Dans une interview largement diffusée sur les antennes de RFI et reprise par notre rédaction, André Bourgeot a estimé que le Nord Mali est une poudrière. Il a aussi laissé entendre qu’un doute plane sur la tenue des élections de 2012 dans notre pays. L’importance des deux sujets nous a conduit à faire réagir la classe politique. Voici leur lecture.
Ousmane Sy, secrétaire politique de l’Adéma-pasj
Le secrétaire politique de l’Adéma a exprimé ses inquiétudes concernant la situation qui prévaut au Nord de notre pays. Il se demande si nous avons les bons instruments et cadres pour gérer ce problème. Il a toutefois signalé que nous avions un bon instrument qui nous avait permis de mettre en place le pacte national et qui avait réuni tous les acteurs maliens. Malheureusement, a-t-il dit, nos autorités sont sortis de cette voie, pour signer l’Accord d’Alger qui a internationalisé l’affaire dont la gestion, a-t-il ajouté, était devenue plus compliquée. Ajoutée à cela la question de la Libye, d’Aqmi, du trafic de drogues, a souligné Ousmane Sy, la situation est devenue vraiment confuse. Il ne sait pas si les réponses administratives et militaires sont suffisantes, surtout dans la perspective des élections générales. Il a affirmé que si la situation actuelle s’aggrave, à partir de Kidal et atteint Gao et Tombouctou, il a des doutes sur la tenue d’élections normales. D’autant plus que la zone peut s’élargir jusqu’à Mopti et Ségou. Dans ce cas, a-t-il soutenu : ‘’ je ne vois pas comment on peut tenir des élections dans un pays où la moitié est dans l’insécurité. ‘’ Il a toutefois recommandé à la classe politique de réfléchir et de faire des suggestions pour que l’essentiel soit sauvé.
Oumar Kanouté, Secrétaire général du MPR
Oui, c’est vrai que depuis les évènements survenus en Libye le retour de certains groupes touaregs avec souvent armes et bagages, la situation sécuritaire semble s’aggraver dans le septentrion de notre pays. Personnellement, je ne pense pas que cela puisse être de nature à compromettre la tenue des élections générales de 2012 pour un certains nombre de raisons. La situation actuelle n’est pas une situation d’irrédentisme tel qu’on l’avait vue auparavant. Certaines dispositions pourront être prises pour que les élections puissent se passer normalement. Il s’agit seulement de surveiller de très près la situation du pays à ce que cela ne puisse pas aller très loin.
Mohamed Ag Akeratane, Secrétaire politique chargé de la communication du parti SADI / « Le Gouvernement ne doit pas attendre… pour justifier la non tenue des élections »
La situation au nord est la conséquence des agressions occidentales contre la Libye. Aujourd’hui, les pays du Sahel sont forcement éclaboussés par cette crise libyenne. Avec ce qui se passe en Libye, il n’y a aucun doute, les combattants vont se replier dans le désert. Au niveau du parti SADI, nous invitons le Gouvernement malien à l’anticipation pour que le pays ne soit pas une victime collatérale. Le Mali doit rapidement prendre des mesures préventives pour la sécurisation des biens et des personnes sur son territoire. Il ne faut pas que cela soit aussi un prétexte pour l’installation de la France et des USA dans le nord. Nous disons aussi qu’il ne faut pas que le Gouvernement malien attende que la situation pourrisse pour justifier la non tenue des élections.
Abdoulaye Amadou Sy, président de Mplus/Ramata
Pour le président de Mplus/Ramata et représentant du Gps-2012, la situation était prévisible avec la dislocation de la Libye, car plusieurs de nos compatriotes se trouvent dans ce pays. Il faut garder son sang-froid afin de reprendre la situation en main, a-t-il recommandé. Il pense qu’il faut insérer nos compatriotes émigrés de Libye dans l’armée, les travaux d’utilité publique… Devant un tel cas, a-t-il fait remarquer, il ne faut pas paniquer. Il a donné l’exemple de situations du même niveau concernant nos compatriotes en Côte d’Ivoire et en Angola qui ont été gérées.
