Le vendredi 15 Mai 2015, l’Accord de paix et de réconciliation national, issu du processus de pourparlers inter-Maliens d’Alger (Algérie), a été signé par le gouvernement malien, la médiation internationale et l’ensemble des composantes de la Plateforme des groupes armés.
A noter que les trois principales composantes de la Coordination des Mouvements armés de l’Azawad (Cma) n’assistaient pas à la signature. Il s’agit du Mnla, du Hcua et de la branche rebelle du Maa. Ce sont finalement la Coalition pour le peuple de l’Azawad (Cpa) et la Cmfpr 2 qui ont signé l’Accord du côté de la Cma.
Mais, il faut aussi souligner que la Cpa, dans un communiqué, s’est démarqué de Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun qui a signé le document au nom de ce groupe visiblement divisé par rapport à cette signature.
Qu’attendre de cette signature ? Comme le disait l’ancien président Alpha Oumar Konaré, lors du forum de réconciliation nationale en Côte d’Ivoire en 2002, tous les intervenants voudraient que cet accord soit «la volonté» des Maliens d’arracher leur pays à «l’emprise de la fatalité» pour «l’ouvrir à la pérennité à un avenir digne de son histoire et de sa culture».
Comme l’a dit le président du Zimbabwe et de l’Union africaine (U.a), Robert Mugabé dans un brillant discours, «Le Mali appartient aux Maliens… Et la paix et l’unité du pays relèvent d’eux». Mais, la paix sera-t-elle au bout de l’Accord signé à Bamako ce 15 mai ? C’est la question que de nombreux Maliens se posent maintenant.
L’Accord a le soutien des notabilités du nord du Mali, des chefs traditionnels et coutumiers touareg. Et le 12 mai 2015, le Collectif des Ressortissants de Kidal avait apporté son soutien au gouvernement malien à travers un point de presse.
Tous se disent dépités de cette violence et veulent la paix pour mettre fin au calvaire, voire le drame des populations du nord du Mali. Cela est un atout dans la mise en œuvre de cet accord. Si tous ces soutiens sont réellement sincères, ceux qui veulent rester en marge du processus vont très vite se retrouver isolés au sein de leurs propres communautés. Ils n’auront donc plus aucune légitimité à verser le sang d’innocents au nom d’un présumé peuple de l’Azawad.
L’espoir est en tout cas de mise car, comme le disait Honorable Assory Aïcha Belco, députée de Tessalit (Kidal), «… Avec la signature de cet accord, c’est un nouveau départ qui commence pour le Mali. On va écrire les nouvelles pages de cette histoire car, dans cet accord, il y a plusieurs points essentiels».
Dans un communiqué publié juste après la signature, Ban Ki-moon, «considère que la signature par certaines des parties aujourd’hui est un pas important vers l’établissement d’une paix durable au Mali et espère sincèrement que les autres parties au processus d’Alger adhèreront à l’Accord dès que possible».
Mettre fin aux deuils d’innocents sacrifiés sur l’autel des ambitions criminelles
Ceux qui sont réellement attachés à la paix pensent qu’il est temps de tourner la page, car le sang a trop coulé. Et ce «sang qui coule est le nôtre, qu’il soit d’un soldat malien ou d’un rebelle malien», déplore Mme Oumou Sall Seck, maire de Goundam.
Mais, logiquement la signature de l’accord n’a pas éteint la polémique sur le contenu du document. Même si l’espoir est perceptible dans les discours, l’inquiétude et le pessimisme persistent. «Difficile de ne pas être pessimiste quand on sait que, au moment où l’Accord était signé à Bamako, on assistait à la reprise de combats à Tinfadimat, près de Ménaka, entre le Gatia et les éléments du Mnla qui occupaient cette ville jusqu’au 27 avril dernier», commente un diplomate africain en poste à Bamako qui souhaite garder l’anonymat.
Pour les plus pessimistes, le pays n’est pas encore sorti de l’auberge. Ainsi pour Joseph Brunet-Jailly, ancien Représentant de l’Institut de recherche pour le développement à Bamako, consultant et enseignant en Sciences Po à Paris, «la solution des problèmes du nord du Mali n’est pas dans un démantèlement du Mali, qui serait la première étape d’une hyper-balkanisation au cœur du Sahel…».
