Dans son dernier bulletin humanitaire, du mois de mars 2017, publié cette semaine, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) du Mali, alerte sur la situation humanitaire, notamment dans les régions du nord du pays. Les faits saillants mentionnés dans ce bulletin sont le fait qu’un malien sur cinq, soit 3 millions 800 mille, sera en insécurité alimentaire pendant la période de soudure. Egalement, de plus en plus d’écoles ferment au centre du pays face aux menaces sécuritaires. Il ressort de ce bulletin que les interdictions de circuler en moto affectent l’accès aux services de base. Un manque alarmant d’accès à l’eau en zones rurales à Ménaka est aussi à déplorer.
Selon les dernières estimations de l’analyse du Cadre Harmonisé de mars 2017, plus de 3,8 millions de personnes seront considérées comme étant dans le besoin en termes de sécurité alimentaire au cours de la période de soudure de juin à août 2017. Parmi elles, plus de 600 000 personnes seront en situation de « crise » ou « urgence » et 3,2 millions de personnes seront « sous pression ». Ces données indiquent une dégradation de la situation par rapport à l’an dernier, avec près d’un million de personnes supplémentaires dans le besoin cette année. Les déplacements de population et l’insécurité aggravent l’insécurité alimentaire. Près des deux tiers des personnes en situation de crise et d’urgence alimentaire se trouvent dans des régions instables et affectées par le conflit. Il s’agit des régions de Gao, Ménaka, Tombouctou, Taoudénit, Kidal, Mopti et le nord de Ségou. Ce rapport souligne que les importantes inondations de l’an dernier et la soudure pastorale précoce ont aussi affecté les récoltes et le cheptel, accentuant les déplacements de population et les risques de conflits intercommunautaires.
Face à cette situation, il importe de retenir qu’il y a une insuffisance de ressources pour répondre à l’ampleur des besoins. Il est donc urgent de mobiliser des fonds supplémentaires, pour assister les ménages en besoin d’aide immédiate qui se trouvent dans les zones touchées par le conflit.
Principaux facteurs d’insécurité alimentaire
Selon la dernière édition de l’Enquête Nationale de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle (ENSAN), réalisée en février 2017, l’insécurité alimentaire, actuellement enregistrée au pays, est en grande partie liée à la pauvreté des ménages. La précarité des ménages est exacerbée par l’insécurité qui affecte certaines zones du nord et du centre du pays ainsi que par les aléas climatiques.
Selon les chiffres de l’enquête, plus d’un ménage sur quatre affirme avoir subi un ou des types de chocs au cours des six derniers mois qui ont nui à sa capacité de se procurer de la nourriture et d’autres produits essentiels. De façon générale, les ménages dirigés par des femmes sont davantage en insécurité alimentaire que ceux dirigés par des hommes, 37,4% contre 24,7%. À noter également que la prévalence de l’insécurité alimentaire est plus élevée en milieu rural qu’en milieu urbain, avec 31 % contre 7,5%.
De plus en plus d’écoles fermées au centre
Pour ce rapport, le nombre d’écoles qui ferment en raison de menaces ou du climat d’insécurité ne cesse d’augmenter dans le centre du pays. Au cours des derniers mois, les acteurs du secteur de l’éducation dans les régions de Mopti et Ségou ont rapporté un nombre croissant de cas d’individus armés ayant proféré des menaces et demandé la fermeture d’établissements scolaires ainsi que d’actes de banditisme contre des enseignants ou des écoles.
Selon les données du Cluster Éducation d’OCHA, la région de Mopti compte à elle seule 270 écoles actuellement fermées. Dans les régions du nord du pays, comme Gao, Kidal et Tombouctou, le nombre d’écoles fermées s’est toutefois stabilisé. Pour tout le pays, en mars 2017, plus de 500 écoles sont fermées dans les zones touchées par l’insécurité. Ainsi, selon le Cluster Éducation, environ 150 000 enfants sont déscolarisés ou non-scolarisés du fait de ces fermeture d’écoles. Par ailleurs, environ 1630 enseignants sont absents dans les zones touchées par l’insécurité.
Les interdictions de circuler en moto affectent l’accès aux services de base au centre du Mali
Ce rapport indique que les organisations humanitaires qui œuvrent au centre du pays s’inquiètent des effets des restrictions de circulation des motos sur l’accès des populations aux services sociaux de base. En effet, dans la région de Ségou, les cercles de Macina, Niono et certaines communes du nord du cercle de Ségou sont visés depuis le mois de février par des interdictions complètes de circulation en tout temps des engins à deux roues. Le cercle de Ténenkou dans la région de Mopti est aussi visé par une interdiction similaire.
Dans les zones concernées, les partenaires humanitaires sur le terrain rapportent notamment une baisse de fréquentation des centres de santé et des écoles secondaires. Ils constatent aussi que les stratégies avancées en santé, qui sont essentiellement conduites à motos, sont interrompues.
Dans ce contexte, certains partenaires rapportent également un ralentissement des activités économiques, y compris des baisses de fréquentation de foires commerciales hebdomadaires et une baisse de disponibilité de certains aliments. En plus des interdictions totales de circulation des engins à deux roues, d’autres mesures sont en vigueur pour interdire partiellement la circulation de différents types de véhicules à moteur à deux ou trois roues. Ainsi, dans la majorité des cercles de Mopti, la restriction ne s’applique que le soir et la nuit, ce qui permet aux populations de vaquer à leurs activités régulières le jour.
Des besoins urgents restent à combler
L’acheminement de l’aide aux personnes déplacées est ralenti par l’insécurité ambiante et les difficultés logistiques liées à l’interdiction de circulation des motos en vigueur dans des zones qui ne sont pourtant pas accessibles en véhicule. Le nombre de ménages à assister a par ailleurs augmenté par rapport aux évaluations initiales puisque les mouvements de population se sont poursuivis. Ainsi, malgré le début des distributions, des besoins urgents restent à combler pour des milliers de personnes, surtout en matière d’abri et d’accès à l’eau et l’hygiène. On note dans la région de Ménaka que les femmes et les enfants sont généralement chargés d’aller chercher de l’eau dans les localités avoisinantes lorsque les mares et les puisards se tarissent pendant les mois de sécheresse. Ils peuvent ainsi parcourir jusqu’à 30 kilomètres dans des zones d’insécurité. Par ailleurs, les filles sont aussi plus à risque d’être déscolarisées en raison du temps alloué à cette quête d’eau.
L’accès à l’eau est aussi source de tensions et de conflits intercommunautaires entre les populations qui bénéficient d’une source pérenne et celles qui n’en n’ont pas.
Dans ce contexte, il faut retenir qu’il y a urgence de réaliser de nouveaux forages dans la région, avec des approches de planification sur au moins trois ans, tout en assurant leur pérennité en concertation avec les membres des communautés concernés.
En somme, OCHA souligne l’importance pour les bailleurs de fonds de soutenir davantage l’accès à l’eau dans les régions du nord, dont celle de Ménaka. D’autant qu’un accès à l’eau régulier et sécuritaire d’un point de vue hygiène, participe également à l’impact positif des interventions dans d’autres secteurs clés, comme la santé, l’éducation et la sécurité alimentaire.
Dieudonné Tembely
tembely@journalinfosept.com