Le Tchad menace de retirer ses troupes des opérations de la Minusma et du G5 Sahel

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KIDAL Un soldat tchadien abat froidement son commandant
soldats tchadiens de la Minusma

Le Tchad “sera dans l’obligation de se retirer” des opérations militaires en Afrique “si rien n’est fait” pour aider financièrement le pays qui traverse une sévère crise économique et sociale, a assuré dimanche le président tchadien Idriss Déby Itno.

« Nous n’avons pas du tout été soutenu sur le plan financier, économique. Si rien n’est fait, si ça continue, le Tchad sera dans l’obligation de se retirer » des opérations extérieures sur le continent, a expliqué le président dans un entretien à RFI, TV5 Monde, et le quotidien Le Monde.

« Nous ne pouvons pas continuer à être partout »

Au Mali, le Tchad forme le troisième contingent le plus important de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma), avec 1.390 hommes. Par ailleurs, 2.000 soldats tchadiens sont engagés dans la Force multinationale mixte, créée en 2015 conjointement par le Niger, le Nigeria, le Tchad et le Cameroun, pour combattre le groupe islamiste nigérian Boko Haram.

« Nous ne pouvons pas continuer à être partout, au Niger, au Cameroun, au Mali. Tout cela coûte excessivement cher », a-t-il continué.

Concernant la formation de la force conjointe du G5 Sahel, le président tchadien a exprimé sa réticence quant à une participation tchadienne, arguant ne pas pouvoir « avoir 1.400 hommes au Mali (…) et dans le même temps avoir 2.000 soldats dans le G5 Sahel ».

« On ne peut pas faire les deux à la fois, être dans le G5 Sahel et en même temps dans une autre mission sur le même théâtre », a expliqué le chef de l’Etat, au pouvoir depuis 1990.

« Nous sommes arrivés au bout de nos limites »

En février à Bamako, les chefs d’Etat du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad), avaient annoncé la création d’une force militaire conjointe visant à enrayer l’expansion des groupes jihadistes dans la région.

Une résolution saluant le déploiement de cette force a été adoptée mercredi au Conseil de Sécurité des Nations Unies.

« Je suis absolument certain que les Tchadiens sont déçus. Ils estiment que le Tchad en a trop fait, qu’il doit se retirer. Nous sommes arrivés au bout de nos limites », a indiqué M. Déby.

« L’année 2018 va être une année déterminante. Fin 2017, début 2018, si cette situation devait perdurer, le Tchad ne serait plus en mesure de garder autant de soldats à l’extérieur de son territoire », a-t-il assuré.

Le Tchad est depuis plusieurs années en proie à une sévère crise économique et sociale, aggravée par la faiblesse des cours du pétrole.

Tchad : d’ex-Casques bleus dénoncent le non-paiement de leur salaire

Plusieurs Casques bleus tchadiens ayant servi au Mali ont dénoncé cette semaine le non-paiement de leur salaire et de leurs primes auprès du gouvernement et des Nations Unies.

Les délégués des anciens Casques bleus tchadiens de la Minusma ont annoncé mercredi 7 juin une opération « Brûler le béret bleu de l’ONU », au nom des deux contingents de quelque 1 275 hommes qui faisaient partie de la mission onusienne entre 2014 et 2016. « Nous n’avons perçu ni notre salaire mensuel (1 087 dollars), ni prime de risque, ni prime de chaleur » a fait savoir à l’AFP Maxime Altora, l’un des délégués. « C’est le même sort qui attend le troisième contingent tchadien, actuellement sur le terrain » a-t-il mis en garde.

« Nous voulons que nos voix soient entendues »

Avec près de 1 390 hommes sur le terrain, le contingent tchadien est le troisième plus important de la Minusma : il compte 14 000 hommes au total, après le Bangladesh et le Burkina Faso. Le chef de la Minusma est par ailleurs l’ancien ministre des Affaires étrangères du Tchad, Mahamat Saleh Annadif. « Nous voulons que nos voix soient entendues par le gouvernement tchadien et par l’ONU », a poursuivi Maxime Altora. Silence radio, du côté du ministère tchadien de la Défense.

