Sortie de crise au mali reforme de l’état et réconciliation nationale : Hiérarchiser les priorités

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Le traitement prioritaire  de la question du Nord ne doit pas éclipser la nécessité d’apporter des réformes d’ensemble aux graves problèmes de gouvernance au cœur de la crise. De fait, l’ensemble du territoire malien, et non la seule partie septentrionale, a besoin de bénéficier d’une meilleure présence de l’Etat et d’un nouveau dynamisme économique.

 

 

 

En effet, la décentralisation constitue aujourd’hui la réponse privilégiée par le gouvernement et ses partenaires non seulement pour répondre au sentiment de marginalisation du Nord, mais également pour engager une réforme plus large de la gouvernance. Les états généraux d’octobre ont dressé le bilan des politiques de décentralisation engagées depuis 1999. Ils pointent notamment l’insuffisant transfert des ressources entre l’Etat et les collectivités territoriales, la nécessité de développer l’échelon régional et de réévaluer le rôle des autorités traditionnelles notamment en matière de dialogue et de réconciliation.

 

 

La décentralisation devra cependant être appliquée avec prudence.

Derrière la question de la décentralisation, l’enjeu essentiel est celui des services et des ressources que l’Etat fournit aux communautés. Après la crise au Nord, l’Etat devrait donner la priorité à la remise en route des services sociaux de base, notamment sur le plan scolaire et sanitaire. Malgré les déclarations, la présence de l’Etat dans le Nord est toujours modeste. Elle est trop souvent associée à la figure du militaire ou du gendarme et pas assez à celle de l’infirmier ou de l’instituteur. Il ne s’agit pas simplement de déployer des moyens et du personnel, mais également de restaurer la confiance de la population dans les représentants de l’Etat et les services publics.

 

 

 Rompre avec l’impunité en matière de lutte contre la corruption

Lors de son discours d’investiture du 4 septembre 2013, le président IBK a déclaré que « nul ne va s’enrichir de manière illicite sur le dos du peuple malien ». Son propos fait alors écho aux avertissements lancés par les partenaires du Mali réunis le 15 mai 2013 à Bruxelles lors de la conférence des donateurs : l’aide internationale ne saurait reprendre sans une réforme profonde de la gouvernance et une lutte décisive contre les pratiques de corruption et de détournement qui gangrènent le pays. Ces discours ne sont pas nouveaux. Ni les dirigeants maliens, ni leurs partenaires ne découvrent maintenant l’état calamiteux de la gestion des fonds publics au Mali. Depuis plusieurs années, les rapports du vérificateur général de la République pointent publiquement les dysfonctionnements de l’administration.

 

 

La solution ne passe pas tant par le développement de nouvelles institutions que par l’application réelle des mécanismes existants, qui ont été paralysés par le manque de volonté politique et la forte impunité qui entourent la corruption. L’impulsion doit venir du sommet de l’Etat. Le pouvoir doit laisser libre cours à la justice. Les objectifs doivent également être réalistes : nul n’attend que la corruption disparaisse subitement au Mali, mais des premiers exemples significatifs doivent survenir rapidement.

 

 

Ces exemples, selon le dernier rapport de l’International Crisis Group ne doivent d’ailleurs pas concerner les seuls adversaires du pouvoir actuel, au risque d’apparaitre comme un outil trop politisé.

 

 

La responsabilité de la lutte contre la corruption n’incombe d’ailleurs pas uniquement aux autorités maliennes. Les partenaires internationaux souhaitent aujourd’hui introduire de nouveaux mécanismes pour garantir la transparence dans l’usage des fonds internationaux alloués au Mali. Il convient de dresser un bilan sans concession, des raisons qui ont poussé l’Etat comme ses partenaires à maintenir l’illusion d’un pays modèle.

 

 

Entreprendre la réforme du secteur de la sécurité

Toujours, selon le rapport de l’international Crisis Group, la crise de 2012 a mis en évidence la nécessité de repenser en profondeur les structures et les missions des forces armées au Mali. Le problème spécifique de la sécurisation du Nord ne doit pas oblitérer l’intérêt d’engager une réforme plus générale des forces armées. Celle-ci doit mener de front un double objectif : reconstituer un appareil sécuritaire efficace capable de remplir sa mission de protection du territoire, et garantir le caractère républicain d’une armée qui ne s’immiscerait plus dans le politique.

 

 

La lutte contre la petite criminalité sur les axes routiers, qui freine l’activité économique et envenime les relations intercommunautaires au Nord, ne doit pas être négligée parce que les acteurs internationaux privilégient des menaces plus importantes à leurs yeux comme le terrorisme ou les narcotrafics. Certes, il existe des liens entre réseaux criminels et réseaux jihadistes mais ces derniers ne se confondent pas.

 

 

On ne neutralise pas les éléments d’une katiba de la même manière que l’on démantèle un réseau de drogue ou que l’on met fin aux activités de « coupeurs de route ».

 

 

Les forces de sécurité maliennes doivent se former aux différents défis sécuritaires et pas seulement à ceux qui semblent prioritaires à leurs partenaires occidentaux.

 

 

Au-delà de l’armée, la réforme de la sécurité doit également s’étendre à d’autres corps comme la police, la garde nationale ou la gendarmerie.

Enfin, le Mali doit pleinement participer aux efforts actuels pour construire une architecture régionale de sécurité. Par le passé, le pays était perçu par certains voisins comme le maillon faible de la sécurité régionale. Il importe désormais que le Mali participe à la relance des efforts de coopération régionale en matière de sécurité. La tâche apparait cependant difficile :si tous s’accordent à penser que les menaces sont transfrontalières, il y a actuellement beaucoup de méfiance entre les pays concernés.

 

 

Harmoniser réconciliation et justice

Pour l’ONG, l’Etat et ses partenaires doivent se garder de développer une structure budgétivore déconnectée des dynamiques locales. Les pouvoirs publics et leurs partenaires doivent également résister à la tentation d’imposer une réconciliation factice.

 

 

Ils doivent engager dans la durée un dispositif d’appui permettant aux communautés elles-mêmes de définir les conditions d’un nouveau vivre ensemble. Pour cela, il est important de développer des arènes de dialogue collectif au niveau local et veiller à ce que ces instances ne soient confisquées par aucune communauté ou groupe. Les sociétés du Nord et en particulier les Touareg n’ont pas seulement besoin de redéfinir leur rapport à l’Etat. Ils doivent aussi trouver une manière plus pacifique de faire face aux nombreuses fractures internes qui les caractérisent.

 

 

Au Mali comme ailleurs, le dialogue et la réconciliation se heurtent cependant parfois au besoin de justice. Pour faciliter les négociations, des mandats d’arrêt ont ainsi été annulés en octobre, provoquant l’ire de magistrats maliens. Pour certains, cette décision est nécessaire et témoigne de la détermination de la nouvelle équipe dirigeante à mener le dialogue même au prix de décisions impopulaires. D’autres regrettent cependant une mesure sélective et peut-être liée à des enjeux électoraux.

 

 

De manière générale, l’équipe dirigeante doit éviter de promouvoir une justice du vainqueur, laquelle épargnerait ceux qui se rallient au pouvoir pour ne poursuivre en justice que ceux qui s’opposent.

 

 

Dans tous les cas, les concessions nécessaires au maintien du dialogue ne doivent pas perpétuer une impunité générale qui a sa part de responsabilité dans la crise actuelle.

 

 

Comme quoi, il importe en ce moment crucial de l’histoire de notre que tous les Maliens soient derrière le Chef de l’Etat pour le permettre d’aboutir aux résultats escomptés.

 

Dieudonné Tembely

 

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