«Moi, je ne dis pas que le pays nous appartient parce qu’il y en a qui croient que le pays leur appartient. Nous, nous appartenons à notre pays. Nous sommes au service de notre pays. C’est pourquoi, je dis que nous ne laisserons personne penser même une minute qu’il peut tirer un gain politique personnel en se servant des épaules, des têtes de chacun comme escaliers. Ça, ce n’est pas possible». Ces propos ont été tenus par le président de l’Alliance pour la solidarité du Mali-Convergence des forces patriotiques (Asma-Cfp), Soumeylou Boubèye Maïga. C’était lors du forum des femmes leaders du parti, tenu le samedi 31 mai au Centre international de conférence de Bamako. Nous vous proposons ici un extrait de son discours.
«….C’est un forum que nous avons commencé à préparer depuis longtemps. Depuis janvier 2012, nous avions envisagé d’organiser un forum pour les femmes leaders du parti parce que nous connaissons bien la place, le rôle des femmes dans le tissu économique et social et nous avions estimé qu’il fallait célébrer les femmes leaders et surtout les femmes rurales. Parce que toute la création de richesses en milieu rural, du moins une bonne partie, repose sur l’effort des femmes. Malheureusement, ces efforts en milieu rural comme en milieu urbain ne sont pas toujours récompensés dans les prises de décisions dans la sphère institutionnelle pour que les femmes pèsent davantage avec leurs sensibilités, leurs compétences et leurs particularités.
Malgré les difficultés, cette année, nous avons tenu à organiser ce forum. Nous faisons ce forum dans un contexte où les enjeux pour notre pays demeurent importants et constants. Ce sont des enjeux liés à la question de savoir comment préserver l’unité de notre pays dans le respect de sa diversité, parce que la crise que nous connaissons depuis 2012 a permis à chacun de se rendre compte que nous sommes un pays uni, une Nation unie, mais avec une grande diversité. Et ces diversités là, si elles ne sont pas prises en charge pour que la cohésion sociale soit davantage assise, nous aurons toujours des difficultés.
Nous sommes aussi dans un contexte de guerre permanente parce que dans le Nord de notre pays, depuis 2012, il y a là-bas une alliance permanente entre ceux qui sont dans revendications politiques et ceux qui sont dans le terrorisme et le trafic. C’est pourquoi, quand j’étais dans mes fonctions précédentes, j’ai toujours rappelé à l’opinion que la partie nord de notre pays que nous considérerons être en guerre permanente, va de Nara à Tessalit. Sur cette partie, chaque fois que nos soldats rencontrent les adversaires, ils les combattent. Parce que nous-mêmes, nous nous sommes dit que dans cette partie, nous sommes en guerre permanente. Notre gendarme (une dame) qui est devant la porte, si on lui dit que pendant toute la durée de notre cérémonie, il ne faut pas laisser personne rentrer, c’est ça qu’elle va faire. Si quelqu’un veut rentrer maintenant, elle n’a même pas besoin de nous demander : Est-ce que je dois le laisser rentrer ? Non, elle l’empêche de rentrer, ça réussit ou pas, c’est autre chose. Mais je ne vais pas la féliciter parce qu’elle a pu empêcher de rentrer ou la réprimander parce que qu’elle n’a pas pu. L’important, c’est qu’elle fasse ce qu’on lui dit de faire. Ceci pour dire que la tragédie qui nous est arrivée, on attend beaucoup de choses. Je suis persuadé que l’histoire rétablira les faits un jour. Mais les leçons qu’il faut retenir, c’est que quand nous sommes en responsabilité publique, si on a l’obsession d’être bien vu tout le temps par tous, on oublie ce qu’on a fait et ce qu’on a dit. Dans l’action publique, j’ai toujours considéré qu’il y a ceux qui montent la garde et ceux qui cherchent les tribunes. Nous, nous montons la garde, quoi qu’il arrive. Souvent, sous les tribunes, il y a des abris ; donc on peut passer d’une tribune à un abri. La distance n’est pas grande ; ceux qui cherchent les tribunes sont aussi dans les abris.
Puisque nous avons des débutés à l’Assemblée nationale, dès le lundi, nos députés vont saisir leurs collègues de tous les groupes parlementaires, le président de l’Assemblée nationale pour que l’Hémicycle qui incarne le peuple, mette en place une Commission d’enquête parlementaire. En ce moment là, je serai prêt à aller témoigner devant la Commission et mettre à sa disposition toutes les communications, tous les Sms qui ont été échangé, parce que nous savons par nos services, nous savons aussi par d’autres services, ce qui a été échangé entre les gens qui étaient sur le terrain. En ce moment, on verra bien qui a échangé avec qui, qui a dit quoi, qui a été le dernier à leur parler, qui a continué à leur parler. Mais il ne faut pas qu’on se trompe d’enjeux. L’enjeu aujourd’hui, c’est de travailler à l’unité du pays. C’est de travailler à une union nationale même, parce que les enjeux pour le pays sont énormes. Nous nous sommes clairement dans le projet pour le Mali. Nous avons soutenu le candidat IBK, à un moment où le vent ne lui était pas favorable. Donc, nous ne sommes pas dans le camp du président d’aujourd’hui, parce qu’on a su qu’il gagnait. Mais nous sommes unis sur la vérité, sur l’endurance. Et nous ne laisserons personne, imaginez une seule minute, qu’il peut tirer un gain politique personnel de la tragédie qui frappe tout le pays.
J’entends des choses quelques fois et je me dis que soit les gens sont ignorants de ceux qu’ils disent, soit il y a une absence d’intégrité intellectuelle. Dans les deux cas, c’est extrêmement grave. Donc, aujourd’hui, ce que nous devons tous savoir, c’est que nous avons des milliers des soldats qui sont toujours là-bas, qui nous défendent en se sacrifiant avec honneur, avec les moyens que l’Etat leur donne, avec l’idée qu’eux-mêmes se font du pays. Malheureusement, ça peut leur réussir comme ça peut ne pas leur réussir. Il y en a qui en meurent quelques fois, nous avons enregistré 50 morts. Dans cette tragédie là, notre problème, c’est de ne pas essayer de sauver notre tête, parce que les tâches dans lesquelles chacun est pour le pays, ça dépasse nos individualités. Et dans la vie publique, chaque étape ouvre d’autres étapes. Le plus important pour nous, c’est que les étapes suivantes soient toujours dans la continuité de ce que nous faisons. Nous sommes tous très engagés au service de notre pays.
Moi, je ne dis pas que le pays nous appartient, parce qu’il y en a, qui croient que le pays leur appartient. Nous, nous appartenons à notre pays. Nous sommes au service de notre pays. C’est pourquoi, je dis, nous ne laisserons personne penser, même une minute, qu’il peut tirer un gain politique personnel, en se servant des épaules, des têtes de chacun comme escaliers. Ça, ce n’est pas possible. Donc, nous allons proposer à l’ensemble des groupes parlementaires la création d’une Commission d’enquête parlementaire.
Mais, au jour d’aujourd’hui, ce n’est pas le destin individuel qui compte, mais c’est comment sauver notre pays. Comment sauver notre pays, c’est pouvoir prendre conscience que nous sommes dans un pays de différences, mais un pays d’unité. Parce qu’en dépit de notre diversité, chaque Malien a en lui une partie des autres Maliens. C’est pourquoi, nous avons estimé que dans la période qui s’ouvre pour le pays, les femmes sont appelées à jouer un rôle essentiel, un rôle d’intelligence, un rôle de modération, un rôle de stabilisation pour que le pays reste uni, mais qui doit faire face chaque jour à des défis très importants».
Diango COULIBALY