Modibo Kane Cissé, député Rpm
De mon point de vue, a dit le député : ‘’ il n’y a pas de rapport entre les élections qui sont constitutionnelles et la situation sécuritaire qui prévaut au Nord. Effectivement le constat actuel c’est qu’il y a des groupes armés, cela ne veut pas dire qu’il y a une attaque établie ou de guerre. ‘’
Moussa Mara, Président de « Yéléma » / « Il n’y a aucun risque que les élections soient… perturbées au nord »
Depuis bientôt cinq ans, le nord de notre pays est un souci de préoccupation. Mais, il faut relativiser la situation en distinguant les différentes formes de menaces : les menaces à la cohésion sociale au nord, la présence de Aqmi sur notre territoire et les différents groupes impliqués dans diverses formes de trafic. Malgré les connexions, on peut les distinguer. Tout ce qui porte atteinte à la cohésion du pays mérite une attention particulière. A ce titre, la démarche actuelle des autorités de privilégier le développement et l’implication des leaders communautaires est à encouragée et à soutenir. Mais, l’Etat doit être plus rigoureux dans sa démarche et plus constant dans ses principes. Il y a des limites à ne jamais franchir. Il ne faut jamais corrompre les leaders. Ça ne va jamais loin. Il ne faut pas privilégier tel groupe par rapport à tel autre Tout ce qui peut fragiliser l’unité nationale, l’intégrité du territoire et les positions de nos forces armées et de sécurité n’est pas négociable. Avec l’affirmation de ces principes, l’Etat doit agir de telle sorte que les différents services de base disponibles au sud soient au nord. Il faut que le Mali ait une présence adaptée de nos forces armées au nord. Je ne pense pas du tout qu’une menace au nord empêcherait les élections. Une guerre ouverte pourrait avoir des incidences sur les élections. Mais, il n’aura pas de guerre ouverte au nord. A mon avis, il n’y a aucun risque que les élections soient globalement perturbées au nord. Les individus armés dont il est question n’ont pas de base arrière.
Pr. Younoussi Touré, président de l’URD
Personnellement, je pense qu’en l’absence d’indications précises données par les autorités de notre pays sur la situation au Nord notamment en ce qui concerne l’arrivée massive des ressortissant maliens en provenance de la Libye, tout ce qu’on peut dire c’est vraiment des supputations en raison des informations d’ailleurs contradictoires qu’on reçoit du Nord. Je ne pense pas que le Nord soit une poudrière au point d’empêcher le déroulement normale des élections qui sont prévues en 2012. Je crois que nous sommes dans un Etat organisé qui a l’habitude de prendre les dispositions pour faire face à toutes sortes de menaces. Ici, il s’agit d’accueillir des Maliens qui sont venus suite à la situation exceptionnelle qui s’est passée en Libye. Ce que tout Malien aujourd’hui doit souhaiter, en même temps que les autorités d’ailleurs, c’est de faire en sorte que ces maliens soient accueillis et qu’ils soient bien accueillis pour qu’ils se sentent chez eux, et que tout esprit de belligérance soit écartée. Je ne vois pas comment les gens qui ont fui la Libye justement parce que là-bas la situation est intenable viennent créer la même situation dans leur pays d’origine. Les Maliens ont suffisamment de sagesse pour penser qu’ils doivent œuvrer ensemble pour créer un climat de stabilité et de paix dans leur pays. Et nous devrons au niveau de l’exécutif, au niveau des élus, qu’au niveau des populations, faire en sorte que ces gens là soient bien accueillis, qu’on leur apporte tout le soutien nécessaire : soutien moral, matériel, pour faire face à leur besoin primaire. Je crois que c’est de là que partirai tout le reste. Je ne pense pas qu’ils sont là pour déstabiliser le Mali en tant que tel. Je crois d’ailleurs savoir que les autorités sont à pied d’œuvre pour créer ce climat d’apaisement au Nord.
