Signature de tout accord reconnaissant un statut a ‘’l’azawad’’: Une entorse a la constitution du 25 fevrier 1992 du Mali

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Des dirigeants touareg assistent aux négociations sur le Mali menées à Ouagadougou, le 8 juin 2013  © AFP
Des dirigeants touareg assistent aux négociations sur le Mali menées à Ouagadougou, le 8 juin 2013
© AFP

Me Abdoulaye Sékou SOW dans son célèbre ouvrage, ‘’l’Etat démocratique républicain : La problématique de sa construction au Mali’’, ne manquait pas de dire que le pouvoir s’exerce sur des hommes. La population, comme condition déterminante de l’existence de l’Etat signifie qu’un ensemble limité d’hommes est soumis à un pouvoir politique déterminé. Si des distinctions peuvent être reconnues au sein de la population, celles-ci restent unifiées au sein d’un peuple avec des droits spécifiques. La notion d’unité de la République n’apparait pas à la lecture de la Constitution du 25 février 1992. Pour autant, elle est présente plus que tout, dans le discours politique, dans les écrits de la doctrine et, même, dans la devise de la République…

 

 

Le modèle d’organisation unitaire de l’Etat pose les fondements du principe d’unité, conçue comme le moyen d’éviter toute dérive fédéraliste. Pourtant, considéré comme le lien entre l’unité et le peuple, le principe est à la fois dans le territoire, le pouvoir mais aussi et surtout dans les personnes. C’est un principe qui se fonde sur celui de l’indivisibilité, entendu comme s’opposant à toute division entre citoyens composant un même corps. Le titre II de la Constitution du 25 février 1992, De l’Etat et de la souveraineté, conforte cette approche dans son article 25 : « Le Mali est une République indépendante, souveraine, indivisible, démocratique, laïque et sociale. Son principe est le Gouvernement du Peuple, par le Peuple et pour le Peuple ».

 

 

Ces dispositions se référent aux grandes valeurs de la République et ont une force idéologique considérable. Leur portée juridique reste tributaire à la faiblesse voire l’absence de décisions de la Cour constitutionnelle en la matière. En d’autres termes, le débat autour de ces questions d’unité et d’indivisibilité ne s’est pas pour le moment invité dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle de notre pays.

 

 

 

La Constitution du Mali n’admet pas à l’intérieur du peuple la reconnaissance d’un peuple Touareg. La Constitution ne reconnait aucun droit spécifique à un quelconque groupe ethnique sur l’ensemble du territoire national. D’ailleurs, le préambule de la constitution se rattachant à la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, entend faire respecter l’égalité des citoyens. Et l’Art. 2 de la Constitution du 25 février 1992 dispose à cet effet que « Tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée. »

 

Sans reconnaissance de peuple Touareg, il ne peut être fait application du principe de libre détermination des peuples. Le droit à l’autodétermination des peuples fut proclamé par de nombreux instruments internationaux (art. 1er et 55 de la charte de l’ONU ; pactes de 1966 ; résolutions 1514 (XV) dite déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, et 2625 (XXV) dite déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre Etats, votées par l’Assemblée générale des nations unies, sans compter les avis consultatifs de la Cour internationale de justice dans les affaires de Namibie et du Sahara occidental. L’ensemble de ces instruments fait aujourd’hui partie du droit international positif. Appelé aussi droit des peuples à disposer d’eux mêmes, le principe se définit comme étant le droit pour chaque peuple de choisir librement son statut politique. Le risque que peut entrainer l’amalgame est grand surtout lorsque le ministre des affaires étrangères françaises Alain JUPPE sous le mandat SARKOZY sur RFI s’est employé à justifier la rébellion par ce principe. Au nom de l’intangibilité et de l’intégrité du territoire, l’ensemble des acteurs concernés par cette crise doivent faire preuve de fermeté surtout l’Etat malien.

 

 

En effet, le risque est trop important de voir se produire une dislocation de la République, dans la mesure où rien n’interdira à d’autres régions de réclamer la même reconnaissance. Il est à ce stade juridiquement facile de démontrer que le principe d’unicité du peuple malien qui ressort déjà dans la devise (Un peuple – Un but – Une foi), est une garantie dont le respect est un moyen d’éviter une division du territoire républicain et, ce faisant, consolide la préservation de la dimension territoriale du Mali, conférant ainsi une certaine effectivité à l’indivisibilité, dans sa composante territoriale. Aussi, le terme d’unicité du peuple malien ne souffre d’aucun doute dans la Constitution. L’article 26 dispose « La souveraineté nationale appartient au peuple tout entier qui l’exerce par ses représentants ou par voie de référendum. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice » ; conférant ainsi au caractère « peuple tout entier » une valeur constitutionnelle.  La doctrine s’emploie à bien préciser les terminologies unité et unicité.

