Situation sécuritaire au nord du Mali : Tombouctou devenu une poudrière

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Les récentes attaques «rebelles » contre les camps militaires de Ménaka, Aguel Hoc et Léré ont coupé le sommeil aux populations au nord du Mali. A Tombouctou, les populations redoutent deux scénarii dont le premier, le pire, serait une attaque contre les communautés arabes. L’autre est relatif au risque d’amalgame au cours des représailles de l’armée malienne. Mais en attendant, plusieurs familles ont préféré mettre leurs membres  à l’abri.

Samedi 28 janvier, au moment où nous arrivons à Tombouctou, la ville a perdu ses derniers charmes. La terreur et l’angoisse se lisent sur tous les visages. Au bord du fleuve, les deux bacs continuent de faire la navette. Sous pression, les pilotes tentent de déployer leurs dernières énergies pour acheminer des 4X4 chargés et attendant sur les rives. A notre arrivée, une dizaine de pick Up chargés traversent le fleuve. En direction de Bamako pour certains, vers le grand désert pour d’autres. En tout cas, chacun cherche à amener sa famille aussi loin que possible de cette zone où la menace du chaos plane.

«Nous n’avons pas des assaillants touareg. Ce qui nous fait peur le plus, ce sont les risques d’amalgame lors des représailles de l’armée qui pilonne la zone avec des avions. Il est difficile de faire preuve de discernement s’il s’agit d’une opération aérienne. Les soldats ne font pas la différence entre arabes et tamasheks. Le mieux pour nous, c’est de mettre nos familles à l’abri». Notre interlocuteur, qui a requis l’anonymat, est un commerçant arabe qui rappelle avec amertume les tristes événements de 1994, lorsque l’armée malienne avait sévèrement réprimé la rébellion touareg. «Dans l’histoire, nous les arabes, ne nous sommes jamais rebellés en réalité. Nous sommes des commerçants et les commerçants n’aiment pas les problèmes», nous confie Edmir Baby, grand commerçant à Tombouctou.

Selon ce dernier, il faut effectivement craindre que, par erreur, les communautés arabes soient touchées. Une mise en garde formelle partagée par l’ensemble des chefs de tribus et fractions arabes qui ont reçu, le jeudi dernier, une forte délégation conduite par le ministre El Moctar. Au cours des échanges entre responsables de la communauté nomade, il est ressorti que tout Tombouctou redoute une attaque «rebelle» contre leur ville. «Nous ne sommes plus prêts à subir impunément des scènes de pillage». C’est bien ce message que le ministre El Moctar et sa délégation ont été chargés de transmettre au président de la République, Amadou Toumani Touré.

A travers la ville, tout le monde est accroché au téléphone. Tous les réseaux sont saturés. Même les réseaux satellitaires ne suffisent plus à rassurer les populations.

Ce samedi, une rumeur a circulé à Tombouctou, selon laquelle la ville de Léré continue d’être l’objet d’opérations des forces aériennes de l’armée malienne. Ici, tout est rumeur. Officiellement, il est impossible d’avoir la moindre information sur ce qui se passe un peu plus loin. La psychose a gagné la population, les exposant à toutes formes d’intoxication. «Ce que nous déplorons le plus, c’est que le gouvernement ne communique pas pour nous donner la vraie information. Nous pensons que l’Etat doit faire un effort pour rassurer les populations», explique M. Ould Mohamed, un autre commerçant.

Aux environs de midi, une autre rumeur a circulé par rapport à l’enlèvement d’un véhicule. Après vérification, nous avons découvert qu’il s’agissait de l’ambulance de l’Hôpital de Tombouctou, curieusement enlevée en plein jour, dans une ville qui devrait pourtant être sous surveillance militaire. Tous les véhicules 4X4 de la ville sont stationnés devant le commissariat où ils sont sensés être en sécurité.

Dans cette atmosphère lourde de menaces, la population ne sait plus où donner de la tête. En ville, nous n’apercevons aucune patrouille militaire ou policière. Pourquoi ? Nous n’avons eu aucun moyen de le savoir.

A l’issue de nos enquêtes, nous avons découvert que plus d’une centaine d’hommes appartenant à une milice purement arabe, veille au sommeil des Tombouctiens. Ils sont basés à une trentaine de kilomètres aux alentours de la ville.

En attendant d’être rassurés par une présence militaire, ceux des habitants de Tombouctou qui ont les moyens de mettre leur famille à l’abri, n’hésitent pas. A Léré et à Ménaka, les populations ont déserté à toute allure vers les frontières mauritanienne et nigérienne. D’ailleurs, selon d’autres informations provenant de sources proches des frontières, la Mauritanie aurait renforcé son dispositif pour éviter l’afflux des refugiés maliens vers ses villes.

Abdoulaye Niangaly

Depuis le nord Mali

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