Or, c’est ce qui est contenu dans le document paraphé à Alger le 1er mars 2015 avant sa signature officielle à Bamako le 15 mai dernier. En effet, il organise l’autonomie d’une vaste région, dont les gouverneurs seraient élus au suffrage universel et disposeraient d’une force de police et de budgets conséquents attendus de l’Etat (40 % des ressources de ce dernier) et de l’aide extérieure…
«Du fait de la faiblesse notoire de l’Etat au Mali, ces régions seraient alors de facto indépendantes», craint M. Brunet-Jailly. Une crainte partagée par l’opposition politique, une grande partie de la société civile, et de nombreux observateurs interrogés sur le dossier.
Désaccords sur un Accord
Dans les coulisses de la signature, beaucoup cachaient à peine leur pessimisme et sont convaincus que l’accord signé accouchera difficilement de la paix attendue…
Pour certains observateurs, il est absolument inapplicable pour apporter la paix autrement qu’en attribuant une autonomie qui ne dit pas son nom aux groupes criminels terroristes qui sévissent au Mali.
«Ce n’est pas un accord qui a été signé aujourd’hui à Bamako, mais un désaccord… Demain des voix se lèveront au Nord pour dire que cet accord ne les engagent pas et qu’il est nul et non avenu», proteste Fousseyni Camara, un intellectuel engagé de la diaspora malienne joint en France.
Il est de ceux qui pensent que «si les groupes armés étaient de bonne foi ils n’auraient pas mis une demie douzaine de villes du nord à feu et à sang à une semaine de la signature de cet accord».
Mais, «…aucun document ne peut répondre à toutes les doléances ou résoudre tous les différends», souligne la Sous-secrétaire adjointe américaine chargée des questions de politique économique de l’Afrique de l’Ouest et sub-saharienne, l’Ambassadeur Bisa Williams.
Dans sa déclaration sur la cérémonie de signature, la diplomate rappelle, «cet accord établit un cadre important pour les parties prenantes de pouvoir travailler ensemble dans l’intérêt du peuple malien».
Et au finish, partisans et opposants pensent que s’il y a une mince chance que cet accord aboutisse à la paix, il faut la saisir.
«Un accord ne peut pas maintenir la paix qui se gagne et se mérite sur le terrain», souligne le diplomate africain pour exhorter les Maliens à poursuivre le dialogue.
«Pour donner une chance à la paix, il faut isoler au sein de leurs propres communautés, ceux qui ne veulent pas prendre le train de la paix. Et cela n’est possible qu’en posant des actes concrets de développement», pense Alhassane Maïga, sociologue, consultant indépendant et ressortissant du cercle de Bourem (Gao).
«Il faut résolument aller vers le développement des régions du nord et non faire semblant comme ce fut le cas depuis près de trois décennies», précise-t-il.
Et M. Maïga rappelle, «toutes les communautés du nord déplorent le dédain que les différents régimes ont eu pour le nord du Mali. Mais, contrairement à certains tribus touareg qui veulent régler le problème par les armes, elles misent sur un changement de la gestion politique pour faire évoluer les choses. Et c’est le moment de prouver qu’elles ont eu raison de prendre cette option».
En tout cas, les observateurs ont les yeux tournés désormais vers les Maliens car comme l’a dit la Secrétaire générale de la francophonie (Oif), la Canadienne Michaëlle Jean, invitée de la cérémonie, «la paix au Mali est une étape essentielle pour la stabilité régionale».
Et comme l’a si bien dit l’Ambassadeur Bisa Williams des Etats-Unis, «pour traduire cet accord en une paix durable toutes les parties devront faire preuve de volonté réelle de négocier, de faire des compromis et de résoudre leurs différends par le dialogue, plutôt que par la violence».
Toutes les parties ! Y compris les Nations unies, à travers la Minusma, dont l’impartialité sera décisive pour pousser tout le monde à aller dans le sens de la paix définitive !
Moussa Bolly