 

 

 

Si les expressions d’unité ou d’unicité sont indifféremment utilisées, il est difficile de croire à une parfaite synonymie. L’étymologie peut aider à pointer le sens spécifique du mot unicité. Les deux termes ont la même origine latine, unus, qui signifie « un ». Mais cette racine commune s’est ensuite divisée en deux branches distinctes avec d’un côté unicus et de l’autre unitas. Unicus a d’abord donné le mot « unique » et, plus tard, celui d’« unicité ». Quant à unitas, il a engendré « unité » puis son dérivé « unitaire ». Malgré cette origine différente, certains dictionnaires donnent une définition identique de l’unité et de l’unicité : « caractère de ce qui est unique ». Partant de ce constat étymologique, on peut estimer que ces termes recouvrent deux sens quelque peu différents de « un ». L’unicité, dans la mesure où elle est un dérivé de « unique », traduirait l’idée d’un seul peuple donc unique, sur le territoire de la République. L’unité étant, quant à elle, définie comme la qualité de quelque chose qui est un, par opposition à la pluralité, elle désigne davantage le «caractère de ce qui ne peut être divisé».

 

 

 

L’unité se rapprocherait donc très étroitement de la notion d’indivisibilité de sorte que l’unité de la République aurait les mêmes implications que l’indivisibilité puisqu’elle interdirait la division du tout que forme la République. Même si les peuples ont certes le droit indéniable de se soustraire à un statut politique impliquant une « subjugation, domination ou exploitation étrangère », il est difficile de faire justifier la rébellion Touarègue du Mali par cette approche d’autant plus que la résolution 2625 consacre une présomption de non-colonialisme quand un Etat est doté d’un gouvernement représentant l’ensemble des peuples (peuple ici est mis pour les populations) appartenant au territoire, sans distinction de race, de croyance ou couleur. Le caractère singulier se rattachant à l’écriture n’est pas gratuit. Il assure, même si cela peut être qualifié de détail, l’effectivité du principe d’unicité du peuple. Le peuple, qui se compose de l’ensemble des populations, est constitué par des individus qui sont rattachés à l’Etat par un lien juridique stable : la nationalité. La nationalité est définit par Paul LAGARDE : « la nationalité c’est l’appartenance juridique à la population constitutive d’un Etat, elle conditionne l’étendue des droits des personnes sur ce territoire ». L’article 15 de la DUDH précise dans son paragraphe 1er que tout individu a droit à une nationalité, le paragraphe 2 que nul ne peut être arbitrairement privé de cette nationalité ni du droit de changer de nationalité (le changement ne peut pas être arbitraire mais les Etats peuvent poser des conditions). Les velléités du mouvement AZAWAD trouve un nouvel obstacle dans la nationalité dans la mesure que sous aucun prétexte, un groupe armé puisse revendiquer la création d’un Etat, ignorant l’addition des éléments constitutifs (Territoire, pouvoir politique et population). Envisagée en droit privé comme un élément de l’état des personnes, la nationalité attribue un statut objectif d’où résulte pour l’Etat des pouvoirs et des obligations dans ses rapports avec ses sujets. Elle opère, dans la masse des êtres aptes à recevoir un tel statut, une division entre deux catégories : les nationaux (êtres rattachés à l’Etat par un lien de fait d’où résultent une compétence personnelle et les pouvoirs y afférents ; et les étrangers c’est-à-dire tous les autres, à l’égard de qui les liens de fait qui les unissent éventuellement à lui, et notamment leur présence sur son territoire produisent une compétence territoriale.

 

 

La nationalité reste donc subordonnée à l’Etat à qui, il revient de manière exclusive à régir l’encadrement juridique des personnes vivant sur son territoire. Le droit positif interne de chaque Etat prend en charge les questions juridiques régissant la nationalité. Elle est un lien de droit permanent unissant un être et un Etat. Dans ce débat, nul ne doit imposer au Mali sa conduite. Il revient à l’Etat, seule personne morale disposant du pouvoir de contrainte légitime d’user de toutes « les compétences de sa Compétence » c’est-à-dire au nom de la Souveraineté de combattre toutes agressions du Mali et il appartient à chaque malien comme le contient l’appel du Président de la transition de nous considérer comme un soldat au service de la nation.

 

Souleymane Seydou DE

Assistant à la faculté de Droit Public/USJPB

Doctorant à l’université de Ouaga

 

 

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