Tout le monde l’a vu à la télé! Adama Drabo, 16 ans, y a été présenté sous les traits d’un enfant soldat, denrée très prisée en ces temps de guerre au Nord du Mali. Il faut pourtant rétablir la vérité, il ne l’a jamais été et cette recherche effrénée du scoop a eu un seul effet, très néfaste pour lui, celui de voir bafouées ses droits les plus élémentaires d’enfant.
D’origine rurale, Adama Drabo, 16 ans, a, après 2 ans seulement de scolarité dans une médersa, embrassé le métier de son père et de ses aïeux, cultivateur à Niono. La saison des cultures terminée, il sollicite de ses parents l’autorisation d’aller «chercher» un peu d’argent en travaillant à la ville.
Dûment autorisés à se déplacer, et sommés de revenir au bercail avant le début de la prochaine saison des pluies, Drabo et l’un de ses amis, aussi jeune et inexpérimenté que lui, décident d’aller courir leur chance à Sévaré. De Ségou, nos «broussards» empruntent un autocar pour cette ville, mais dépassent leur destination et descendent du véhicule à Douentza.
Sans un sou, ils décident de travailler pour «chercher leur prix de transport». Un boutiquier du coin, qui parle bambara comme eux, leur conseille de se placer auprès d’un groupe d’hommes qui ont besoin de marmitons. Ceux-ci, des rebelles en fait, embauchent les deux jeunes garçons et leur donnent quelques habits, du genre convenable chez les islamistes. C’est d’ailleurs ce qui va causer «la» grande méprise à leur endroit.
Drabo et son ami travailleront près de deux semaines, jusqu’à la débandade des rebelles et leur fuite. Ils cuisinent tous les jours des «macaronis» avec un peu de viande, «une cuisine peu difficile à faire» selon le jeune garçon. Lorsque leur protecteur, le boutiquier de Douentza, les informe que leurs «employeurs» ne reviendront pas, les deux garçons se retrouvent sans le sou et dans l’impossibilité de réclamer leur dû. Seule solution, tenter de gagner Sévaré à pied.
Ils prennent donc la route et, au troisième village traversé, demandent un peu d’eau à un vieil homme. Celui-ci, au vu de leurs habits, refusera de leur donner à boire, en les traitant de rebelles. Malgré leurs dénégations, il fera appel à un homme à moto qui, sous la menace d’un couteau, se saisira de Drabo, avant de le ligoter et de le remettre aux militaires basés à Douentza.
Entre temps, le second garçon a pris la clef des champs. «Manœuvré» par les soldats, Drabo niera toute complicité avec les islamistes. Ceux-ci l’enverront donc à Sévaré, où il persistera dans ses dénégations auprès de leurs supérieurs, qui le présenteront quand même à la presse comme un «enfant soldat». Ce qui sera paradoxalement sa chance. Car, outré par le traitement infligé ainsi à un enfant publiquement, le Directeur National de l’Enfant et de la Famille, Bakary Traoré, cherchera à en savoir plus, initiative qui mérite d’être applaudie et répliquée.
De Brigade de Gendarmerie à Section de Police Judiciaire, M. Traoré pourra finalement, après avoir demandé à la Direction régionale de Ségou de mener une enquête sociale pour vérifier les déclarations de Drabo, se faire remettre le garçon et prévenir son père. L’histoire se termine donc bien pour Adama, mais l’on ne sait toujours pas ce qu’il est advenu de son ami.
Comme le rappellera Mme la ministre à l’auditoire, «il ne faut jamais, quel que soit le contexte, oublier les droits des enfants. Même s’ils sont convaincus d’avoir été enrôlés comme soldats, ce sont avant tout des victimes, qu’il faut s’atteler à prendre en charge, psychologiquement et socialement, avant de leur proposer un parcours d’avenir».
Adama ne dira pas le contraire, lui qui s’est vu quasiment mondialement présenté comme le «complice» de gens dont, manifestement, il ne sait même pas qui ils étaient. D’ailleurs, interrogé sur ce que ses «employeurs» lui avaient demandé de faire, outre la cuisine, il nous répondra « on nous faisait prier aux heures dites et l’un de ces hommes, qui ne parlaient pas bambara, a dit un jour en rigolant que nous étions tellement petits que nous ne pouvions même pas porter un fusil».
Ramata Diaouré