Cheikné Diarra, député Adéma
Cheikné Diarra, membre de la Commission des affaires étrangères, des maliens de l’Extérieur et de l’intégration africaine, a récemment effectué une mission à Kidal dans le cadre de la sécurité. Il a lui aussi des inquiétudes concernant l’évolution des choses au Nord. Il a rappelé que le drapeau malien a été brûlé et des enseignants menacés à Kidal. Il a souligné que le retour de nos compatriotes était prévisible. Il a reconnu le manque de structures d’accueil de ces émigrés. ‘’ Il faut anticiper, a-t-il dit. ‘’ Il a toutefois affirmé que cette situation n’était pas liée aux élections générales.
Nouhoum Keita, secrétaire administratif du parti SADI / « Les nouvelles qui nous parviennent sont très inquiétantes pour notre pays »
Notre parti s’est toujours insurgé contre le mode de traitement non démocratique de la question de l’insécurité dans le Nord du Pays par les autorités de notre pays. Le Président de la République Amadou Toumani Touré ignore un principe sacré de la démocratie, sans lequel on ne peut pas construire un Etat démocratique fort : il s’agit de l’implication des Institutions de notre pays dans la gestion de l’insécurité au Nord- Mali et de la lutte contre le terrorisme.
Nos institutions doivent être pleinement impliquées et dans le cas précis de la lutte contre le terrorisme, notamment contre AQMI, et aussi dans la lutte contre la drogue l’Assemblée Nationale doit être sollicitée afin qu’elle donne son avis sur les termes dans lesquelles doit s’exercer le droit de poursuite sur notre territoire accordé à nos voisins.
C’est le Président de la République seul qui prend l’initiative de conclure des accords dans la lutte anti-terroriste avec les autres Etats voisins du Mali et sous l’impulsion des pays occidentaux. Ceux-ci ont élaboré leurs propres agendas, leurs stratégies de lutte contre l’insécurité et le terrorisme dont les principes et les modalités de mise en œuvre sont définies par eux. Cela se traduit par une présence des troupes étrangères françaises et américaines sur notre territoire, notamment au Nord-Mali.
Les autorités travaillent à institutionnaliser, légitimer, banaliser cette situation inacceptable qui comporte de réels dangers pour la sécurité nationale, celle des citoyens dont beaucoup ont perdu la vie dans des opérations de représailles sur notre territoire. A notre avis, il n’existe aucune politique de sécurité nationale en dehors de cette ligne de collaboration avec les armées étrangères. Et tout indique que la situation d’insécurité créée par les interventions des armées étrangères en Libye va considérablement affaiblir davantage notre Etat et va déboucher sur le surgissement d’entités chaotiques ingouvernables au Nord-Mali, la constitution de cartels mafieux et la résurgence de velléité séparatistes porteuses d’incertitude pour la stabilité politique du pays. Les nouvelles qui nous parviennent sont très inquiétantes pour notre pays. On apprend que beaucoup d’armes sont entrées dans notre territoire ainsi que des combattants de l’armée pro-khadafiste. Mais l’Etat ne dit mot sur ces informations et ne rassure pas notre peuple.
La lutte contre l’insécurité et le terrorisme doit être une action collective, construite à partir d’une vision partagée entre tous les pays de la bande sahélo-saharienne et elle doit être menée sur la base de principes qui respectent la souveraineté des Etats et garantissent un contrôle démocratique de cette lutte par nos Institutions.
Housseini Amion Guindo, Président de la CODEM / « La situation mérite une attention particulière »
Officiellement l’Etat malien n’a encore rien dit sur le retour de combattants maliens de la Libye. Pour moi, ce n’est pas encore une information officielle, même si sur RFI un expert des questions du nord Mali a estimé que la situation est suffisamment grave et pourrait menacer l’organisation des élections au Mali. Dans l’attente d’une information officielle des autorités, je pense que la sécurité nationale est une priorité. Tous les Maliens doivent s’investir pour la paix et l’intégrité du territoire. Le Mali est un et indivisible. Qu’on soit du nord ou du sud, nous sommes tous maliens et devrons exprimer notre solidarité et notre engagement pour la préservation de l’intégrité du territoire. Donc, en attendant que les autorités se prononcent sur cette situation, je dirai que la situation mérite une attention particulière de la part de toute la population malienne.