame le quotidien bamakois, et tente de rejeter la faute sur la Grande muette en reconstruction.(…) Comment après avoir déclaré que le Mali était en guerre, après avoir acheminé les renforts sur Kidal, et après avoir décidé d’apporter une riposte cinglante, peut-on dignement soutenir que l’engagement de l’armée n’était pas une décision politique ? Pour l’honneur et la dignité de l’armée, conclut LeRépublicain, Mara doit assumer. »
Enfin, autre responsable, indirect, de ce désastre : l’Union africaine, estime le site d’information Guinée Conakry Infos … « Pensée par les pères-fondateurs pour réparer les torts causés à l’Afrique par la conférence de Berlin, l’Union Africaine ne réussit rien sans l’intervention explicite des anciennes puissances coloniales, déplore le site guinéen. Les cas du Mali, de la Centrafrique, du Nigéria avec Boko Haram, ou encore du Soudan du sud sont, à propos, très éloquents. (…) A aucun moment, constate encore Guinée Conakry Infos, l’intervention directe et indépendante de l’UA n’a été décisive. Son rôle se limitant aux déclarations de principe. »