« Normalement, les Nations unies paient les pays contributeurs, qui gèrent les paiements avec les soldats qu’ils ont déployé », a indiqué à l’AFP la porte-parole de la Minusma, Radhia Achour. « Nous vérifions l’état de nos paiements au Tchad », a-t-elle ajouté.

Une mission à risque 

Les protestataires exigent également la libération de quatre de leurs collègues « arrêtés il y a trois mois alors qu’ils étaient en réunion devant la direction générale de l’intendance militaire » et rappellent les risques de leur mission dans le nord du Mali. À Kidal vendredi 9 juin, trois Casques bleus ont été tués dans une attaque visant la Minusma. Des soldats tchadiens avaient déjà abandonné leurs positions en signe de protestations en septembre 2013 et en novembre 2014.

Victime d’une sévère crise économique, le Tchad est un partenaire stratégique de l’Occident dans les opérations militaires anti-jihadistes au Mali et dans la bande sahélo-saharienne, de l’opération Barkhane dont le siège est à N’Djamena ou du G5 Sahel (Tchad, Niger, Burkina Faso, Mali, Mauritanie).

Où le G5 Sahel va-t-il trouver l’argent pour doubler les effectifs de sa force conjointe ?

Les pays membres du G5 Sahel ont annoncé début juin qu’ils allaient doubler les effectifs de leurs forces conjointes, les faisant passer de 5 000 à 10 000. Leurs partenaires occidentaux se demandent où ils comptent trouver les fonds nécessaires.

Le 5 juin, à Bamako, les ministres des Affaires étrangères des pays membres du G5 Sahel ont annoncé que les effectifs de leur force conjointe passeraient de 5 000 à 10 000 hommes. Une annonce qui laisse leurs partenaires occidentaux circonspects. « Où vont-ils trouver ces 5 000 soldats supplémentaires ? Et, surtout, avec quels moyens ? » s’interroge un diplomate européen. Selon un ministre sahélien, le budget nécessaire est estimé à 400 millions d’euros. L’UE en a déjà promis 50.

Pour le reste, les membres du G5 Sahel comptent sur le soutien de leurs partenaires internationaux (Banque mondiale, FMI…) et misent surtout sur le prochain sommet des chefs d’État de l’organisation, le 2 juillet, à Bamako.

Selon un autre ministre sahélien, ils espèrent y obtenir un important soutien matériel et financier de la France, ainsi que de l’Allemagne. D’autres pistes (onusienne, américaine et chinoise) sont à l’étude, confie une source diplomatique, qui dit s’activer « tous azimuts ».

Opérationnelle le plus rapidement possible

Les chefs d’État du G5 Sahel souhaitent en outre que leur force conjointe de lutte contre le terrorisme soit opérationnelle le plus rapidement possible, même si celle-ci ne dispose pas encore des 10 000 hommes annoncés. Objectif : lancer les premières opérations avant la fin de l’année 2017.

Pour cela, les pays membres du G5 Sahel comptent d’abord s’appuyer sur les forces militaires des trois pays dits du « fuseau central » : le Mali, le Burkina Faso, et le Niger – lesquels avaient déjà amorcé un projet de force conjointe pour sécuriser leurs zones frontalières. « Des troupes sont déjà sur place le long des différentes frontières. Cela n’est donc pas compliqué de les mobiliser pour faire partie de cette future force », glisse un ministre d’un pays concerné.

Signe de cette volonté d’accélérer le tempo, le général Didier Dacko, jusqu’à présent chef d’État-major général des armées maliennes, a été nommé le 7 juin commandant en chef de la force conjointe du G5 Sahel. Selon des sources concordantes, le futur quartier général de celle-ci devrait d’ailleurs être installé à Bamako, le Mali étant considéré par tous comme le principal théâtre d’opérations.

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